Le business florissant
des sapins
de Noël

À l’approche des fêtes, les commandes et les ventes du célèbre des conifères s’accélèrent.

En 3 semaines, les différents acteurs du sapin de Noël font leur année. L’enjeu est de taille et pour se différencier, producteurs et vendeurs du Rhône ajustent chacun leur stratégie.

Il est la star de Noël. Celui sans qui la fête ne serait pas tout à fait la même. Celui sous lequel le père Noël dépose les cadeaux. Le sapin trône dans 22 % des foyers français au moment de Noël et chaque année, il s’en vend plus de 6 millions. Cela représente un chiffre d’affaires estimé de 186 millions d’euros. Le gâteau est beau et les acteurs sont nombreux à s’en disputer une part.

Face au marché du sapin artificiel, les producteurs de sapins naturels ripostent et réussissent encore à convaincre 80 % des consommateurs. Leurs arguments foisonnent : plus écologiques, plus authentiques, les sapins naturels sentent bon et respirent la tradition. Pour certains, ils ne perdent même plus leurs épines, à l’image du célèbre Nordmann, roi des ventes avec 8 sapins naturels sur 10 vendus.

80 % des sapins vendus
sont cultivés en France

Si le sapin doit être fait pour le 24 décembre, les Français ne tardent pas et achètent, pour la moitié d’entre eux, leur sapin avant le 9 décembre. Les arbres doivent donc être prêts pour le début du dernier mois de l’année et les producteurs en sont conscients.

« La culture du sapin nous occupe toute l’année mais c’est vrai, nous jouons notre année sur un mois, explique Vincent Houis, animateur de l’Association française du sapin de Noël naturel. Nous coupons les arbres à la fin du mois d’octobre pour que les sapins soient en vente début décembre ».

Le premier  circuit d’achat des sapins naturels est la grande distribution mais il en existe beaucoup d’autres. « Il y a beaucoup de producteurs aux profils différents car il y a beaucoup de circuits de distribution différents, poursuit Vincent Houis. Les sapins se vendent en grande distribution, à la ferme, sur les marchés, sur Internet… ».

Toujours est-il que consommer responsable est dans l’air du temps. Les circuits courts ont la cote, cela tombe bien, les sapins vendus sont cultivés à 80 % en France. Auvergne-Rhône-Alpes pèse pour 10 % de la production nationale. Les labels et certifications garantissant l’origine se multiplient, comme ceux garantissant une production biologique.

Un Label Rouge existe et est gage d’une qualité esthétique (densité du feuillage, forme, taille…) et d’une coupe tardive ce qui fait que les aiguilles tiennent mieux. Pour exister, les acteurs du marché tentent de se différencier, à l’image des producteurs et revendeurs du Rhône (P. 4 et 5), que le Progrès Economie est allé rencontrer.

Jennifer MILLET

« Auvergne-Rhône-Alpes
pèse pour 10 % de la production nationale de sapins »

Vincent Houis
animateur de l’Association française du sapin de Noël naturel

Comment se porte le marché du sapin de Noël naturel ?

« C’est un marché stable. 22 % des foyers français achètent un sapin, c’est un chiffre qui reste constant. Les sapins naturels représentent 80 % des sapins vendus en France. Nous travaillons dur pour ça, pour les promouvoir et pour les cultiver. Ce n’est pas le travail de quelques semaines mais bien de toute l’année et de plusieurs années même, car il se passe 6 à 7 ans entre la plantation de l’arbre et sa coupe. »

Les sapins de Noël naturels ont donc toujours autant de succès ?

« Acheter un sapin de Noël naturel est aussi devenu un geste écologique. L’emprunte carbone d’un sapin naturel est moins importante que celle d’un sapin artificiel. Pour que l’impact soit le même, il faudrait que les gens conservent leur sapin artificiel 20 ans. Mais ça n’arrive jamais. Et puis un sapin de Noël ce n’est pas un produit anodin, il y a une grande part d’affect. »

Auvergne Rhône-Alpes est-elle une grande région de production ?

« Oui, c’est même la 3e région productrice de sapins en France derrière la Bourgogne et la Bretagne. Avec 466 hectares de plantations, la région pèse pour 10 % de la production nationale. À elle seule, la Bourgogne représente 30 % de la production. En France, 5 000 hectares sont exploités en sapins. 80 % des sapins de Noël vendus viennent de France, le reste provient de Belgique et du Danemark principalement, deux pays qui sont de gros producteurs et exportateurs en Europe. La France à l’inverse exporte très peu sa production. »

Quelle est la particularité de la production française ?

