40 ans de nucléaire
à la centrale
du Bugey:
stop ou encore?
Les centrales nucléaires françaises étaient initialement prévues pour une durée de vie de quarante ans.
A la centrale de Saint-Vulbas dans l'Ain, trois des quatre réacteurs sont déjà quadras et c'est le tour du quatrième en juillet 2019.
En France comme à l’étranger, le nucléaire fait polémique. Les débats sont vifs sur le nombre de réacteurs à maintenir, la quantité de centrales à démanteler ou encore d’EPR (réacteur européen à eau pressurisée) à déployer dans les années à venir.
Le sujet est plus que jamais d'actualité. Certains des 58 réacteurs du parc français, autorisés pour l’instant à fonctionner pendant 40 ans, commencent à atteindre cette échéance à partir de 2019.
Mise en service en 1979, la centrale du Bugey, située à Saint-Vulbas dans l’Ain, à 30 km de Lyon et 80 km de Genève (à vol d’oiseau) en fait partie. Elle est la plus ancienne de France derrière la doyenne Fessenheim, exploitée depuis 1978 en Alsace.
Le paysage de Saint-Vulbas, outre la campagne du Bugey, c’est donc quatre cheminées de refroidissement vieillissantes de plus de 120 mètres, estampillées EDF, visibles à 40 kilomètres à la ronde jusqu’à l’esplanade de Fourvière, à Lyon.
Dans le détail, la centrale du Bugey est composée de quatre réacteurs nucléaires à eau pressurisée en fonctionnement, un réacteur définitivement arrêté et une "plaque tournante" de déchets nucléaires (ICEDA) dont la mise en service est prévue en 2019.
En chiffres, le site de Saint-Vulbas, c'est 100 hectares d’installations qui produisent en moyenne 25 milliards de kWh par an.
Soit 40% de la consommation d’électricité en Rhône-Alpes en 2018.
Prolonger la vie des centrales
Quarante ans est l'âge canonique pour une centrale. C'est surtout la durée de vie prévue au moment de la conception et de la construction des pièces essentielles pour la sûreté. Ces dernières, à savoir les cuves des réacteurs et les enceintes de confinement, ne sont pas remplaçables.
Et quarante ans, on y est alors que dans le même temps, l'horizon n'est pas à la fin du nucléaire en France. En novembre 2018, Emmanuel Macron a présenté la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) de la France pour les dix ans à venir.
14 des 58 réacteurs nucléaires français devront fermer. Si le gouvernement laisse EDF fixer la liste précise, il assure qu’il n’y aura « aucune fermeture complète des sites ».
Aujourd’hui, EDF a engagé en France le démantèlement de neuf réacteurs définitivement arrêtés situés sur six sites : Brennilis (Bretagne), Chooz (Champagne-Ardenne), Chinon et Saint-Laurent (Pays de Loire), Bugey et Creys-Malville (Rhône-Alpes).
Par ailleurs, si le gouvernement prévoit certes une baisse de 50% de la part du nucléaire dans la production d’électricité sur les vingt ans à venir, la France considère aussi que la filière nucléaire a un rôle majeur à jouer pour accompagner la montée en puissance des énergies renouvelables.
Un défi économique et logistique
EDF prévoit de grands travaux pour prolonger le fonctionnement de ses centrales. Ce programme industriel de grande envergure a pour objectif de poursuivre l’exploitation du site nucléaire au-delà de quarante ans.
Les réacteurs les plus vieillissants comme ceux de Bugey sont particulièrement concernés. Un grand « carénage » est déjà lancé. L’objectif de ces grands travaux pour la période 2018-2025 est «que la centrale du Bugey puisse vivre 50 à 60 ans» déclarait son directeur, Pierre Boyer, dès mai 2016.
L’investissement représente plus de 2 milliards d’euros sur la période 2014-2025, avec un pic d’activités sur 2020-2023 lors des visites décennales des quatre réacteurs.
Les mauvaises langues diront que EDF va faire du neuf avec du vieux.
Un chantier lancé en 1965, le premier réacteur mis en service en 1972
Un peu d'histoire
Le 24 juillet 1952, le premier plan quinquennal de l'énergie nucléaire est voté à l'Assemblée Nationale. Le plan prévoit la construction de deux réacteurs expérimentaux sur le site nucléaire de Marcoule (Gard), sur les rives du fleuve rhône, entre Montélimar et Avignon.
