CES INITIATIVES
POUR aider
les aidants
Du matin au soir, ils consacrent leur quotidien à épauler leur proche. Qu’il s’agisse de leur conjoint, leur enfant ou leur parent, ces aidants ont vu la maladie s’inviter dans leur foyer. Comment font-ils face ? Quelles structures sont mises en place pour les soulager ? Tour d’horizon des initiatives menées pour aider ceux qui aident les autres.

"Accepter que quelque chose d'irrémédiable change dans nos vies"

À Montromant, dans les monts du Lyonnais, Jean assiste au quotidien son épouse Nicole, atteinte de la maladie de Parkinson.
Après le diagnostic de la maladie de Parkinson de son épouse, à l’âge de 52 ans, Jean Camy est devenu proche aidant, c’est-à-dire responsable de l’accompagnement au quotidien de celle-ci. Il nous livre son témoignage.
Quel a été votre parcours ?
« Nous sommes un couple de 75 et 70 ans, avec trois grands enfants et six petits-enfants. Nous habitons dans les monts du Lyonnais, à Montromant, depuis quarante ans et nous avons travaillé jusqu’à la retraite, mon épouse à Chazelles-sur-Lyon et moi à Villeurbanne.
Quelques années après le diagnostic de maladie de mon épouse, des complications de nature psychiatrique associées au traitement se sont manifestées. J’ai réalisé progressivement que je devenais “proche aidant”, et que mon quotidien allait être très fortement impacté par ce nouveau statut. »
Qu’est-ce qui est compliqué ?
« Sans doute d’accepter que quelque chose d’irrémédiable change dans nos vies, pour la personne directement touchée par la maladie comme pour le proche aidant. Ce changement va nous obliger à modifier l’ensemble de nos relations. Perte d’un certain nombre d’amis parce que nous ne pouvons plus suivre leur rythme ; déstabilisation des relations familiales (difficultés pour les enfants qui travaillent et sont sollicités) ; introduction d’intervenants dans notre vie intime, soignants, auxiliaires de vie, souvent mal vécue au début, mais dont la présence permet seule un maintien durable au domicile. »
Comment faites-vous lorsque vous êtes fatigué, ou même hospitalisé ?
« L’incertitude du lendemain liée aux aléas de la maladie de la personne aidée comme aux accidents de santé des aidants est l’une des dimensions auxquelles il est le plus difficile de faire face. Nous avons vécu cette situation récemment et on est sur la corde raide. Dans un territoire où il y a très peu d’accueil temporaire pour la personne aidée, nous avons eu recours à la mobilisation massive de la famille et des services d’accompagnement pour que celle-ci puisse rester au domicile. »
Qu’est-ce qui est positif ?
« C’est le défi d’une nouvelle vie qu’il faut inventer si on ne veut pas sombrer : garder des activités sociales et une respiration pour l’aidant comme, dans la mesure du possible, pour la personne aidée ; reconstruire des relations avec des personnes qui vivent des situations comparables comme notre association, Solidair-aidants Monts du Lyonnais, essaie de le promouvoir. Le groupe est une force. On ne naît pas spontanément aidant informé et bien traitant… mais on peut le devenir ! »
Propos recueillis par notre correspondante locale, Claire-Lise BOSA
Association Solidair-aidants Monts du Lyonnais : 4, place de la Mairie, Duerne
Diapason pour mieux vivre
son quotidien
Lancé le 3 octobre dernier à Saint-Priest, le dispositif associatif Diapason est une équipe mobile de soutien aux aidants. Ce service est expérimenté jusqu’à l’été 2020 dans l’Est lyonnais, notamment à Saint-Priest et Vénissieux. L’objectif affiché est de venir en aide à 80 aidants, 60 en orientation et 20 en accompagnement, les aidants pouvant être des salariés.

