Ces entreprises qui
CHOUCHOUTENT
leurs salariés

Tour d’horizon dans le Rhône.

Photo d'illustration Adobe stock

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Être heureux au travail : utopie ou vrai enjeu ? Chouchouter pour retenir voire même attirer des collaborateurs est à la mode ces dernières années. Séances de sport, épicerie intégrée au siège social, salaires et horaires variables, pas de bureau fixe… Les entreprises rivalisent d’idées. Dans le Rhône aussi.

L’éclectisme
de
Bjorg, Bonneterre et cie

Bjorg, Bonneterre et compagnie, producteur d’aliments bio, a emménagé dans ses nouveaux locaux, toujours chemin du Grand-Revoyet, à Saint-Genis-Laval, fin 2018. Un siège écoresponsable de 5 400 m², conçu sur deux étages, pour favoriser le bien-être au travail des 280 collaborateurs. Un des critères indispensables pour décrocher le label “Well” que l’entreprise espère se voir décerner d’ici à l’été.

Photo Marie Albessard

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Visuel Bjorg

Photo DR

Visuel Bjorg

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| Deux salles de sport

Dans cette “ruche”, des espaces de détente et de créativité ont été pensés, comme deux salles de sport. Dans l’une, neuf cours gratuits par semaine, dispensés par des professeurs (Zumba, yoga, Pilates, chi gong, danse, self-defense) sont proposés aux personnels. L’autre salle est en libre-service. Un coach accompagne les volontaires à la course à pied. « L’entreprise étant partenaire de Courir pour elles, ce coach a été très utile à celles qui ont voulu reprendre l’entraînement pour participer à cette manifestation. Ce programme existait déjà depuis six ans, on l’a simplement développé avec l’arrivée du nouveau bâtiment. On a maintenant des salles dédiées », tient à préciser Anne Pouplier, responsable du service communication. « L’idée était d’inciter nos collaborateurs à faire du sport (une heure), dans le créneau de la pause déjeuner, sachant que nous avons affaire à une population qui est souple sur ses horaires. » Par ailleurs, une salle de repos a été aménagée ainsi qu’un espace sieste.

| Une épicerie à tarifs préférentiels

Autre nouveauté pour les salariés, l’épicerie interne. « En fait, elle existait déjà dans l’ancien bâtiment, mais l’offre n’était pas aussi large », explique la chargée de communication. « On propose une sélection de nos produits bio parmi nos 700 références, à des tarifs préférentiels. Là aussi dans l’idée de les inciter à changer leurs habitudes alimentaires, de manger plus bio. » L’épicerie est ouverte de 11 h 30 à 14 heures. Chacun est donc libre de consommer sur place ou d’emporter ses courses à la maison.

| 100 % d’ordinateurs portables

Tout le bâtiment a été imaginé et aménagé pour favoriser le bien-être au travail. « Si nous parvenons à décrocher ce label “Well”, ce sera une première, explique Anne Pouplier. Jamais personne n’a encore obtenu dans l’Hexagone cette double certification “construction et aménagement”. Dans notre référentiel, on traite de la qualité de l’air, de l’eau et de la mobilité. Tous nos personnels sont invités à bouger. À ne pas prendre l’ascenseur mais plutôt l’escalier. À privilégier les modes doux, utiliser des véhicules électriques pour venir travailler… » 100 % des salariés de Bjorg, Bonneterre et cie sont équipés d’ordinateurs portables, toujours pour les inciter à se déplacer facilement d’un bureau à l’autre, sur la passerelle aménagée de banquettes et canapés, sur les espaces de repos.

| Des ateliers en complément

Un potager vient compléter l’offre. Les collaborateurs pourront donc s’initier gratuitement au jardinage, bouturage, à la permaculture, apprendre à utiliser des produits sans pesticides. Pour les ateliers ponctuels, sont proposés des animations autour de la naturopathie, un cours de cuisine pour faire de la pâtisserie sans cuisson, des conférences sur “Comment détoxifier son corps au rythme des saisons ?” « On offre par ailleurs aux collaborateurs, un jour par an (baptisé “Tous citoyens”) pour s’investir dans une association ou épicerie solidaire, des potagers urbains… »

Rédouja MERABTI

Photo DR

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Photo d'archives Marie Albessard

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Photo d'illustration Pixabay

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Olivier Bachelard :
« Il faut aller
plus loin
que la salle
de sport… » 

Photo DR

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Rencontre avec Olivier Bachelard, professeur à l’EM Lyon, psychologue du travail, sociologue et auteur d’une thèse en ressources humaines et de plusieurs ouvrages sur le bien-être au travail. 