Les travaux commencent en 1955, complétés rapidement par un troisième. Dans les années 70, confortée par les chocs pétroliers, la France fait le choix du « tout nucléaire » pour sa production électrique. Durant le quart de siècle suivant, un parc de 58 réacteurs nucléaires électrogènes standardisés va être construit dans le pays.
Après le succès des réacteurs expérimentaux de Marcoule, EDF est chargée de mettre en place le programme électronucléaire français avec des réacteurs à l'uranium du même type. Les prototypes se succèdent : trois en bord de Loire, sur le site de Chinon (Indre-et-Loire), puis deux à Saint-Laurent-des-Eaux.
Le dernier prototype, c'est celui de la centrale du Bugey, dans l'Ain. Il doit amorcer une série de six centrales identiques et ouvrir la voie vers les 1 000 MWe de puissance grâce à de nouveaux types de combustibles.
Nous sommes en 1965. A Saint-Vulbas, le chantier du premier réacteur Bugey-1, est lancé.
En 1968, le décret autorisant la création par Électricité de France de Bugey-1 est publié.
Les travaux de la construction de Bugey 1 ont été immortalisés par une vidéo de l'INA. Elle est datée du 2 avril 1969. On y voit l'avancement du chantier.
Le réacteur à l'uranium naturel graphite gaz (Bugey 1) est démarré en 1972. Il a été définitivement arrêté en 1994.
Les deux réacteurs à eau pressurisée (Bugey 2 et Bugey 3), sont démarrés en 1978. Les 58 réacteurs français actuellement en exploitation appartiennent à cette même technologie.
Dans l'Ain, les deux réacteurs suivants (Bugey 4 et Bugey 5) sont mis en service en 1979.
La centrale du Bugey en chiffres aujourd'hui
- 100 hectares sur la rive droite du Rhône.
- 4 unités de 900 MW chacune, mises en service en 1978 et 1979. Sur le même site, EDF déconstruit une unité de production de la filière UNGG (uranium naturel graphite gaz), mise en service en 1972 et arrêtée en 1994 : Bugey 1.
- 23,7 milliards de kWh (=TWh, térawattheure), soit près de 6% de la production nucléaire française d’EDF en 2018. En 2017, la centrale du Bugey a produit 23,9 TWh (contre 14,58 en 2016).
- Avec 1380 salariés EDF (dont 633 recrutements depuis 2010) et 600 salariés permanents rattachés à des entreprises prestataires en 2018, la centrale du Bugey figure parmi les premiers employeurs du département de l'Ain.
- Au plus fort des activités de grand carénage, 4 000 personnes seront présentes sur les installations.
- 55,7 : c’est, en millions d’euros, le montant des marchés passés avec des entreprises locales soit 45 % des commandes passées par la centrale.
- 2,1: c'est en milliards d’euros, le coût du grand carénage sur une période de dix ans (2014-2025).
- En 2017, 5 accidents du travail ont recensés par la centrale.
- En 2018, 32 inspections de l'autorité de sûreté nucléaire ont eu lieu et plus de 50 exercices incendie effectués.
La centrale du Bugey
rempile pour dix ans
EDF prévoit de grands travaux pour prolonger le fonctionnement jusqu’en 2029.
Les centrales nucléaires françaises étaient initialement prévues pour une durée de vie de quarante ans. Mais cela ne veut pas dire qu’elles ont une date de péremption. Avec des travaux, leur durée de vie va être prolongée.
Ainsi en 2018, à Saint-Vulbas, dans l’Ain, les réacteurs Bugey 2 et 3 ont envoyé un souffle nucléaire sur leur quarantième bougie et la centrale compte bien en ajouter d’autres sur le gâteau. « Il n’y a pas de deadline (ndlr, date limite) », affirme Caroline Coutout, chef de la division de Lyon de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN).
Seulement, selon l’organisme, 56 % du grand public et 46 % du public averti * sont opposés au prolongement de la durée de vie des centrales. Les riverains, eux, y sont favorables à 62 %. Pas surprenant quand on sait que la centrale du Bugey compte en permanence environ 2 000 employés , qui habitent, consomment aux alentours. Et bien plus encore avec les travaux de grand carénage de la centrale.