« La France compte des producteurs aux profils très différents. Il y a quelques grosses entreprises comme Greencap, une entreprise franco-belge installée en Bretagne qui exploite 1 000 hectares, et beaucoup de petits producteurs. Pour se différencier face à la concurrence étrangère, les producteurs français font souvent le choix de la qualité. Il ne faut pas hésiter à aller sur des marchés de niche ».

Propos recueillis par Jennifer MILLET

Au marché de Noël de la Croix-Rousse, c’est peu dire que Gilbert Tetard fait partie du décor. Et pour cause, cela fait maintenant quatre générations que sa famille investit les lieux, et écoule chaque année plusieurs centaines de conifères. « Nous sommes au marché de la Croix-Rousse depuis sa création, s’enthousiasme Gilbert Tetard.

Cela fait maintenant dix ans que j’ai repris l’affaire de mon père. En effet, le marché de Noël de la Croix-Rousse constitue un très bon point de vente qui draine énormément de monde. A ce titre, je vends plus de 1 200 sapins par an, et chaque année, cela évolue, c’est en progression constante. Je réalise généralement un chiffre d’affaires autour de 30 à 35 000 euros ».

Les sapins viennent directement d’un producteur dans le Morvan

S’il réalise cette activité de vente de sapins de Noël sur son temps libre, en marge de son activité professionnelle, cela l’occupe tout de même de fin août jusqu’à la fin de l’année. Ses sapins, il les fait venir du Morvan, directement du producteur, et les revend à une clientèle composée principalement d’habitués, « mais aussi, de plus en plus de jeunes », précise-t-il.

Une clientèle qui afflue en grande partie aux alentours de la Fête des Lumières, période qui constitue pour lui le plus gros rush de l’année. À cet effet, il œuvre parfois avec jusqu’à quatre saisonniers en renfort, venant prêter main-forte.

En marge de la vente de sapins, où il écoule l’intégralité de son stock, il vend aussi du houx, des couronnes de lavandes, des branchages, etc.
G. R.

Handicap International : des sacs à sapin préparés à Mornant

Le saviez-vous ? Les célèbres sacs à sapin de Handicap International sont conditionnés dans le Rhône, à Mornant, à l’Esat (Établissement et services d’aide par le travail) Louis Jaffrin.

Cet établissement accueille 160 travailleurs en situation de handicap qui œuvrent dans les domaines de la logistique, du stockage, de la préparation de commandes, du conditionnement, de l’étiquetage, du collage, du pliage…

Une trentaine de personnes sont ainsi dédiées au conditionnement des sacs à sapin pour une activité allant du mois de juillet à la fin du mois de novembre.

Seule structure en France

« Nous recevons les sacs à sapin en rouleaux, cela représente plusieurs centaines de rouleaux chaque année et nous avons la charge d’en faire le conditionnement et d’en assurer la logistique et la distribution dans toute la France », explique Rodolphe Rambaud, directeur de l’Esat. La structure sociale est la seule structure en France à assurer le conditionnement des sacs à sapin de Handicap International et cela depuis plus de vingt ans.

« Handicap International fait appel à nous et cela a du sens. Faire travailler des personnes en situation de handicap mental fait écho aux valeurs sociales de Handicap International ». Chaque année, l’Esat conditionne environ 500 000 sacs à sapin. Toujours pour Handicap International, la structure conditionne également le restant de l’année, les kits Plio, des kits de protège-livres.

« Notre objectif n’est pas de faire du chiffre d’affaires mais de faire travailler les personnes en situation de handicap pour qu’elles puissent se réinsérer dans d’autres entreprises », souligne Rodolphe Rambaud. Pour multiplier ses activités, la structure sociale a lancé une e-boutique.

J.M.

Nicolas Junique vend 10 000 sapins en trois semaines

Entrer chez Junique un 5 décembre, c’est un peu comme entrer dans une ruche. Au milieu des 12 hectares cultivés : des camions, des hangars et des sapins… beaucoup de sapins. « D’ici la fin de la semaine, j’ai 70 camions qui partent pour livrer, et je ne sais même pas si je vais en avoir assez, il va falloir puiser dans la réserve (120 000) », explique Nicolas Junique, gérant des lieux.

Sur cette période de Noël, il n’a pas le droit à l’erreur, car tout se joue sur trois semaines. Son entreprise, qui d’habitude emploie un salarié à l’année « pour tailler, tondre et entretenir les sapins », se multiplie par 10 entre le 18 novembre et le 13 décembre. « À cette période, je vends 10 000 sapins : 2 000 à trois horticulteurs du Rhône, 2 000 sur place au détail et 6 000 aux associations et mairies », ses plus gros clients.

