Ils préfèrent manger
à la cantine

Bon, bio et local. C’est le nouveau tiercé gagnant dans les restaurants scolaires de la Loire et la Haute-Loire. Et la lutte contre le gaspillage alimentaire s’invite aussi à table. Histoire de nourrir les enfants, mais aussi de les éduquer aux enjeux de l’alimentation.

Du frais, du bio et du local dans le Roannais

Vos enfants mangent-ils mieux dans les restaurants scolaires ? C’est en tout cas la dynamique impulsée depuis plusieurs années par la Région, et à plus petite échelle par les acteurs locaux. Dans l’agglomération roannaise un véritable maillage territorial est en train de se mettre en place.

En termes d’approvisionnement de produits bio et/ou locaux, les établissements scolaires de l’agglomération roannaise font-ils partie des bons élèves ? Une chose est sûre, la tendance progresse. Quand les collèges atteignent un taux de 26 %, les écoles primaires affichent près de 30 % de part de fruits, de légumes, de laitages et de fromages bio.

« On est revenu sur des aliments plus sains, il y a eu un bon réveil. Mais à mon goût ce n’est pas encore suffisant », estime Rémi Ligout, responsable du pôle restauration à Roanne. Pour approfondir la démarche, l’entreprise lyonnaise Viaterroirs est entrée en action dès cette rentrée. Elle a pour objectif d’accompagner les producteurs locaux et de les mettre en relation avec les établissements de collectivité publique.

Tributaires de la saison et de la récolte

Déjà cinq collèges et lycées (1), ainsi que la cuisine centrale de la fondation OVE, ont adhéré au projet. Le procédé est simple : l’échange se fait via un site internet. Le producteur s’inscrit et crée un étal en ligne, il indique ses produits, son périmètre de déplacement et ses conditions de livraison. De l’autre côté de l’écran, les professionnels de l’alimentation découvrent les offres et sont invités à passer commander en fonction de leurs besoins et surtout, des produits disponibles.

Dans l’agglomération roannaise, déjà une dizaine de producteurs locaux se sont engagés dont Biocultura, une association d’aide à l’insertion par le travail. Pour Jean-François Guillon, gestionnaire du collège Louis-Aragon à Mably, s’inscrire dans cette démarche est gage de qualité des produits. Même s’il l’avoue, « on est davantage tributaire de la saison et de la récolte. De ce côté-là, c’est moins confortable, mais c’est plus naturel et cela permet aux acteurs locaux de développer leur activité ». Résultat, pour les 320 élèves de la cantine, les produits sont proposés ponctuellement tout au long de l’année. « Par exemple, on commande une centaine de yaourts de brebis une fois par mois. Et quand on a besoin de steaks, on en prévoit 300 pour un jour. Mais, ensuite, on en aura plus pendant plusieurs semaines. Il faut que ce soit varié. »

« Proposer encore davantage de légumes bio »

Au collège Albert-Schweitzer à Riorges, 30 % de produits locaux sont utilisés pour les repas des 360 élèves. Le chef de cuisine, Pierre Dupin, au poste depuis une vingtaine d’années constate une nette évolution dans la restauration scolaire. « Là, avec Viaterroirs on va pouvoir proposer encore davantage de légumes bio », détaille-t-il. À noter que cinq établissements scolaires (2) dans le Roannais sont également labellisés « La Région dans mon assiette » qui visent l’approvisionnement de 60 % de produits locaux et/ou bio.

Elsa SCHEIBEL

(1) Lycée Jean-Puy, collège Albert-Schweitzer (Riorges), collège Louis-Aragon (Mably), lycée Albert-Thomas et lycée Carnot. (2) Lycée Etienne-Legrand (Le Coteau), lycée agricole Roanne-Chervé (Perreux), lycée Carnot, lycée Jean-Puy et lycée Albert-Thomas.

A show poster for Kellar

Au Mazet, des tablées de 7 à 92 ans

À la cantine du Mazet-Saint-Voy, les repas voient les générations se mêler. La mixité prime aussi. Petits, seniors et personnes en situation de handicap se retrouvent chaque jour autour du déjeuner.

Il est midi, l’heure de se mettre à table au Mazet-Saint-Voy. Une trentaine de personnes sont attablées dans le réfectoire de la cantine de la résidence du Lizieux. Ici, les élèves de l’école primaire Albert-Camus, les personnes âgées de la résidence du Lizieux et les travailleurs de l’Esat (Établissement et services d’aide par le travail de la commune) déjeunent. La grande salle est équipée d’une cloison amovible devenue obsolète.

Manger avec les enfants, à côté, ça met de l’ambiance même s’ils chahutent un peu de temps en temps…
Alice et Marthe, deux nonagénaires de la résidence

Depuis vingt ans, les déjeuners sont pris en commun. La motivation première de cette initiative est la réduction des coûts grâce à la mutualisation mais le résultat est un « projet de mixité et d’éloignement » qui tient à cœur à Marianne Mermet-Bouvier, adjointe à la mairie. « C’est l’ensemble du temps méridien qui est réfléchi. » Pour se rendre à la cantine, les enfants effectuent un trajet d’une dizaine de minutes dans les rues du village et coupent à travers le jardin botanique et cela, quel que soit le temps. « Bien sûr, c’est plus agréable quand il fait beau, précise Amélie Guilhot, Atsem (Agent territorial spécialisé des écoles maternelles). En revanche, au retour, la balade digestive est un peu plus fastidieuse, surtout pour les plus petits. »

Ensemble mais séparés

Si petits, aînés et travailleurs de l’Esat mangent au même endroit, ils ne déjeunent pas ensemble pour autant. C’est chacun sa table. « C’est dommage que les repas se fassent séparément, déplore Michael Picq, animateur qui accompagne les élèves. Mais d’un côté, les personnes âgées déjeunent plus tôt et de l’autre, les travailleurs de l’Esat sont contraints par leurs horaires de travail. »

Emma, 8 ans ou Léana, 9 ans aimeraient s’asseoir à la même table que leurs aînés mais le chemin est encore long pour atteindre une véritable mixité. « Manger avec les enfants, à côté, ça met de l’ambiance même s’ils chahutent un peu de temps en temps… », expliquent Alice et Marthe, deux nonagénaires de la résidence. Néanmoins, l’enthousiasme est plus nuancé pour René qui, à 85 ans, n’est pas prêt à partager sa table avec les enfants : « On est mieux à notre propre table. » Ce n’est pas gagné.