* Public averti: échantillon de 301 personnes considérées comme des relais d’opinion et d’information et/ou encontact, de par leur profession, avec les problématiques de la radioprotection et de la sûreté nucléaire (journalistes, élus, militants associatifs, présidents de CLI, professionnels de santé, enseignants,etc.) interviewées par téléphone.
Examen de passage en 2020
Toutefois, si elles sont présentées comme éternelles, les centrales doivent tout de même passer des tests réguliers et un réexamen périodique tous les dix ans. En 2020, ce sera le cas de la centrale nucléaire du Bugey, qui produit 40 % de la consommation de Rhône-Alpes en électricité (et 6% de la consommation française).
« Il va falloir confirmer sa qualité, tout en tenant compte de son vieillissement », annonce Emmanuel Raimond, assistant directeur d’expertise à l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire.
Cet examen approfondi se fait en même temps que le grand carénage d’EDF, un vaste projet industriel de renforcement des installations de production d’électricité nucléaire, visant à allonger la durée d’exploitation possible des centrales nucléaires.
47 milliards d’euros vont donc être dépensés pour rénover les 32 réacteurs répartis dans les huit centrales de France, 2 milliards pour les quatre du Bugey.
L’objectif: « faire face à des agressions naturelles d’ampleur (canicule, grand froid, incendie) et être en mesure de gérer des accidents graves », selon Pierre-Louis Boyer, le directeur de la centrale du Bugey.
Pour rassurer les Français récalcitrants au prolongement indéfini des centrales, le Haut comité pour la transparence et l’information sur la sécurité nucléaire a souhaité « s’associer au public tout au long du processus de concertation, assure Véronique Baude, présidente de la commission locale d’information de la centrale du Bugey. Ils peuvent poser des questions à des experts et des acteurs du nucléaire et accéder à une plateforme spécialement créée pour cette concertation.
Un programme industriel chargé: le grand carénage
EDF assume l’entière responsabilité technique et financière des opérations de prolongement de la durée de vie de ses centrales.
Au Bugey, ce vaste programme occasionne un pic d’activité à la centrale lors des visites décennales des quatre unités de production, dont celle de 2020.
Intitulé le grand carénage, en référence à la marine, le chantier bouscule la vie de la centrale.
Lors de ce grand carénage, certains gros matériels seront remplacés pour prolonger sa durée de vie de 25 ou 30 ans. Puis, dès 2020, les quatrièmes visites décennales de tous les réacteurs, menées par l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN), statueront sur la poursuite de l’activité pour les dix années suivantes. Les travaux post-Fukushima avancent en parallèle. Une force d’action rapide nucléaire a été créée pour amener au plus vite à des centrales accidentées des pompes et des groupes électrogènes.
Ce chantier engendre des changements matériels, humains et économiques. L’objectif est de remplacer le matériel obsolète (sauf la cuve et les enceintes) et de contrôler celui qui a bien vieilli. Deux arrêts sont programmés en 2019.
Comment ferme-t-on une centrale?
Il existe deux options : le démantèlement et le confinement.
Le confinement consiste à isoler les parties radioactives et à attendre que la radioactivité diminue, voir disparaisse. Ce qui revient à remettre le problème à plus tard.
La deuxième solution est de démonter les installations. C'est le choix opéré pour le réacteur Bugey-1. Cette opération prend beaucoup de temps. Dans l'absolu, les employés des centrales continuent d’y travailler alors que la centrale ne produit plus d’électricité. Ce qui n'est pas le cas de Saint-Vulbas, puisque la production d'électricité est assurée par les quatre autres réacteurs.
Pour démonter les éléments les plus radioactifs, les éléments combustibles et radioactifs, doivent être plongés dans des piscines de désactivation où ils peuvent rester plusieurs années. Dès lors la centrale est considérée comme hors service.
Trouver un lieu de stockage définitif des déchets radioactifs est polémique et l’objet de recherches en France comme dans d’autres pays.
L’ensemble d’un démantèlement peut prendre de 20 à 30 ans.
Une fois les éléments radioactifs retirés, le site doit être décontaminé.
Démantèlement du réacteur 1
Démarrés en 2018, les travaux de démantèlement de Bugey-1 sont en cours. Ils seront très longs.