Une plateforme de recyclage de déchets verts

Les associations et notamment celles de parents élèves, font en moyenne une marge de 10 € par sapin, ce qui leur permet de rentrer des fonds pour l’école, pour ensuite participer à des sorties scolaires ou des spectacles. Son must : le Nordmann évidemment, qui représente 90 % de son chiffre d’affaires. Les 10 % restants sont pour l’épicéa « plus traditionnel, mais que les gens aiment car il sent le sapin ». Au total, ENRJ sapins -la société uniquement dédiée au sapin créé en 2017 avec sa sœur- génère un chiffre d’affaires de 190 000 €.

« Il y a quelques années, on a séparé les activités pour faire une entité spéciale sapins. Au-delà de La ferme de Léna, l’élevage de 80 bovins dirigé par son épouse et ENRJ Sapins, Nicolas Junique gère ENRJ Verte, une plateforme de recyclage de déchets verts. « On recycle les sapins que l’on vend en les broyant, pour faire pousser de l’herbe et replanter des sapins. » Et il faut être patient pour produire des sapins, « il faut compter entre 6 à 10 ans de culture. »

Inquiétude de la sécheresse

Pour la suite, Nicolas Junique est plutôt inquiet. L’an dernier, la sécheresse lui a fait perdre 18 000 sapins. « La demande augmente, mais il faut suivre. » Pour contrer la Nature, il irrigue beaucoup « c’est un billet entre 300 à 500 € par hectare et par an et j’ai 12 hectares ».

Outre le désherbage (deux fois par an), Nicolas Junique ne traite pas ses sapins. Celui qui fait partie de l’AFSNN (Association Française du Sapin de Noël Naturel) précise à ses détracteurs, que « ce n’est pas de la déforestation, c’est de la culture spécialisée pour dix ans et c’est plus écologique que de l’artificiel ». C’est dit.
Marion MOUGET

La SARL du Bois Guillaume vend 10 000 sapins chaque année

Durant trois week-ends de la fin d’année, le domaine du château de Ronno s’ouvre aux visiteurs pour une tradition toute particulière. Ceux-ci viennent choisir leur sapin en terre, le couper, boire un chocolat chaud et faire un tour de calèche.

Depuis la fin des années 1990, la SARL des sapins du Bois Guillaume propose d’acheter un sapin planté sur les 40 hectares du domaine.
L’histoire de l’entreprise est en fait intimement liée à celle de la famille De Saint Victor, propriétaire du château et du domaine.

Cherchant des revenus pour financer l’entretien de ce patrimoine familial, la fratrie - composée de Jean-François et Pierre De Saint Victor et de Marie-Blanche De Lavergnolle - a créé la SARL, qui emploie actuellement un salarié permanent ainsi que sept saisonniers.

Développer le créneau
de la
vente en ligne

Chaque année, l’entreprise vend en moyenne 10 000 sapins à des clients professionnels (collectivités, jardineries, associations) et à des particuliers pendant ces trois week-ends et depuis peu en drive via le site web.

L’entreprise a en parallèle parié sur une culture raisonnée et développé des nouveaux outils d’entretien des sols et de désherbage (avec des chevaux, mécanique, manuel…).

« Nous constations que nos sols s’appauvrissaient et en parallèle nous voulions nous démarquer dans notre offre. Nous avons donc décidé d’arrêter d’utiliser des produits phytosanitaires pour la culture de nos sapins, indique Jean-François De Saint Victor. Pour l’instant, il y a peu de demande mais je pense qu’il y a un créneau pour les particuliers et, à terme, que cela pourra répondre à une demande des clients professionnels ».

L’entreprise, qui envisage un CA de 120 000 € en 2019, souhaite développer son offre auprès des particuliers, notamment en développant ses ventes de sapins en ligne. Les clients peuvent ensuite venir sur le domaine récupérer leur sapin fraîchement coupé.

Marie ALBESSARD

À Villeurbanne, Botanic réalise 12 % du chiffre de décembre avec les sapins

Dans le magasin Botanic de Villeurbanne, une « forêt » de 2 500 sapins a été installée à l’extérieur. Dès la fin novembre, le magasin entre dans sa période de Noël, en proposant à ses clients des sapins (Épicéa et Nordmann) jusqu’aux fêtes.
« Spécificité lyonnaise, le week-end du 8 décembre est un gros week-end de vente de sapins chez nous », précise Jean-François Bret, directeur du magasin (8 millions d’euros de CA).

