CES HIVERS GLAÇANTS
DANS LE RHÔNE
Quel drôle de temps !

« Il n’y avait pas besoin de rideaux,
il y avait de la glace sur les vitres à l’intérieur »
Michel Gresin, autrefois écolier à Saint-Germain-au-Mont-d’Or
LA RÉGION LYONNAISE
TOUCHÉE EN PLEIN CŒUR
Après guerre, les phénomènes climatiques et notamment le froid, n'épargnent pas la France et la région lyonnaise. Les hivers sont rudes, les températures glaciales et l'économie en berne.
Plongée dans ces hivers meurtriers
qui ont glacé les Rhodaniens.

HIVER 1954
L'abbé Pierre : symbole de solidarité
- 13° C à Lyon
Hiver polaire, hiver meurtrier : la reconstruction de l’après-guerre n’a pas encore effacé la misère. Les camps que l’on n’ose plus appeler bidonvilles existent toujours.
On aimerait les oublier mais les températures glaciales réveillent les consciences
et la solidarité des Français touchés par l’appel de l’abbé Pierre.
Janvier | L’intensité du froid fait des victimes : des enfants décèdent, des vieillards meurent de congestion. L’abbé Pierre lance « l’insurrection de la bonté » et en appelle à la solidarité de tous les Français.
Février | L'abbé Pierre lance un nouvel appel, plus officiel, sur les ondes de Radio Luxembourg (RTL). Il réagit au décès d'une femme, retrouvée dans les rues de Paris.

4 février | Le Progrès lance l’opération charbon, un appel aux dons pour financer du charbon à destination des miséreux.
Particuliers et entreprises y répondent.
En une journée, Le Progrès récolte 1,5 million d’anciens francs (32105 euros), ce qui représente presque 3000 dépannages.
Des volontaires vont distribuer des sacs de 50 kg de charbon
auprès des nécessiteux.

La passerelle provisoire du pont de la Guillotière.
La passerelle provisoire du pont de la Guillotière.
7 février | L’abbé Pierre dresse un premier bilan :
en cinq jours, 120 millions d’anciens francs (2,6 millions d’euros) et 120 tonnes de linge et de vêtements ont été recueillis.
A Lyon, les scouts en culottes courtes bravent le froid et collectent de l’argent pour les plus démunis.
17 février-19 février | Maurice Lemaire, Ministre de la reconstruction et du logement , annonce des mesures politiques : 10 milliards de crédits supplémentaires (214 millions d’euros) sont débloqués pour l’édification de cités de première nécessité.
Sur le terrain, les bénévoles s’activent :
des volontaires préparent les repas à l’hôpital de Grange-Blanche.

Les volontaires distribuant les sacs de charbon.
Les volontaires distribuant les sacs de charbon.

La Saône prise par la glace au pont Masaryk à Lyon.
La Saône prise par la glace au pont Masaryk à Lyon.

A l'hôpital de Grange-Blanche, on prépare les repas.
A l'hôpital de Grange-Blanche, on prépare les repas.
Le parc de la Tête d'Or
Cette patinoire géante
HIVER 1956
Quel choc thermique !
- 21° C à Lyon
1er février 1954 | Les semaines précédentes avaient été plus douces.
Comme une caresse qui s’est soudainement muée en une monumentale gifle.
Un choc thermique qui a glacé l’Europe entière.
« Lorsque les ménagères venaient chercher
un litre de rouge, avant de sortir de la boutique,
elle l’emmaillotaient comme un bébé »
Rémi Cuisinier, originaire de Haute-Rivoire
La vague de froid
fait la Une des journaux
Le froid de cette année-là, suivi par la neige, est resté gravé dans les mémoires, tuant, chamboulant le quotidien tant dans les villes que les campagnes. Les entreprises, les transports, le travail dans les cités et dans les champs, etc., tous les pans de l’économie ont été touchés, sans oublier la vie des petits écoliers qui n'ont pas eu de vacances de février.
L'exceptionnel devient la norme
Dans la région comme ailleurs, le charbon manque.
Les routes sont difficilement praticables, les canalisations d’eau souffrent. L’exceptionnel va devenir norme imposée
jusqu’au 29 février.
A Lyon, la Saône est devenue solide, au point de se laisser apprivoiser par des patineurs.
Le Rhône charrie des glaçons et les fontaines deviennent sculptures de glace. Le vent est glacial avec des pointes
jusqu’à 140 km/h. La nuit du 1er au 2 février est terrible,
c'est le point de départ d’un hiver givré.

Flambée des prix
Sur les marchés, la vie des marchands de légumes
est devenue compliquée. La marchandise gèle et se raréfie.
Les poireaux sont difficiles à arracher et les prix flambent.

Le marché sur les quais du Rhône.
Le marché sur les quais du Rhône.
Désert urbain
Entre la place Antonin-Poncet et la place Bellecour à Lyon,
les automobilistes avancent prudemment
près du clocher de la Charité.

Circulation difficile.
Circulation difficile.

La place Bellecour. Vide et congelée.
La place Bellecour. Vide et congelée.
18 février 1956 |
La Saône a gelé à Lyon et la glace
a bloqué les péniches et le port
HIVER 1962-1963
Le plus long du XXe siècle
- 23 ° à Lyon
26 jours de gel en continu
Cette période n’a pas vraiment marqué les esprits car aucune catastrophe n’a eu lieu. Pourtant, il s’inscrit comme le plus long et froid en Europe au XXe siècle.
Novembre 1962 | Le gel commence en France. Il dure
jusqu'au 6 mars 1963. Le Rhône et la Saône ont en partie gelé.
Les conséquences sont dramatiques : lourdes pertes et retards
dans l’agriculture, ainsi que la sous-alimentation des cheptels. L’économie tourne au ralenti pendant trois mois
et les exportations baissent.

« Mes larmes ont gelé à cause du froid »
Jean Torrieo, autrefois plombier-zingueur dans la région lyonnaise
HIVER 1970-71
La vallée du Rhône complètement givrée
- 27° C à Lyon
26-27-29 décembre | Trois jours de tempête de neige surprennent la vallée du Rhône, de Lyon à la Provence. S'ensuivent vingt-cinq jours d'enneigement et des records de température. Toute la région est paralysée.
Au troisième jour, c'est le drame : deux personnes décèdent à cause de l'effondrement du toit de leur centre d'accueil, dans la caserne du 45e régiment d'infanterie à Montélimar, dans la Drôme. On déplore quinze blessés.
Les 6 000 naufragés de l'A7
6 000 automobilistes sont ainsi bloqués sur l’autoroute A7, en pleine tempête.
« Dix heures pour parcourir les 19 km qui séparent les isotopes du nougat, je veux dire Pierrelatte des faubourgs de Montélimar », témoigne Pierre Mérindol, journaliste au Progrès.

Les usines Berliet forcées de fermer
30 décembre | L'entreprise lyonnaise annonce l'arrêt du travail. L'incertitude règne quant à la reprise de l'activité, le lendemain. Le constructeur automobile ne rouvrira ses portes que le 4 janvier.

Les irréductibles
Pendant ce temps, place Maréchal-Lyautey, les Lyonnais
ne renoncent pas à leur sport favori, même sous la neige...