Le décret autorisant la réalisation des opérations de mise à l’arrêt définitif du réacteur Bugey 1 a été signé le 30 août 1996. EDF a déposé un dossier de demande de démantèlement complet en 2005. Ce dernier a été soumis à l’examen du groupe permanent d’experts pour les usines le 24 octobre 2007. Les conclusions de ce groupe permanent ont permis d’engager le processus de rédaction d’un décret de démantèlement complet de l’installation. Le projet de décret a été présenté à la commission consultative des installations nucléaires de base (CCINB) lors de la séance plénière du 22 février 2008 ainsi qu’au collège de l’Autorité de Sûreté Nucléaire (ASN) le 31 mars 2008. Ces deux instances ont émis un avis favorable au projet.
L’ASN considère toutefois que certaines opérations relatives au démantèlement complet devront faire l’objet d’une autorisation de l’ASN, en raison soit de leur importance soit de besoins de compléments au dossier présenté par EDF. Ceci ne remet pas en cause la stratégie de démantèlement du site.
La date de fin du démantèlement du caisson de Bugey 1 se situerait à horizon 2080.
Les travaux de démantèlement de Bugey 1 emploient actuellement une vingtaine de salariés EDF et une trentaine de salariés prestataires.
Selon EDF, à ce jour,"l'étape de l’évacuation des 99,9 % de la radioactivité contenue dans les installations, opération effectuée au
moment du déchargement du combustible après la mise à l’arrêt définitif, est franchie".
Le démantèlement de la partie non-nucléaire des installations (salle de machines, station de pompage…) est terminée. La vidange et l’assainissement des piscines de stockage du combustible est réalisée. Actuellement, sont en cours les opérations de démontage des équipements électromécaniques autour du caisson réacteur, démantèlement des échangeurs de chaleur.
Ce sont des robots, "sous air", pilotés depuis une plateforme située au-dessus du réacteur, qui interviendront sur le cœur du réacteur. le démantèlement "sous eau" n'a pas été retenu. Pour EDF, le procédé "sous air" évite la production d’effluents considérés comme déchets liquides.
Entreposage des déchets
Pour traiter ses déchets, EDF construit en parallèle une installation provisoire d’entreposage des déchets sur le site de la centrale du Bugey, dans l’attente du stockage géologique qui constituera une solution définitive de gestion de ces déchets.
Cette installation, appelée ICEDA (Installation de conditionnement et d’entreposage de déchets activés) permettra de conditionner et d’entreposer des déchets radioactifs de moyenne activité à vie longue issus des neuf réacteurs actuellement en déconstruction. Sa mise en service est prévue fin 2019.
Dans le cadre du chantier post- Fukushima, des DUS (diesel ultime secours) sont d’ores et déjà en construction. Il s’agit de quatre cubes de béton, de 30 mètres de large, censés résister aux situations climatiques extrêmes.
Grand carénage: de nombreux prestataires EDF à accueillir
En 2019-2020, jusqu'à 4 000 personnes par jour sont appelées à travailler sur le site dans le cadre des travaux de grand carénage, soit environ 2500 de plus que d’ordinaire.
Appelés pour des travaux de maintenance sur les unités de production, ces intervenants viennent de toute la France. Ceux que l’on appelle les « grands déplacés » rejoignent la plaine de l’Ain pour quelques semaines à quelques mois. Une véritable manne que se disputent par exemple les hébergeurs de l’Ain, de l’Isère et même du Rhône.
Cette arrivée massive de travailleurs dès 2019 pourrait même à terme provoquer une saturation des hébergements. En date de septembre 2018, un recensement avait permis d’identifier 850 hébergeurs susceptibles d’accueillir les travailleurs dans un rayon de 40 kilomètres.
EDF anticipe "la logistique"
De son côté, EDF s’organise aussi pour accueillir au mieux ces experts du nucléaire. Un grand parking est prévu pour que les places ne manquent pas à l'entrée de la centrale.
« La centrale est candidate à l’EPR »
La centrale, qui souhaite s’étendre au-delà de ses 100 hectares, a missionné la Safer (société pour une enquête foncière). Les raisons ? Deux réacteurs seront arrêtés entre 2028 et 2035. « Il faut de la place pour leur déconstruction », selon le directeur. Et potentiellement pour un EPR (réacteur pressurisé européen). « Il faut penser à l’après, avec cinquante à soixante ans de durée de vie, l’enjeu est de pouvoir construire des EPR, souligne Pierre Boyer. C’est le plus sûr au monde par sa conception, ça marche très bien en Chine. Bugey est candidate, mais la décision revient à l’État. » Réponse en 2021.
