Meurtre d'Aline Filiatre
à Lons-le-Saunier :
l'enquête relancée 35 ans
après les faits

Le 16 décembre 1983, le corps d'une mère de famille de 35 ans est retrouvé par des promeneurs, sur un chemin, à Pannessières, non loin de Lons-le-Saunier. 35 ans et plusieurs actes interruptifs plus tard, l'enquête vient d'être rouverte sur la base de nouveaux témoignages. Mauvaise rencontre, crime crapuleux ou passionnel, découvrez au fil de ce long format le "cold case" jurassien.

Photo Philippe TRIAS

Photo Philippe TRIAS

L’affaire avait défrayé la chronique judiciaire de l’époque. La jeune femme, alors âgée de 35 ans, était une commerçante bien connue de Lons-le-Saunier.

A la tête d'un salon de coiffure situé dans le centre-ville, Aline Filiatre bénéficiait d'une certaine renommée parmi les Lédoniens. Originaire de Bletterans, elle habitait Nevy-sur-Seille (une petite commune de la région lédonienne) depuis peu, avec son nouveau compagnon et sa fille de 13 ans. "Je ne souhaite plus penser à toute cette histoire, ni même en reparler", prévient Delphine qui tout comme sa mère à l'époque tient un salon de coiffure au centre-ville de Lons-le-Saunier. Il est vrai que depuis 35 ans, de nombreuses rumeurs ont circulé sur ce meurtre. Si le père de Delphine a très vite été mis hors de cause (étant à Morez dans le haut Jura avec sa fille au moment des faits), les enquêteurs se sont intéressés aux autres fréquentations de la victime, en vain. Aucun indice et encore moins de preuve n'avaient, alors, permis d'emporter la conviction des policiers.

Après avoir travaillé rue du commerce et rue Rouget-de-Lisle, Aline  Filiatre avait ouvert un salon de coiffure dans la rue Saint-Désiré. Photo Le Progrès

Après avoir travaillé rue du commerce et rue Rouget-de-Lisle, Aline  Filiatre avait ouvert un salon de coiffure dans la rue Saint-Désiré. Photo Le Progrès

Toutes les pistes encore ouvertes

Contactée par Le Progrès, la direction interrégionale de la police judiciaire de Dijon confirme que l'enquête a été rouverte "depuis plusieurs mois". Delphine, la fille de la victime a ainsi été à nouveau entendue. Plusieurs autres témoins ont également été interrogés ou "réinterrogés". Car au-delà de l'auteur de ce crime, c'est le mobile qui reste à déterminer. Aline Filiatre a-t-elle fait une mauvaise rencontre en sortant de son salon de coiffure ? Quelqu'un lui avait-il donné rendez-vous, préméditant alors son meurtre ?

Une certitude

Une seule certitude : l'auteur du crime connaissait les lieux. Que le corps de la victime ait été transporté sur ce chemin de Pannessières ou bien qu'Aline Filiatre s'y soit rendue de son plein gré, avant d'y être tuée, il fallait connaître l'endroit.... Idem pour la voiture, une Renault 5 retrouvée derrière le cinéma (le Régent à l'époque), un endroit de stationnement relativement à l'écart des allers et venues des Lédoniens. Les policiers de la direction interrégionale de la police judiciaire de Dijon s'intéresseraient donc à l'entourage d'Aline ou bien à des personnes qui habitaient le secteur de Lons-le-Saunier, à l'époque.

La Renault 5 a été retrouvée le lendemain du meurtre sur le parking du Régent, ancien cinéma du centre-ville de Lons-le-Saunier. Photo Le Progrès

La Renault 5 a été retrouvée le lendemain du meurtre sur le parking du Régent, ancien cinéma du centre-ville de Lons-le-Saunier. Photo Le Progrès

Entre la dernière fois qu'on l'a vue en vie et la découverte de son corps, s'écoulent seulement deux heures.

En ce vendredi de la mi-décembre 1983, Aline quitte son salon de coiffure, situé rue Saint-Désiré, un peu plus tard que d’habitude. La jeune femme vient de se faire coiffer par l’une de ses employées. Elle avait prévu de sortir le lendemain soir. Des témoins la voient regagner sa Renault 5, les bras chargés d’un panier de linge. Il est environ 19h30.