La psychologue Solveig Rouissi évalue les difficultés des aidants. Photo Progrès/L. DJAZOULI
La psychologue Solveig Rouissi évalue les difficultés des aidants. Photo Progrès/L. DJAZOULI
Un aidant sur trois décède avant son proche aidé
C’est notamment grâce au Centsept, une association qui vise à faire émerger des projets répondant aux besoins sociaux des habitants de la Métropole de Lyon, que l’initiative a vu le jour. « Le projet Diapason est issu d’un laboratoire d’innovation sociale du Centsept et vise à répondre à un constat : les aidants ne connaissent pas les services qui leur sont offerts. Isolés, ils s’épuisent, physiquement et psychologiquement, les statistiques montrent qu’un aidant sur trois décède avant son proche aidé. Et lorsqu’ils sont amenés à chercher de l’aide, ils peinent à s’orienter entre les différents services et interlocuteurs. L’aide est alors souvent mise en place trop tard, créant des problèmes pour l’aidant comme pour l’aidé », explique Mauranne Lagneau, chargée de mission.
Pour répondre à ces problèmes, le dispositif Diapason est amené à cibler les personnes aidant régulièrement un proche âgé de plus de 60 ans en situation de dépendance, « hors maladies d’Alzheimer et apparentées qui peuvent être accompagnés par France Alzheimer Rhône ».
1 € pour chaque rendez-vous
Ce projet, lauréat en novembre dernier des Défis d’or organisés par Seniors Autonomie, a déjà permis d’accompagner quatre aidantes à Caluire-et-Cuire, Saint-Priest et Vénissieux. Dans ce dispositif, la psychologue, Solveig Rouissi, et l’assistante sociale, Émilie Arnaud, proposent à l’aidant des rendez-vous individuels et à domicile, « voire à l’extérieur ou sur le lieu du travail », en fonction des besoins. Le but ? « Aider l’aidant à mieux vivre son quotidien. L’équipe de Diapason travaille en lien avec des prescripteurs pour qu’aucun aidant ne soit isolé », précise Mauranne Lagneau. Le dispositif n’est cependant pas gratuit : la somme de 1 € minimum, pour une période d’intervention estimée à trois mois, est redevable par l’aidant à chaque rendez-vous.
De notre correspondant local, Larbi DJAZOULI
Ils soutiennent les familles de proches atteints de troubles psychiques

Le hêtre symbolise la confiance en la vie. C’est sur ces bases que Marie-Neige Granados a souhaité créer un réseau de soutien aux familles aidantes d’un proche souffrant de troubles psychiques.
« Lorsqu’un proche présente des troubles psychiques, bon nombre de familles sont emmurées dans leur solitude » : voilà le constat dressé par Marie-Neige Granados, éducatrice spécialisée. « Il y a trois ans, mon fils aîné, jeune adulte, est tombé subitement malade. Face à un territoire rural dépourvu d’aide, j’ai décidé de mettre toute mon énergie positive à soutenir les aidants et l’entourage. La diffusion en masse du projet associatif m’a permis de fédérer des acteurs, dans mon secteur de Létra, dans le Beaujolais. » C’est ainsi que l’association La douceur de l’Hêtre est née le 17 juillet 2019. Comme un clin d’œil à ces arbres qu’elle aime tant.

Les membres de l’association beaujolaise : la secrétaire, Gaelle Cabassu, le président, Philippe Poulain, la trésorière Francine Nicastro-Méras, la vice-présidente Marie-Neige Granados. Photo Progrès/Sandrine VADROT
Les membres de l’association beaujolaise : la secrétaire, Gaelle Cabassu, le président, Philippe Poulain, la trésorière Francine Nicastro-Méras, la vice-présidente Marie-Neige Granados. Photo Progrès/Sandrine VADROT
Permettre aux fratries de grandir ensemble
En attente de diagnostic, à la recherche de prise en charge adaptée, et dans un lourd accompagnement au quotidien, les familles sont souvent mises à l’écart par les soignants (confidentialité, secret professionnel). Handicap invisible, les troubles psychiques restent mal connus. S’informer, comprendre, s’adapter, accueillir le « malade » au domicile, permettre aux fratries de grandir ensemble et aux membres du foyer de vivre sans être trop perturbés, autant de défis qui rendent difficile la préservation de l’équilibre familial. « Les mamans endossent les casquettes d’infirmière, assistante sociale, éducatrice spécialisée, curateur… une posture paradoxale entre le besoin d’autonomie et la recherche d’un cadre », observe Marie-Neige Grananados.
L’objectif de La douceur de l’Hêtre est de créer un groupe d’entraide en mutualisant les compétences dans le secteur du Beaujolais. Les bénévoles travaillent à l’ouverture d’espace permanent, accessible aux aidants et à toute personne bienveillante respectueuse des valeurs associatives. « Accueillir et renseigner, c’est aussi faire évoluer les mentalités. » Il sera également ouvert à la fratrie : enfants et adolescents qui ont besoin de se retrouver, de partager et d’échanger.
De notre correspondante locale, Sandrine VADROT
La Maison de Répit, un concept unique en France pour les aidants