Des retombées économiques importantes
Les entreprises locales sollicitées sont nombreuses. Selon les derniers chiffres d'EDF, la centrale du Bugey a conclu 75 millions
d’euros de marchés en 2018 avec 579 entreprises locales.
"De plus, la centrale contribue à la fiscalité locale à hauteur de 85 millions d’euros, dont 5,2 millions d’euros
pour la seule taxe foncière" indique EDF.
La sécurité
La vulnérabilité d'un parc nucléaire vieillissant est un sujet qui inquiète.
La sûreté nucléaire est pour EDF une priorité absolue.
En 2017, en Rhône-Alpes, comme chaque année, l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) a multiplié les inspections (111) auprès des 4 centrales exploitées par EDF dans notre région (soit 14 réacteurs).
Il en ressort que la centrale de Saint-Alban (Isère) est celle qui se distingue du lot en matière de sécurité. Devant les centrales de Cruas (Ardèche) et du Bugey (Ain) un peu moins performantes.
Au final, la plus mauvaise appréciation revient à la centrale du Tricastin (Drôme) où l’ASN a constaté « des lacunes dans la surveillance des réacteurs ».
En 2018, pour la centrale du Bugey, environ 2 800 prélèvements ont donné lieu à 29 300 analyses et mesures réalisées pour contrôler les rejets du site et leur impact sur l’environnement. La centrale publie mensuellement l’ensemble des résultats réalisés sur son site.
La centrale nucléaire du Bugey est certifiée ISO 14 001 depuis 2003 (audit de suivi passé en 2019).
Le périmètre de certification porte sur les installations nucléaires de base en fonctionnement sur le site, les outils de surveillance de l’environnement placés à l’extérieur du site, les parkings du site.
En 2018, 32 inspections ont été réalisées à la centrale du Bugey par l’ASN (autorité de sûreté nucléaire) au nom de l’Etat. Quatre étaient inopinées.
Ces inspections donnent lieu à des « lettres de suite », publiées sur le site internet de l'ASN. La centrale dispose alors deux mois pour répondre aux remarques faites par l’ASN et exposer, si besoin, les actions mises en place.
Un incident en 2018"
La centrale dispose d’une équipe dédiée de 27 personnes en charge de la sûreté. Organisés en astreinte, elles peuvent être sollicitées en dehors des heures ouvrables, 24 heures sur 24.
En 2018, la centrale du Bugey a déclaré 26 événements de niveau 0, huit événements de niveau 1 (anomalie). Certains événements sont communs à plusieurs réacteurs : ils sont appelés « génériques ».
La centrale du Bugey a été concernée par un événement générique de niveau 2 (incident) en 2018. Aucun de ces événements n’a eu d’impact sur la sûreté des installation, selon les déclarations d'EDF.
En 2018, cinq exercices ont été organisés à la centrale du Bugey pour tester les organisations et apporter des améliorations.
La centrale du Bugey, vétuste, est régulièrement visée par les anti-nucléaires qui la considèrent particulièrement dangereuse.
« Notre Fukushima national pourrait s’appeler le Bugey, la centrale située dans l’Ain, entre Lyon et Genève. » C’est l’une des phrases choc de l’ouvrage publié par deux journalistes Thierry Gadault et Hugues Demeude, publié en février 2018, qui s’intitule Nucléaire, danger immédiat. Le livre s’attache à recenser les dangers du parc nucléaire français, vieillissant et dont les risques seraient « minimisés », voire « tus » par l’exploitant EDF.
Pour Bugey, les risques pointés sont ceux liés à l’éventuelle rupture du barrage de Vouglans ou fuite de l’enceinte de confinement du réacteur n° 5.
Dans leur livre, Thierry Gadault et Hugues Demeude qualifient l’enceinte dite “de confinement” du réacteur de Bugey n° 5 de « passoire ». Ce que réfute Pierre Boyer, directeur de la centrale nucléaire du Bugey. « L’enceinte est encore plus étanche qu’avant la réparation », argue-t-il. Pour EDF, « le coût de la réparation est de l’ordre de 3 millions d’euros, sans compter la non-production du réacteur pendant 23 mois ».
