Au revoir Lyon
Bonjour la campagne

Expériences communes #60

@Le Progrès/Maxime JEGAT

@Le Progrès/Maxime JEGAT

Ils ont fait le choix de quitter la ville pour se mettre au vert. La campagne, son bon air, ses prix attractifs. Des choix dictés par l’envie de changer d’environnement mais aussi parfois par obligation, pour travailler dans de meilleures conditions par exemple. Gros plan sur ces exilés, qui vous racontent leur histoire.

Acheter une maison à Solaize
pour « entendre chanter les petits oiseaux »

@Le Progrès/René DEPLAT

@Le Progrès/René DEPLAT

Mickaël Rochas, sa compagne, Carole Gaidier, et leurs deux filles, Candice et Valentine, ont quitté le 7e arrondissement de Lyon pour Solaize il y a environ un an. « On habitait un appartement à Gerland et nous avons pris la décision d’acheter une maison. »

Opération prospection donc. Dans la campagne environnante, mais pas trop loin de la ville quand même. « Lorsque nous avons découvert Solaize, nous avons tout de suite été enchantés. Nous avons alors cherché une maison à acheter et au bout de seulement deux visites, nous avons été conquis. »

« Ici, tout le monde se connaît »

Cette commune d’un peu plus de 3 000 habitants est située à une quinzaine de kilomètres de Lyon. Idéal pour se rendre à leur travail. « Nos filles vont à l’école à Lyon, c’était pratique aussi pour elles. Même si l’immobilier dans la commune est cher, nous avons franchi le pas. Nous sommes toujours dans la Métropole, il y a des transports en commun, des commerces, du personnel médical et les loisirs y sont nombreux grâce à une quarantaine d’associations très actives. »

@Le Progrès

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Mais plus que les commodités, c’est l’esprit de village qui a séduit la petite famille. « Ici, tout le monde se connaît. Nous nous sommes tout de suite impliqués dans la vie associative, nous avons été bien reçus. C’est la campagne près de la ville et le matin, il est agréable d’entendre chanter les petits oiseaux. » En plus, les infrastructures municipales sont bien présentes, avec plusieurs salles et un terrain de sport.
Seul bémol, la desserte locale : « Il y a des transports en commun, mais la déserte du village devrait, à notre avis, être plus développée. Les fréquences de passage des cars sont trop peu importantes. Il ne faut pas se louper le matin pour aller au travail. Mais nous ne regrettons pas notre choix. En plus, les impôts locaux sont moins élevés qu’à Lyon. »

De notre correspondant local, René DEPLAT

Dans le Beaujolais vert, les villages doivent gérer une attractivité nouvelle

Le village de Dareizé. @Le Progrès/Yoann TERRASSE

Le village de Dareizé. @Le Progrès/Yoann TERRASSE

Alors que les terrains autour de Tarare sont scrutés de près par les particuliers et les aménageurs, les élus tentent de conserver la maîtrise foncière de leur village, ce qui peut passer par le refus de nouveaux habitants.

Des vues imprenables sur la campagne, des vignes autour du village, une proximité avec l’A89 : la cote de popularité de Dareizé monte en flèche. Les habitants de l’Ouest Rhodanien ne sont pas les seuls à avoir eu un coup de cœur pour cette commune proche de Tarare. Les Lyonnais commencent eux aussi à être conquis par le cadre de vie dans le Beaujolais vert. « On a de plus en de plus de demandes de renseignements de particuliers ou d’agences immobilières », confirme le maire délégué, Bernard Roux (la commune a fusionné le 1er janvier avec Pontcharra, Saint-Loup et Les Olmes, Ndlr). Le village n’a jamais eu autant d’habitants (535), avec une hausse de 15 % en 10 ans.

