Le bois,
des forêts de l'Ain
à l'autre bout du monde

Des forêts de l’Ain à la Chine ou la Nouvelle-Zélande, il n’y a qu’un pas…
De sa coupe dans les forêts du Plateau d’Hauteville à son exploitation dans les scieries du département, retour sur le parcours de cette matière première cruciale pour le département de l’Ain.

Un soleil léger caresse les forêts d’Hauteville en cet après-midi de juin. Charly Bonnafoux, technicien forestier à l’Office national des forêts (ONF), parcourt une partie des 3 200 ha qu’il gère pour le plateau d’Hauteville.

Hachette à la main, règle accrochée à la ceinture, il marque les différents épicéas et sapins, malades ou « mûrs à la coupe » qui peuplent les lieux.

« Le coup en haut, c’est pour le repérer, celui en bas du tronc, c’est pour vérifier, lors d’un nouveau passage, que c’est bien le bon arbre qui a été coupé, détaille-t-il. J’ajoute un coup de bombe pour le bûcheron, de manière à ce qu’il s’y retrouve plus facilement. »

Via une application, le technicien envoie l'information aux bûcherons. Suivant son état, l’arbre devra être abattu plus ou moins rapidement : entre un et trois ans.

« Avec un insecte comme le scolyte, qui attaque l’arbre, celui-ci doit être traité rapidement afin qu’il ne perde pas ses propriétés techniques », développe Charly Bonnafoux.

Avant de permettre l'abattage d'un arbre, il doit s’assurer d’avoir trouvé acheteur. Constitution des dossiers, contact avec les élus propriétaires des bois, évaluation des prix… Entre 40 et 50 % du travail du forestier se passe derrière un bureau.

Le travail de terrain d'un garde forestier

Pour le reste, le travail de gestion se fait par un repérage en amont. Loin des images « traumatisantes » des coupes sèches -ces clairières créées au cœur de la forêt par un bûcheronnage intensif-, l’exploitation des bois, dans les zones publiques gérées par l’ONF dans l'Ain, s'effectue arbre par arbre.

Sur son secteur, le technicien marque entre 80 et 100 ha de bois par an. Il coupe un arbre trop grand pour permettre à un plus jeune de pousser. Il veille à la diversité des essences présentes pour éviter les phénomènes épidémiques qui détruisent des espèces entières. La sylviculture, exploitation rationnelle des forêts, apparaît comme un jeu d’équilibre entre les besoins de l’homme et la nécessité de préserver la biodiversité des bois.

« Le travail du forestier, c’est le dosage de la lumière », résume Charly Bonnafoux, pour expliquer ses différentes actions. La plupart du temps, les plantations sont rares. Le garde forestier s’arrange pour que les arbres poussent d’eux-mêmes, de façon «semi» naturelle.

Les arbres se développent sur plusieurs dizaines d’années. En fonction des maladies, des tempêtes, ou sécheresse, les gestionnaires des forêts comme les professionnels du bois doivent prendre en compte cette temporalité.

La coupe en futaie irrégulière

Une technique pour accompagner les « dynamiques naturelles »

La coupe rase

Rarement utilisée par l'ONF dans l'Ain, la technique consiste à couper l'ensemble des arbres d'une parcelle

Les scieries

  • L'acquisition du bois

Les scieries doivent s’assurer un approvisionnement constant en bois. Pour chaque parcelle de bois, l’ONF reçoit les propositions de différentes scieries, intéressées pour l’exploitation du lot mis en vente.

« On ne sait pas le prix que vont proposer les concurrents », dévoile Patrice Janody, président directeur commercial de LBSA.
Sa scierie, spécialisée dans le chêne, est basée à Viriat.
Après un repérage, les professionnels tentent donc un coup de poker, espérant empocher la mise avec un prix à peine plus élevé que les homologues.

Marqué et répertorié, suivant sa provenance et sa qualité, le bois rejoint ensuite la scierie qui s'est portée acquéreuse.
Au maximum, la scierie tente de faire venir ses bois du département. Mais beaucoup d’exploitants restent cependant obligés d’importer une partie de leur bois (voir infographie).

C'est le cas de la scierie LBSA pour qui cette question du local peut être plus complexe que ses confrères spécialisés dans les épicéas ou sapins. Pour cause, les forêts de l’Ain sont majoritairement composées de résineux. La plupart des scieries du département exploitent donc ces derniers plutôt que le chêne.