Des intrusions à répétition
- Mai 2012 : un ULM se pose sur la centrale
En mai 2012, un militant de Greenpeace s’était posé sur le sol de la centrale du Bugey grâce à un parapente à moteur. Le pilote avait même déposé un fumigène sur le dôme d’un des quatre réacteurs. Ce médecin allemand de 29 ans avait été condamné à six mois de prison avec sursis par le tribunal correctionnel de Bourg-en-Bresse.
- Octobre 2014 : sept centrales nucléaires françaises survolées
Les 19 et 20 octobre 2014, la centrale de Saint-Vulbas avait enregistré trois viols de son espace aérien. Six autres centrales nucléaires françaises [Gravelines (Nord), Blayais (Gironde), Cattenom (Moselle), Chooz (Ardennes), Nogent-sur-Seine(Aube) et Creys-Malville (Isère)] avaient également constaté la présence de drones au-dessus de leur espace. Greenpeace avait cependant nié toute implication.
- Juillet 2018 : un drone de Greenpeace s'écrase près du réacteur 2
Des militants de Greenpeace ont piloté deux drones au-dessus de la centrale nucléaire du Bugey, site pourtant interdit de survol.
Le premier, déguisé en Superman, est venu s’écraser contre le mur de la piscine d’entreposage du combustible usée accolée au réacteur 2. Le deuxième a été chargé de filmer les exploits du premier. Ou plutôt de dénoncer « l’extrême vulnérabilité de bâtiments lourdement chargés en radioactivité », précise l’organisation internationale.
EDF a confirmé le survol, porte plainte, mais a exclu tout impact sur la sûreté des installations.
Pour s'informer
Depuis 2010, l’ensemble des acteurs du nucléaire (CEA, Andra, marine nationale…) transmet les résultats de sa surveillance de l’environnement au réseau national de mesures de la radioactivité dans l’environnement. Toutes ces données sont disponibles sur le site ci-dessous.
Tous les événements concernant l’environnement, survenus à la centrale du Bugey, sont déclarés à l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) et rendus publics. En 2018, la centrale du Bugey en a déclaré un.
La centrale met à disposition des riverains un numéro vert, pour se tenir informé de l’actualité de la centrale, 7 jours sur 7 : 0800 00 01 02
L’actualité du site nucléaire du Bugey, comme celle de tous les autres
sites, est disponible sur les pages dédiées à la centrale sur le site internet
d'EDF.
Le périmètre du plan particulier d'intervention s'élargit
Ce plan est le document d'organisation générale qui définit les objectifs (alerter la population, assurer le bouclage de la zone et la circulation, protéger la population, lutter contre les effets …) et les actions à mener.
Il est étendu à 20 km autour de la centrale du Bugey.
Depuis 2005, le périmètre Plan particulier d’intervention (PPI) est de 10 km autour des Centres nucléaires de production électrique (CNPE). En mars 2018, une instruction interministérielle relative aux modalités de mise en œuvre des campagnes de distribution d’iode dans les périmètres PPI, a fait évoluer ce périmètre qui passe d’un rayon de 10 à 20 km. Les PPI autour des CNPE sont en cours de réécriture dans tous les départements concernés, sous la responsabilité des préfets.
L’extension du périmètre à 20 kilomètres autour du site de Bugey entraînera l’entrée de communes du Rhône dans le dispositif aux côtés des villages de l’Isère et de l’Ain, déjà concernés.
Le plan impliquera désormais 118 communes au total (54 de l’Ain, 56 de l’Isère et 8 du Rhône) pour 340 000 habitants contre 76 000 aujourd'hui. Des principes d’auto évacuation sont édictés pour les trois communes situées dans les cinq kilomètres : Saint-Vulbas vers Chalon-sur-Saône (Saône-et-Loire), Blyes à Mâcon (Saône-et-Loire) et Loyettes à Villefranche-sur-Saône (Rhône).
En cas d'accident, le parc industriel de la Plaine de l’Ain serait évacué puis bouclé par les forces de l’ordre et les forces armées.
Les trois périmètres du PPI sont deux kilomètres (périmètre de danger immédiat), cinq kilomètres (petit périmètre) et vingt kilomètres (grand périmètre). Ils définissent les zones théoriques dans lesquelles sont préconisées les mesures de protection des populations, le cas échéant.