Que vous inspire le dorlotage des salariés ?

« En matière de bien-être au travail, certaines entreprises peuvent être tentées par une forme de "happy washing" comme on fait du "green washing" sans que les réalités du quotidien au travail des salariés ne changent. S’il y a une pression managériale énorme, et, dans le même temps, une invitation à se détendre, c’est que l’équipe dirigeante n’a pas compris le problème ! Il faut alors aller plus loin que la salle de sport… »

Quelles sont les clefs du bien-être au travail ? 

« Certaines conditions relèvent de la recherche du plaisir au travail (métier choisi ou pas, rapports avec la hiérarchie, les collègues). D’autres portent sur les moyens de bien travailler : ai-je les compétences, ce qui implique d’être correctement formé(e), ai-je le soutien de mon employeur, le temps et le matériel adéquat pour accomplir ma tâche ? Tout cela implique un dialogue important. Mais si le salarié ne correspond pas au poste, il appartient à l’employeur de l’orienter. »

Il existe une obligation de résultat
pour l’employeur en matière de santé
Olivier Bachelard

De quand date ce souci du bien-être au travail ? 

« De 1946 par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) qui édicte que “la santé est un état complet de bien-être physique, mental et social”. Dans les années 1970 et 1980, on mettait l’accent sur l’amélioration des conditions physiques du travail dans une France encore très industrialisée. En 1990, on s’est intéressé à la santé
au travail. En 2000, les contraintes réglementaires portent sur l’identification des risques psycho-sociaux, avec une obligation de résultat pour l’employeur en matière de santé. »

Parfois, le travail rend malade les salariés, et certains, plus que d’autres...

« En présence d’un salarié fragile, le rôle du manager est d’être en soutien. Mais on peut être solide et se retrouver fragilisé par le management. »

Pour les chefs d’entreprise, ce n’est pas toujours facile non plus…

« Le chef d’entreprise prend des risques et fait des horaires à rallonge. Tout va bien si c’est son choix et qu’il y trouve du plaisir. Souvent, il est seul, sans soutien, et s’il se retrouve submergé, les ennuis commencent. On parle traditionnellement des "3D" comme dépôt de bilan, dépression et divorce. »

Propos recueillis par Sophie MAJOU

Salaires et horaires variables,
pas de bureau… bienvenue chez Techné

Photo Progrès/Marie-Noëlle Toinon

Photo Progrès/Marie-Noëlle Toinon

L’entreprise Techné, à Morancé, a fait un pari : ses salariés viendraient toujours travailler avec plaisir. Sans gadget et sans concepts ébouriffants, mais simplement avec des valeurs solides.

L’entreprise Techné, créée en 1981 par Georges Fontaines et dirigée depuis 2009 par sa fille Marie, est spécialisée dans le joint d’étanchéité et la robinetterie industrielle. Elle fait office de référence en termes de politique sociale. Au siège, à Morancé, pas de poufs géants, de gadgets innovants ou de cascades végétalisées. Et pourtant, ici, on est aux petits soins des salariés. « Mon père avait un principe de base dont nous avons toujours maintenu l’esprit : le collectif prime sur l’individuel. »

« Ne jamais être isolé devant leur machine »
Marie Fontaines, directrice de Techné

Marie Fontaines, joignant le geste à la parole, s’installe dans un bureau : « Ce n’est pas le mien. Je n’ai pas de bureau personnel. Chacun s’installe où il veut, en fonction de ses besoins. »

Partage, participation et transparence sont les valeurs fondatrices de l’entreprise. Dans l’atelier d’usinage, une équipe de tourneurs régleurs travaille sur des machines installées « de façon à ce que les salariés puissent toujours se voir, ne jamais être isolés devant leur machine ».

Un parcours d'intégration dès l'embauche

Marie Fontaines chouchoute-t-elle ses salariés ? « Je n’aime pas beaucoup l’expression, sauf si elle signifie être attentive aux conditions de travail. » Pour la directrice générale du groupe, il s’agit d’impliquer chacun des salariés dans l’évolution de l’entreprise.

Concrètement, cela commence dès l’embauche, par un parcours d’intégration, dans tous les services, y compris la comptabilité, et sur plusieurs sites. Une façon de découvrir en quoi ce que l’on va faire aura un impact sur le résultat.