Dareizé doit refuser l’arrivée de nouveaux habitants

Seulement voilà, le foncier n’est pas extensible. « Nous avons très peu de terrains disponibles, rappelle l’élu. Le code de l’urbanisme nous demande de densifier les bourgs. Donc la demande se reporte sur d’autres communes. De toute façon, je ne veux pas que nos espaces agricoles soient victimes de cette attractivité. »

"Nous sommes limités à trois ou quatre nouveaux logements individuels par an"
Bernard Roux, maire de Dareizé

C’est le Scot du Beaujolais (Schéma de cohérence territoriale) qui détermine les grandes lignes de l’aménagement de chaque commune. Dareizé doit donc refuser l’arrivée de nouveaux habitants. « Nous sommes limités à trois ou quatre nouveaux logements individuels par an. Ils peuvent se cumuler si on ne les fait pas tous sur la même année », explique Bernard Roux, dont la commune possède une unique réserve foncière de 3 000 m².

Des terrains, situés entre l’auberge et le city-stade, suscitent déjà la convoitise. « On a eu des propositions, révèle le maire. Mais on attend. C’est un projet qui est dans les cartons, ce sera à la prochaine équipe municipale de prendre des décisions. » À Dareizé, un agent immobilier confie avoir vendu récemment une maison de 180 m² plus de 400 000 euros. Les chiffres se sont envolés et ce n’est pas fini.

Joux veut maîtriser son foncier

À Joux, qui a renforcé son attractivité avec la présence voisine de l’A89 depuis 2013, des dispositifs avaient été mis en place en amont pour gérer le développement du village. « Nous avons acheté 8 hectares de terrains en 2010, se souvient le maire, Guy Hofstetter. Cela nous permet d’avoir une réserve et de maîtriser notre foncier. » Une anticipation qui a permis, depuis, la construction d’un lotissement de 21 logements, car Joux séduit de plus en plus.

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C’est le nombre d’élèves en plus accueillis à l’école de Saint-Marcel-l’Éclairé, en quatre ans. Ils étaient 23 et sont désormais 54 enfants.

Ce pouvoir d’attractivité touche également Saint-Marcel-l’Eclairé. « La pression foncière existe, mais on peut y répondre, affirme le maire Hervé Digas. Il reste trois hectares constructibles, même s’il existe la problématique de la pente, qui freine parfois les aménageurs. On est sollicité par des gens de l’extérieur, qui se renseignent sur les possibilités de construction. Quant aux maisons laissées vacantes, notamment après des décès, elles se vendent à toute vitesse. »

Autre signe de l’attrait récent pour ce village : de 23 élèves accueillis à l’école il y a quatre ans, ils sont désormais 54.

Yoann TERRASSE

Les villages du Beaujolais vert. @Le Progrès/Joël PHILIPPON
Bernard Roux, maire de Dareizé. @Le Progrès
Le village de Saint-Marcel-l'Eclairé. @Le Progrès

Lyon : ils travaillent pour la Ville mais n’ont pas les moyens d’y vivre

Moins d’un agent de la mairie sur deux vivrait aujourd’hui à Lyon même. En cause, le décalage entre les revenus des fonctionnaires, pour une grande partie catégorie C, et le prix des loyers intra-muros. Ceux-là font de plus en plus le choix de la grande couronne lyonnaise (Ain ou Isère) pour vivre. Un choix par défaut, par obligation pécuniaire qui ajoute encore à l’usure professionnelle.

L’annonce avait provoqué un enthousiasme profond parmi les salariés de la Ville de Lyon. Le 15 janvier dernier, à l’occasion de ses vœux au personnel de la mairie, le maire, Gérard Collomb, avait annoncé vouloir réserver une part du quota de la Ville pour l’attribution de logements sociaux au bénéfice des agents. Il souhaitait alors mobiliser la Société anonyme de construction de la Ville de Lyon (SACVL) à ce sujet.

Près d’un an plus tard, on sait qu’un chef de projet a été nommé sur la question et que les représentants des personnels doivent être reçus d’ici à la fin de l’année pour faire le point sur l’avancée du dossier.