L’information des populations sur ces mesures et la consultation du public et des élus devraient avoir lieu en 2019 pour une signature du plan particulier d’intervention en fin d’année 2019.
D’ici à cette date, le plan actuel sur le périmètre des 10 kilomètres reste en vigueur.
Une campagne de distribution de pastilles d’iode est programmée à l’automne
Le plan particulier d’intervention (PPI) contient des dispositions particulières (mise à l’abri, prise d’iode, etc.) afin de protéger les populations.
Vous êtes concerné si votre commune de résidence/d’implantation est incluse dans le périmètre de la centrale nucléaire EDF.
Préventivement, des comprimés d'iode sont distribués aux riverains des centrales. Les comprimés distribués en 2016 sur le rayon 0-10 km ont une validité de 7 ans. A fin mars 2017, près de 47% des particuliers concernés dans la périmètre de la centrale du Bugey avaient retiré leurs comprimés, ainsi que 96% des établissements scolaires.
La campagne nationale 2019 est complémentaire, elle ne concerne que le rayon 10-20 km mais tout de même 2,2 millions de Français dans 33 départements. En septembre prochain, des comprimés d’iode seront mis à disposition des habitants et des établissements recevant du public (écoles, commerces, entreprises, administration...). La distribution préventive s’effectuera dans les pharmacies.
Pourquoi des pastilles d'iode?
Les comprimés d’iode stable permettent de protéger la thyroïde en cas de rejet accidentel d’iode radioactif dans l’atmosphère.
L'iode est en effet un oligo-élément naturel, indispensable au fonctionnement de la thyroïde. On le retrouve dans l’eau et les aliments.
Justice : la Suisse veut faire fermer la centrale du Bugey
Le 2 mars 2016, la ville et le canton de Genève, représentés par l'avocate française et ancienne ministre française de l'Environnment Corinne Lepage, ont lancé une procédure au pénal inédite, une plainte contre X, pour "mise en danger de la vie d'autrui et pollution des eaux" contre la centrale du Bugey.
Le Bugey n’est pas la seule centrale à être dans le collimateur de nos voisins suisses. En décembre 2018 aussi, l’Association trinationale de protection nucléaire (qui regroupe des collectivités locales, des habitants et des associations originaires de Suisse, d’Allemagne et de France) a déposé un recours pour exiger l’arrêt du site de Fessenheim en Alsace, doyenne des centrales nucléaires juste devant… le Bugey.
Des élus français critiquent la démarche suisse
Les responsables politiques français ont largement critiqué la démarche suisse. Damien Abad, député et ancien président du conseil départemental de l’Ain, avait alors dénoncé des problèmes de forme et de fond. « La moindre des choses entre partenaires, c’est de nous avertir avant un grand coup médiatique, a-t-il attaqué. Nous ne sommes pas béats devant le nucléaire, il y a des risques à circonscrire. Mais la politique énergétique est un choix souverain. Vous ne pouvez pas nous imposer vos choix, d’autant que d’autres cantons suisses ne vous suivent pas. »
Deuxième plainte en trois ans
Après cette plainte déposée, une nouvelle procédure, la seconde en moins de trois ans, à l'encontre la centrale nucléaire du Bugey a été enclenchée. La procédure porte notamment sur le non-respect de deux directives européennes par la France.
Les autorités helvètes, qui ont déjà décidé de se débarrasser du nucléaire sur leur territoire, craignent des incidents à répétition, dans la deuxième plus vieille centrale de France.
La centrale à 80 km à vol d'oiseau
En cas d'incident majeur, les Suisses argument que le canton de Genève "serait fortement impacté par des radiations radioactives". C'est "pour protéger notre population que le gouvernement de Genève agit au niveau judiciaire" expliquait, en janvier, Antonio Hodgers, le président de l’exécutif genevois.
Corinne Lepage est toujours l'avocate qui défend les autorités suisses dans ce dossier. Elle pointe de « nombreuses anomalies » : insuffisance des sécurités en cas de séisme, dégradations de tuyauteries, fuites de tritium (hydrogène radioactif) et pas moins de 90 incidents depuis 2000.
« Les cinq derniers rapports annuels de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) témoignent que les performances en matière de sûreté nucléaire de la centrale du Bugey sont globalement moins bonnes que celles des autres centrales », argumente t-elle.