Après avoir quitté son salon vers 19h30 ce 16 décembre 1983, Aline a récupéré sa Renault 5 qui était garée rue des Tanneurs. On ignore ensuite où elle s'est rendue. Photo Le Progrès

Après avoir quitté son salon vers 19h30 ce 16 décembre 1983, Aline a récupéré sa Renault 5 qui était garée rue des Tanneurs. On ignore ensuite où elle s'est rendue. Photo Le Progrès

Ce n'est que deux heures plus tard, vers 21h45 qu'un jeune couple de promeneurs aperçoit le corps dans la lueur des phares de leur voiture. Ils viennent de se garer chemin de Liesme, sur les hauteurs de Lons, en direction de Besançon. La jeune femme a été tuée d'un violent coup de bâton (ou un objet contondant) à la nuque. On l'a aussi frappée au visage. Son corps, a demi dévêtu, ne présente aucune trace d'agression sexuelle. Ce qui, d'après les enquêteurs de l'époque n'écarte pas définitivement la thèse du crime passionnel.

Ci-dessous, déplacez-vous sur la carte et cliquez sur les éléments pour saisir les étapes de l'enquête

Une coupure de presse du Progrès de l'époque

Une coupure de presse du Progrès de l'époque

Des actes interruptifs cassent la prescription

La loi de 2017 prolonge le délai de prescription des actes criminelles à 20 ans. Ayant eu lieu avant cette loi, le meurtre d'Aline Filiaitre est, cependant, prescrit d'un délai de dix ans. Mais comme dans la plupart des "cold case", les enquêteurs émettent des "actes interruptifs", qui viennent casser ce délai et relancer l'enquête. C'est le plus souvent la recherche d'éléments nouveaux. "J'ai été entendue par un policier de Dijon avant Noël" a ainsi, indiqué Delphine, la fille de la victime.

Des traces ADN et de la boue sur la voiture

"Nous disposons, aujourd'hui, de techniques scientifiques qui n'existaient pas il y a encore dix ans", témoigne l'un des policiers en charge de la réouverture de l'enquête à la direction interrégionale de la police judiciaire de Dijon. Une trace ADN, de la boue sur les pneus de la voiture de la victime et les clés de cette même voiture retrouvées à quelques mètres du véhicule constituent autant d'éléments à la disposition des enquêteurs aujourd'hui.

C'est sur ce chemin, à Pannessières, sur les hauteurs de Lons que le corps d'Aline a été retrouvé. Il est maintenant devenu carrossable. Photo Philippe TRIAS

Dans cet article du Progrès, paru deux jours après le meurtre, le lieu de la découverte macabre avait été clairement été identifié.

C'est sur ce chemin, à Pannessières, sur les hauteurs de Lons que le corps d'Aline a été retrouvé. Il est maintenant devenu carrossable. Photo Philippe TRIAS

Dans cet article du Progrès, paru deux jours après le meurtre, le lieu de la découverte macabre avait été clairement été identifié.

Une mystérieuse demande de rançon

Parmi les éléments en la possession des enquêteurs, l'appel reçu par le compagnon d'Aline Filiatre, le soir même du meurtre reste important. A 21 heures, soit moins d'une heure avant que l'on ne découvre le corps de la victime, le jeune homme s'est vu signifier une demande de rançon par téléphone. S'agissait-il d'une mise en scène pour égarer les enquêteurs sur une fausse piste ? Aline Filiatre, propriétaire d'un salon de coiffure et son ami, boulanger rue Saint-Désiré à Lons-le-Saunier, n'étaient sans doute pas en mesure de payer une quelconque rançon.

Le meurtrier connaissait-il sa victime ?

Autre question à laquelle les enquêteurs devront répondre est le mobile et donc le profil du tueur. Les premières constatations tendraient à prouver que l'auteur du crime connaissait sa victime. Le couple témoin ayant découvert le corps, sur les hauteurs de Lons avait clairement identifié le bruit reconnaissable du moteur d'une Renault 5. Modèle de la voiture d'Aline Filiatre, retrouvée juste derrière le cinéma. Il aura donc fallu que le meurtrier sache quelle était la voiture de sa victime, à moins qu'il ne l'ait suivie depuis son salon de coiffure jusqu'à son véhicule ou bien qu'il ne l'ait repérée à son arrivée sur le chemin de la Liesme, alors qu'elle y avait rendez-vous avec quelqu'un d'autre ?

Un tueur en série ?

Au début du mois de décembre 1983, un meurtre présentant des similitudes avait eu lieu dans une forêt du Haut-Rhin. Aline aurait-elle été victime du même meurtrier ?

La famille d'Aline, sa fille Delphine en premier, attend toujours les réponses à ces multitudes de questions. Le meurtre non élucidé d'Aline Filiatre, n'a pas encore son assassin. "Le mystère de Lons", comme l'avaient intitulé les journalistes du Progrès de l'époque constitue aujourd'hui encore le plus troublant des cold case du Jura. Les policiers spécialisés de Dijon espèrent encore pouvoir percer le mystère.

Photo Philippe TRIAS

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