  • La transformation

Avant de devenir un « avivé » -une planche avec quatre arrêtes-, produit final de l’entreprise, le chêne passe par différentes étapes à commencer par… l’attente.
Pour éviter qu’il ne se détériore en forêt, un stock de bois conséquent est entreposé sur les 17 ha de la scierie LBSA. Des jets d’eaux humidifient la matière première, pour éviter que le bois ne se fasse manger par les insectes. Certaines piles vont être conservées trois mois avant d’être travaillées.

Commence alors la transformation. Sur la table de découpe, il passe de l’état de « grume » à celui de « billon », c’est-à-dire de tronçon. Son écorce lui est retirée et il est passé au détecteur de métaux, afin d’éviter tout accident.

De son poste de sciage, un machiniste découpe les troncs en planches de différentes épaisseurs (18 mm et 27 mm principalement).

« On coupe toujours quelques millimètres au-dessus, indique le responsable. Lors du séchage, le bois peut perdre 10 % de son volume. »

Le scieur doit jouer avec les irrégularités des troncs et les maladies qui ont pu le toucher afin d’exploiter au mieux le bois. « Chaque morceau est différent, sourit Patrice Janody. À chaque fois le travail est différent. »

Le bois est ensuite séché, ou directement transformé en « avivé », après un passage à la déligneuse. Il sort à longueur et à largeur fixe, avant d’être envoyé chez les clients ou conservé dans les séchoirs de l’entreprise.

  • La vente

Au final, sur 100 m3 de chêne achetés, en moyenne 42 m3 ressortent de la scierie en produit « semi » finis. Dans cette entreprise forte d’un chiffre d’affaires annuel de 22 millions d’euros, 60% des produits sont vendus à des clients européens (Allemagne, Grande-Bretagne, Belgique, Pays-Bas), 35% abondent le marché français et 5% partent au « grand export » (Chine et Nouvelle-Zélande notamment).

Les métiers du bois

Machiniste, scieur, déligneur… Souffrant de leur mauvaise image, les métiers du bois ont tendance à rebuter, plus qu’à attirer. « On est toujours en recherche de nouveaux postes », constate Patrice Janody, directeur commercial de la scierie de Viriat.

Pourtant, le milieu présente l’avantage de pouvoir recruter sans formation préalable. Arnaud Laurent, 37 ans, a rejoint la scierie LBSA il y a dix ans. Formé dans le plastique, il a intégré l’entreprise « parce qu’elle cherchait du monde. »
Depuis, le Viriati apprécie la « capacité d’évolution » que lui permet la scierie. Manutentionnaire chargé de l’empilage, il est devenu machiniste. « J’ai été formé à toutes les machines, indique-t-il. L’intérêt, c’est qu’on tourne sur les postes. »
Formé sur le tas, il aime le travail du bois et sa diversité, « loin du monde du plastique ».

Secteur économique important dans le département, le « bois » recrute.
De l’exploitation à la menuiserie, la filière représente 5 000 emplois et 1 300 entreprises, d’après Valérie Chevallon, directrice de la filière interprofessionnelle du bois, Fibois, dans l’Ain.
« Il y a un vrai problème de recrutement comme dans beaucoup de filières techniques », constate cette dernière.
Afin de remédier à cela, deux formations ont été mises en place : une dans les travaux forestiers, depuis 2017, et une sur les métiers du sciage, qui commence en septembre 2019. Les personnes intéressés peuvent s'informer sur le site de Fibois. Début juin, il restait encore des places pour ces différentes sessions.

Où se situent les forêts dans l'Ain ?

Où se situent les forêts dans l'Ain ?

Le lexique du bois

Aubier : cœur du bois, souvent une partie tendre et blanchâtre.

Avivé : ce terme désigne le produit finis, planche avec quatre arrêtes, qui sort d’une scierie.

Billon : il s’agit d’un tronçon découpé suivant une longueur précise dans une « grume ».

Coupe en futaie irrégulière : utilisée majoritairement par l’ONF, cette méthode permet d’exploiter les arbres sans créer des clairières. Les arbres sont coupés, au cas par cas, année après année, suivant leur état et l’équilibre de l’écosystème des lieux.

Coupe rase : plus connue, la coupe rase désigne la coupe d’un, ou de plusieurs, hectares entiers de bois.

Grume : il s’agit du tronc d’un arbre, coupé ou non.

ONF : office national des forêts. L’institution publique gère 69 000 hectares de forêt dans l’Ain.

Sylviculture : désigne l’exploitation rationnelle des arbres forestiers. Elle comprend notamment la coupe, l’entretien et le reboisement des forêts.

Scolyte : famille d’insecte qui attaque le bois, particulièrement les épicéas et les sapins, dans le département. Ces derniers sont en plein développement du fait de périodes de sécheresse de plus en plus longues ces dernières années.