35,95€ en moyenne pour un milieu de gamme

L’offre proposée par le magasin est large : des sapins Label Rouge (sélectionnés pour l’homogénéité de leur forme), des sapins bio (nouveauté de cette année), ou encore des réserves d’eau en plastique recyclé vendues pour les sapins coupés, qui permettent de prolonger leur durée de vie.

« Mais les meilleures ventes concernent les Nordmann, bien que j’ai été surpris car nous avons vendu beaucoup de sapins coupés cette année », ajoute encore le directeur. Vendus à partir de 14,95€ et à 35,95€ pour un milieu de gamme, les sapins constituent une part significative de l’activité du magasin.

En effet, chaque décembre, leur vente représente 12 % du CA du mois et deux saisonniers sont embauchés spécifiquement pour gérer les ventes.
Mais Botanic se démarque aussi par une offre de service : bon d’achat de 10€ pour les sapins ramenés après les fêtes (utilisé en compost), sapin préparé et à récupérer en drive après son choix et possibilité de livraison en ville. « Et nous proposons une garantie si le sapin venait à être dégarni avant Noël », assure Jean-François Bret.

Marie ALBESSARD

Presqu’île Fleurs étoffe son offre sur le thème de Noël

Au chevet de l’église Saint-Nizier, Presqu’île Fleurs s’adapte à l’esprit de Noël en étoffant son offre. « Pour les fêtes, on adapte nos abonnements en version festive. »

Sandrine Vaillant, 50 ans, a créé Presqu’île Fleurs en 2000. Au pied de l’église Saint-Nizier, celle qui est issue d’une famille de fleuristes travaille beaucoup avec les abonnements professionnels (60 % de son CA) pour des hôtels, des restaurants, des cabinets d’avocats, des bouchers, des instituts de beauté…

« Il y a un regain, mais ce n’est pas exceptionnel »

À ses clients, elles proposent des sapins décorés ou non, mais aussi des bouquets « version Noël », avec des branches dorées par exemple. Outre les abonnements, elle décore aussi les vitrines et les façades d’une quinzaine de boutiques ou d’hôtels dans Lyon.

« En boutique, je propose des couronnes de Noël, des mini ou des plus grands sapins. » Contrairement à l’année dernière, où elle avait vendu beaucoup de matière première - les gens surfant sur la tendance du Do-it-yourself - cette année, les 60 couronnes sont parties.

Malgré cela, elle assure que pour la période des fêtes « il y a un regain, mais ce n’est pas exceptionnel », puisqu’en contrepartie, elle passe de 3 à 5 salariés. Sandrine, qui a perdu 30 % de son chiffre l’an dernier, suite aux manifestations des Gilets jaunes, assure « qu’avec un produit de luxe et périssable comme les fleurs, le business est quand même compliqué ».

Pour atteindre ses 350 000 euros de chiffres d’affaires en 2020, Sandrine mise sur les réseaux sociaux pour accroître sa notoriété et propose aussi ses fleurs, ses couronnes et ses sapins en ligne.

Marion MOUGET

Reflets Nature écoule ses sapins artificiels aux collectivités

C’est en 1998 qu’Agnès Peticca, 51 ans, et son mari Lionel, se lancent dans l’aventure entrepreneuriale, en fondant Reflets Nature à Craponne. Le créneau de la société : la vente de fleurs et plantes artificielles via internet.

« Notre positionnement, ce sont les fleurs et plantes haut de gamme, précise Agnès Peticca. Et bien sûr, les sapins, car cela fait partie de notre métier. » Cependant, la vente de sapins demeure bien résiduelle au sein de l’activité de la société, et pèserait, selon les dires d’Agnès Peticca, « entre 5 et 10 % de notre activité. Ceci étant, le sapin, c’est très aléatoire, cela dépend des années. Si cette année le sapin a plutôt bien marché, ce n’était pas le cas l’an dernier ».

Néanmoins, elle peut compter sur son fer de lance : le sapin ignifugé, qui constitue ses meilleures ventes parmi les 7 références de sa gamme. Le prix : de 40 € pour les plus abordables, à 2 000 € pour les plus imposants.

Des sapins que la société craponnoise écoule, outre aux particuliers, principalement aux hôpitaux, collectivités, écoles-universités, mais aussi sociétés privées, décorateurs, etc. Et pas uniquement lors des fêtes de fin d’année. « Nous en vendons toute l’année, même si cela peut-être anecdotique. Nous en vendons généralement environ 150 par an », conclut-elle.

G. R