Laurianne NOMEL

A photo of Kellar
A poster illustrating Kellar's "self-decapitation" illusion
A show poster of Kellar and 3 red devils
A poster of Kellar levitating a woman in a red dress

Du bio local
dans les assiettes appelouses

Depuis la rentrée, les écoliers de Firminy peuvent consommer des légumes bio à la cantine, produits par la régie agricole municipale. L’idée, née en 2017, a vu le jour au printemps sur les hauteurs de Firminy, là où 5 000 m² ont été cultivés cette année, une surface
qui va s’étendre à 7 500 m² en 2020.

C’est au lieu-dit Marcoux, sur un terrain de la ville, que le projet a vu le jour. Préparée par le service municipal des espaces verts, la parcelle a été confiée à Alexandre Pélissier, un jeune maraîcher recruté récemment. Dès le printemps, celui-ci a commencé à planter des légumes et aujourd’hui, les écoliers, ainsi que les résidents des maisons de retraite de Firminy, voient arriver dans leurs assiettes des légumes bio cueillis du matin : courgettes, tomates, salades ou potirons.

7 500 m² de jardins

« Ça n’a rien d’utopique », explique le maraîcher, convaincu que c’est même « l’avenir de travailler ainsi ». Le démarrage ayant été un peu tardif pour cette saison compte tenu des plannings, seule une partie de la parcelle (5 000 m²) a été cultivée. La saison prochaine, elle le sera en intégralité, soit 7 500 m², auxquels s’ajouteront 200 m² de tunnels qui seront installés près des serres municipales. Ces surfaces permettront « d’étaler les périodes de production et de fournir des légumes plus calibrés ainsi que des produits ayant besoin de plus de chaleur ».

Le maraîcher peut compter sur l’aide des élèves de l’IME voisin, qui participent aux diverses étapes de la production. Un projet va également se mettre en place afin de faire découvrir cette régie municipale aux élèves des écoles de la ville. « Les premiers résultats sont très encourageants, confie le maire. Je n’aurais jamais cru que ça marche aussi bien. »

200

Cet été, la production de tomates a avoisiné les 200 kg, celle de courgettes les 2 tonnes. L’étape prochaine sera de réserver quelques parcelles pour alimenter également les cantines en fruits.

Comment est née cette idée ? Le projet de régie agricole est né d’une proposition faite par une chargée de mission en été 2017. Devant les difficultés à s’approvisionner à proximité en bio, l’idée était de produire soi-même les légumes nécessaires. À l’époque, le maire, trouvant cette idée à la fois exceptionnelle et utopique, a demandé qu’une étude soit menée. La ville a alors fait appel à deux étudiants de l’Isara (Institut supérieur d’agronomie de Rhône-Alpes), Simon Radisson et Bérenger Niel. Ces derniers, après avoir consulté les personnels de cuisine et étudié les terrains disponibles, ont démontré que la mise en place de cette régie agricole était possible.

De notre correspondant Jean-Marc BERTHOMIER

A poster of Thurston. World's famous magician and wonder show of the earth

Les enfants mangent
à l’auberge à Gumières

Près du Haut-Forez, quatre jours par semaine, l’auberge L’Orée du Bois accueille entre vingt et trente enfants de l’école communale pour le repas de midi.

À Gumières, l’heure de la cantine n’est pas pour déplaire aux élèves. Bien au contraire. Les enfants des communes de Gumières et Chazelles-sur-Lavieu mangent chaque jour à l’auberge du village, L’Orée du Bois. Une pratique qui remonte à de nombreuses années et qui a trouvé sa clientèle.

Des règles à respecter

« En moyenne, l’auberge accueille vingt-cinq enfants à l’année. Mais nous pouvons aussi avoir une vingtaine ou une trentaine d’inscrits », explique Bruno Loubatière, premier adjoint à Chazelles-sur-Lavieu et président du syndicat gérant l’école communale. Même si les enfants ne mangent pas dans une cantine « classique », il faut cependant respecter quelques règles, histoire que l’aubergiste ne se trouve pas débordé aux fourneaux. « Depuis quelque temps, nous avons instauré l’obligation d’inscription préalable à la semaine. Les parents ont jusqu’au vendredi précédent pour effectuer leur démarche. » Chaque repas est facturé 3,10 €, « et le syndicat prend en charge 1 euro ».

Les enfants apprécient ce moment et mangent même des choses qu’ils refuseraient chez eux !
Bruno Loubatière, premier adjoint à Chazelles-sur-Lavieu et président du syndicat gérant l’école communale

Quatre jours par semaine, petits et grands, accompagnés par deux employées municipales, se rendent, après une petite marche, dans cette cantine scolaire atypique. Pascal Chazot, le maître des lieux, leur concocte un menu adapté. « Certains plats sont communs à ceux servis aux autres clients. Mais je fais surtout des choses simples, avec des produits frais. » Une démarche qui fonctionne et que Bruno Loubatière salue : « Les enfants apprécient ce moment et mangent même des choses qu’ils refuseraient chez eux ! »

C.V.