Une ville trop chère à vivre

Sinon, « aujourd’hui, on ne sait toujours pas combien de logements vont nous être réservés, chez quel bailleur, ni s’il va y avoir des logements dans le parc privé avec des facilités. Il n’y a rien de tangible si ce n’est la bonne intention, raconte une syndicaliste. Quand l’annonce avait été faite, les agents avaient été très nombreux à se positionner pour dire qu’il voulait être sur la liste. L’attente est très forte. »

Une attente à la hauteur de la réalité qui touche Lyon, encore plus que n’importe quelle autre agglomération (hormis Paris). Confrontée au phénomène de gentrification et à la hausse, par ricochet, du prix de l’immobilier, la ville devient trop chère à vivre. Y compris pour les agents de la collectivité, qui sont de moins en moins nombreux à vivre dans la collectivité pour laquelle ils travaillent.

« Pénibilité en plus à cause des trajets »

Le dernier bilan social, dont nous avons eu connaissance, indique ainsi que depuis 2006, la part des agents habitant Lyon est en baisse constante : 49,13 % en 2006, 43,96 % en 2017. La raison, le décalage entre les revenus des fonctionnaires, pour une grande partie catégorie C, et le prix des loyers intra-muros.

« Le salaire moyen d’un agent de catégorie C s’élève à 1 500 euros. Beaucoup sont même en dessous. On leur dit encore qu’ils gagnent trop et qu’ils ne sont pas prioritaires quand ils font une demande pour un logement social, mais comment voulez-vous que ces gens-là se paient un logement à Lyon quand les bailleurs privés demandent trois fois le montant du loyer. Et l’on ne parle même pas ici de l’accession à la propriété », résume la représentante du personnel, qui voit de plus en plus de ses collègues faire le choix de la grande couronne lyonnaise. Elle ne cite pas ici les communes limitrophes de Lyon, mais celles de l’Ain ou de l’Isère…

« Finalement, ce sont des choix par défaut. L’obligation est pécuniaire. Et cela fait apparaître de nouvelles problématiques. Nous n’avons plus seulement à traiter des conditions de travail, on parle de logement et de trajet. Quand on a à faire entre une heure et une heure et demie de trajet par jour, à la longue, une fatigue s’installe. C’est de la pénibilité en plus, de l’usure professionnelle en plus. Sans compter qu’il n’y a aucun aménagement du temps de travail envisagé. À un agent qui arrive quelques minutes en retard à sa prise de poste, on va dire de prendre le train précédent… »

Tatiana VAZQUEZ

@Le Progrès/Maxime JEGAT

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@Le Progrès

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Il a préféré créer
son chocolat de poche à Lucenay,
« un cadre approprié »

Emmanuel Allasia. @Le Progrès/Marie-Noëlle TOINON

Emmanuel Allasia. @Le Progrès/Marie-Noëlle TOINON

« Comment concilier ma passion pour le beau et le bon, pour les arts et la gastronomie ? Où aller pour créer dans un cadre approprié et pour avoir un autre rapport au temps ? » Emmanuel Allasia a trouvé, dans le village de Lucenay, la réponse à toutes ses questions. Avec ses 1 800 habitants, le village coche toutes les cases : « On est à la campagne, mais à deux pas d’une ville moyenne et d’une Métropole. Le matin, quand j’ouvre mes volets sur le pré voisin, je vois Juriste, le superbe taureau de 1 500 kg qui avait fait sensation au Salon de l’agriculture ! »

« Tout est plus simple qu’en ville »

@Le Progrès

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Mais Emmanuel Allasia ne fait pas dans la viande charolaise. Son truc à lui, c’est le chocolat. Après de solides études et un passage dans la finance au cœur de grandes villes, il a décidé de quitter « le stress, le bruit, la pollution et les pertes de temps dans les transports ». S’il reconnaît ne pas avoir choisi un village perdu loin de tout, « le produit ne doit pas rester en quatre murs ». Il aime se retirer du monde pour créer.