« Nos jeunes ingénieurs ont choisi, eux-mêmes, le projet innovant sur lequel ils voulaient travailler. » Partage et transparence : « Chaque salarié peut voir, sur son écran, en temps réel, l’évolution du chiffre d’affaires, des commandes, des facturations. » C’est peut-être là qu’est l’espace bien-être chez Techné : dans la confiance accordée à chacun pour qu’il puisse être solidaire de la production. Marie Fontaines l’assure : « L’argent n’est qu’un moyen. » Quant aux salariés rencontrés, ils sont unanimes pour parler de confiance et d’envie de s’impliquer.

De notre correspondante locale, Marie-Noëlle TOINON

Qui veut devenir actionnaire?

 Les murs appartiennent à une SCI dont les salariés peuvent être actionnaires s’ils le souhaitent. Actuellement, c’est le cas d’une cinquantaine d’entre eux.
 Les salaires comportent une part variable de l’ordre de 20 %.
 Une assemblée générale très conviviale réunit l’ensemble des salariés deux fois par an. Outre le bilan, on y parle d’un nouveau marché ou d’un nouvel investissement. Certains apportent les photos de leur nouvelle machine.
 Pas d’horaires fixes pour les salariés des bureaux : « On fait confiance. On ne veut pas établir une règle stricte pour une personne qui déroge. »
 4 % de la masse salariale sont consacrés à la formation. C’est un des piliers de la politique sociale.

Catherine Testa,
chief happiness officer :


« La qualité de vie des salariés était presque tabou »

Photo LinkedIn Catherine Testa

Photo LinkedIn Catherine Testa

En France, Catherine Testa a monté le club des CHO : chief happiness officers. Soit… le responsable du bonheur dans l’entreprise. Un métier un plein essor qui propose et met en place des solutions pour que les salariés se sentent plus heureux au travail.

Avec son think tank (groupe de réflexion), qui réunit 200 membres (PME, ETI, start-up, entreprises du CAC 40), elle organise une trentaine d’événements par an entre Lyon et Paris.

Une fois par mois, ses membres se retrouvent pour évoquer leurs expériences en management. L’enjeu ? Apporter plus de bien-être à leurs collaborateurs pour déboucher sur une solution gagnant-gagnant. « On est encore dans l’expérimentation. Tout est exploratoire », avance, prudente, Catherine Testa, qui gère aussi loptimisme.com, premier site d’initiatives positives en France suivi par 400 000 personnes.

Le citoyen a perdu la confiance. La société est bouleversée ; il y a une crise du lien. J’espère qu’on va en finir avec ce fantasme du tout digital pour retourner au lien humain […]
Catherine Testa, chief hapiness officer

Pour cette experte qui a cofondé le club des CHO à Lyon en 2017, « la qualité de vie des salariés au travail est un sujet qui était presque tabou il y a quelques années en France. On sort d’une ère post-taylorisme où l’on demandait au salarié de laisser son cerveau à la maison. Aujourd’hui, c’est fini ! On attend du salarié qu’il soit acteur. Qu’il fasse la différence par rapport au robot. Avant, l’entreprise opérait sur des cycles d’innovation de trente ans, aujourd’hui, un cycle c’est treize mois. L’innovation remet en cause le système ».

Son expertise, Catherine Testa l’a puisée en Amérique du Nord, tout au long de ses expériences professionnelles. « Les attentes des salariés ne sont pas les mêmes d’un individu à l’autre. Plan de formation, salaire, ambiance de travail, valeurs, etc. Il faut arrêter l’hypergénéralisation car tout est histoire de personnes. Il faut créer un terreau avec différents engrais », souligne-t-elle. « Ce n’est jamais sur du temps court. La génération Y, (celle des gens nés de 1980 à 2000), on leur a mis un outil d’expression dans les mains dès le biberon. Ils ne veulent plus se restreindre. Ils veulent travailler avec des managers et les challenger sur leurs compétences, leurs acquis. Les entreprises ont raté le tournant des réseaux sociaux en ne voyant pas que c’était un outil social. »

Marie-Christine PARRA

Après les primes et les augmentations, des vacances plus souples chez Sesaly

En décembre dernier, un salarié de l’entreprise Sesaly, installée à Saint-Priest, contactait notre titre pour saluer la générosité de son patron, Stéphane Vial. « Il faut le dire quand un patron fait des choses comme ça ! », indiquait-il. De fait, le 14 décembre, les 120 employés apprenaient une série de mesures salariales qui leur permettaient d’envisager les fêtes de fin d’année avec sérénité. D’abord, 130 € d’augmentation de salaire pour tous, mais aussi une prime de 700 à 1 000 € pour chacun, à la suite des annonces d’Emmanuel Macron. Ajoutez à cela, pour le personnel rémunéré au taux horaire, une heure de travail hebdomadaire supprimée.

Il n’en fallait pas plus pour Thomas, salarié à l’atelier : « J’en ai connu des entreprises, mais je n’ai jamais eu des annonces générales comme celle-ci. Ici, on peut parler d’entreprise bienveillante. Une entreprise familiale avec de bonnes intentions et je suis content de venir au boulot », concluait-il, touchant son patron dans son humilité. Cette reconnaissance du travail fourni représentait un sacré coût pour l’entreprise spécialisée dans les signalisations sonores et lumineuses, à savoir : 285.948 €, charges patronales incluses plus 100.000 € de prime !

Promesses tenues du côté de la direction

Près de six mois après, la bonne ambiance n’est pas retombée chez Sesaly. Thomas, technico-commercial sédentaire, embauché depuis un an, évoque aujourd’hui encore « une ambiance hors du commun ». Les promesses du patron qui ne tarit jamais d’éloges sur ses équipes et affirmait en décembre « connaître tous les prénoms de ses employés » ont été tenues. Cette année encore, Stéphane Vial a créé la surprise : « Jusqu’alors nous avions trois semaines de vacances imposées en août », indique Thomas, « mais cette année et c’est vraiment une bonne nouvelle, nous n’en aurons que deux. Cela nous permettra d’en poser une à un autre moment de l’année ! C’est super pour ceux qui ont des familles. »
Un boost supplémentaire pour les équipes de Sesaly qui table un chiffre d’affaires de 30 millions d’euros d’ici à 2022.

Photo d'archives Le Progrès/Cyrille SEUX

Photo d'archives Le Progrès/Cyrille SEUX

Photo d'illustration Pixabay

Photo d'illustration Pixabay

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À Propières, EBS emballage mise
« sur le management environnemental »

Photo Le Progrès/Abdelmalek BENAOUINA

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Photo d'illustration Pixabay

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Photo Le Progrès/Abdelmalek BANAOUINA

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En plein essor, EBS emballage, située à Propières, dans le Beaujolais, peine à recruter. Prête à donner sa chance aux jeunes, elle a développé un management bienveillant tout en modernisant l’outil de travail pour attirer de nouveaux personnels.
Âgée d’une trentaine d’années, l’entreprise spécialisée dans l’emballage en bois a connu une nette croissance entre 2000 et 2019, multipliant son chiffre d’affaires par huit (1 million d’euros en 2000, 8 millions aujourd’hui). L’effectif est, quant à lui, passé de six salariés à plus de 50.

Expérience et compétences influent sur le salaire

La société, dont la clientèle est assez locale, allant de Mâcon – où EBS a ouvert, depuis 2001, un site de reconditionnement de palettes usagées – jusqu’au sud de Villefranche-sur-Saône, affiche une croissance de 5 à 10 % par an. Actuellement, l’entreprise propose une dizaine de postes à pourvoir, sous forme de CDI de 39 heures.

L’expérience et les compétences influent sur le salaire, qui est, en moyenne, entre 1 700 et 1 850 euros brut. Néanmoins, située en milieu rural, elle peine à embaucher. Fabrice Vacheron, directeur général, confie : « C’est devenu difficile d’attirer des travailleurs. Depuis que l’on communique davantage, on reçoit deux trois candidatures par semaine, mais cela reste assez peu. » Du coup, pour séduire des candidats et fidéliser son personnel, EBS emballage mise sur une politique des ressources humaines attractive, valorisant une démarche de management environnemental.

8

Les salariés travaillent par équipes de huit. L’entreprise prône en effet le travail en groupe.

L’entreprise prône un esprit bienveillant et insiste sur le travail en équipe. « C’est un des critères de recrutement de l’entreprise puisque les salariés travaillent par équipes de huit. Une bonne ambiance est présente dans les ateliers. Tout le monde se connaît, c’est une entreprise familiale », souligne Fabrice Vacheron.

Par ailleurs, pour améliorer les conditions de travail, l’entreprise est en plein programme de modernisation, depuis trois ans, afin de s’équiper de machines et robots dernière génération.

Un investissement, dont le coût est d’environ un million d’euros, qui a déjà permis d’acheter un robot de clouage et un robot d’empilage dernier cri, qui sont devenus les équipements les plus modernes de l’entreprise. Enfin, EBS n’hésite pas à donner sa chance à des débutants, en les formant.

Abdelmalek BENAOUINA