Ainsi est née la marque Le Chocolat de poche. Un chocolat qui se dévore comme un livre et qui se présente comme tel ! Des fèves sélectionnées chez des producteurs du Vietnam, du Pérou ou de l’Équateur. Une fabrication artisanale et un habillage unique, en mode livre de poche. Dans le calme de son atelier de Lucenay, Emmanuel Allasia crée un monde qu’il ne craint pas de nommer « chocolittéraire ».

« Le livre-chocolat pour soutenir le livre papier »,

Comment lui est venue l’idée ? « J’aime tellement le chocolat que je planquais des tablettes. J’avais trouvé la cachette parfaite : au milieu des livres de la bibliothèque ». Conjuguant ainsi toutes ses passions, l’artisan chocolatier fait appel à une amie peintre, plonge dans ses pages favorites pour y extraire des phrases emblématiques, choisit les reproductions des œuvres qu’il déguste des yeux. Un univers proustien où Le temps retrouvé a remplacé celui de la ville. Les tablettes trônent aujourd’hui sur les tables des libraires indépendants. « Le livre-chocolat pour soutenir le livre papier », lance, en riant, celui qui vient d’obtenir un bel accueil dans les librairies parisiennes. Devenu, en 2018, lauréat de l’antenne beaujolaise du Réseau Entreprendre, Emmanuel Allasia a trouvé son équilibre à Lucenay : « Tout est plus simple qu’en ville : aller à la mairie, par exemple, mais surtout, faire de belles rencontres et créer des liens. »

De notre correspondante locale, Marie-Noëlle TOINON

Quitter la ville n’a pas que des avantages : « Vivre à la campagne ne s’improvise pas »

Le village de Meys. @Le Progrès/Myriam MONS

Le village de Meys. @Le Progrès/Myriam MONS

Aux confins de la Loire et du Rhône, la commune de Meys compte 860 habitants, dont 10 % sont des néoruraux. Mais « vivre à la campagne ne s’improvise pas », explique Philippe Garnier, maire depuis 2008.

Le ton ne se veut pas du tout ironique. Lui-même a quitté Lyon il y a quarante ans pour s’installer à Meys. En revanche, il mesure aujourd’hui la hauteur des attentes de ces nouveaux administrés qui ont choisi de s’installer à la campagne. « C’est vrai que cela provoque parfois des situations de conflits. Mais à la campagne, il y a de la neige en hiver, de la boue sur la route après le passage des tracteurs, le raccordement à l’assainissement collectif n’est pas aussi évident qu’en ville et surtout, tout se sait ! »

Philippe Garnier, maire de Meys. @Le Progrès/Myriam MONS

Philippe Garnier, maire de Meys. @Le Progrès/Myriam MONS

"On invite les habitants à participer à la vie associative, mais ils nous répondent qu’ils sont venus pour être tranquilles"
Philippe Garnier, maire de Meys

Les anecdotes ne manquent pas. Mais un constat revient souvent dans les propos du maire : « Les gens estiment que la collectivité leur doit tout. On doit déneiger partout mais en priorité devant leur porte, avant de découvrir qu’ils n’ont pas de pneus neige ! »
Philippe Garnier a abandonné l’idée d’organiser des pots d’accueil pour ces nouveaux arrivants faute de participants. « Pourtant, on essaye de faciliter leur intégration au village. On les invite à participer à la vie associative, mais ils nous répondent qu’ils sont venus pour être tranquilles. »

Des changements de vie rêvés qui peuvent parfois tourner à la galère

Côté commerce, une seule épicerie est ouverte à Meys. Un marché de producteurs locaux entre 16 et 19 heures, chaque vendredi, a été créé en 2010 en plein centre du village, « mais les gens le traversaient pour aller chercher les enfants à l’école sans s’y arrêter. Quoi qu’il en soit, les gens qui viennent des villes ne consomment pas local. Ils ont gardé leurs habitudes des grandes surfaces ».

Ces changements de vie rêvés s’avèrent parfois synonymes de galères. « Finalement, beaucoup s’aperçoivent au bout de quelques mois, voire quelques années, que ce genre de vie n’est pas celle qui leur convient et repartent », conclut Philippe Garnier.

M. M.