Depuis septembre 2018 à Tassin-la-Demi-Lune, la Maison de Répit accueille des malades ou des personnes porteuses de handicap dans un lieu bienveillant et chaleureux afin de permettre à leurs aidants de « souffler » en toute sérénité.
La Maison de Répit est un projet porté depuis plusieurs années par Henri de Rohan-Chabot et un médecin oncologue, un lieu pour souffler, essentiel lorsqu’on est un aidant. Le but étant de pouvoir laisser la personne aidée dans un lieu chaleureux et agréable, avec une continuité des soins, afin de pouvoir faire autre chose en toute sécurité et légitimité.
Après des péripéties, le lieu est trouvé à Tassin-la-Demi-Lune dans un parc d’un hectare, anciennement propriété de BioMérieux. Son financement, autour de 4,5 millions d’euros est entièrement bouclé par du mécénat, en revanche son fonctionnement est assuré par l’Agence régionale de Santé.

La Maison de Répit est nichée au coeur de la nature. Photo Progrès/Coralie DESMARESCAUX
La Maison de Répit est nichée au coeur de la nature. Photo Progrès/Coralie DESMARESCAUX
Cuisine et salle de jeux
La bâtisse, d’une surface de 1 600 m² sur deux niveaux, comporte cinq chambres pédiatriques, dix pour les adultes et cinq autres plus un studio pour les aidants, un espace de bien-être et des espaces de vie comme une cuisine ou une salle de jeux. Elle s’adresse à toutes les familles de la Métropole s’occupant d’un malade, ou d’une personne porteuse de handicap, de moins de 60 ans. Les aidants peuvent amener leur malade ou rester avec eux, ce que beaucoup ont fait lors de leur premier séjour afin de prendre confiance.
Vingt-quatre personnes composent le personnel de la maison, avec, en amont, le travail des six personnes de l’équipe mobile de Répit, qui se déplace au domicile de toutes les familles ayant contacté la Maison afin d’établir un diagnostic et de sécuriser leur futur séjour.
Enfin, les 70 bénévoles, encadrés par Sophie de Rohan-Chabot, sont également une pierre angulaire de la Maison : ils passent du temps avec les malades pour les distraire, par exemple, mais certains apportent également leurs compétences comme du yoga, de l’ostéopathie, de la réflexologie plantaire ou du jardinage.

Certains membres du personnel apportent leurs compétences, comme le yoga, l'ostéopathie, la réflexologie ou le jardinage. Photo Frédéric GUILLON
Certains membres du personnel apportent leurs compétences, comme le yoga, l'ostéopathie, la réflexologie ou le jardinage. Photo Frédéric GUILLON
Un véritable laboratoire du répit
Depuis son ouverture en septembre 2018 la Maison accompagne régulièrement 300 familles et elle a fait le plein durant tout l'été 2019.
À une tout autre échelle, elle est un véritable laboratoire du répit : de nombreuses délégations d’autres régions, voire d’autres pays, viennent régulièrement en étudier le fonctionnement.
À terme, l’objectif serait d’ouvrir une Maison de répit dans chacune des douze régions françaises. Henri de Rohan-Chabot espère « une mise en chantier dans les cinq ans ».
De notre correspondante locale, Coralie DESMARESCAUX
Ils ont choisi de passer
le réveillon de Noël
à la Maison de Répit

Le père de Florence Pauze, Jacques, 78 ans, a fêté Noël à la Maison de Répit avec femme, enfants et petits-enfants. Photo DR
Le père de Florence Pauze, Jacques, 78 ans, a fêté Noël à la Maison de Répit avec femme, enfants et petits-enfants. Photo DR
Florence Pauze, dynamique tassilunoise, est bénévole depuis l'ouverture de la Maison. Très active, elle passe de l'accueil à la cuisine en fonction des besoins tout en gérant d'une main de maître le récent poulailler présent dans la propriété. Devant passer Noël à Tassin en famille avec ses quatre enfants et ses parents, elle leur a proposé de le fêter à la Maison de Répit.
« Il y avait une douzaine d'aidants et d'aidés, le plus jeune enfant avait 3 ans. Nous avons cuisiné, décoré la table et fait des jeux. Ce fut un merveilleux moment, tout le monde avait des étoiles dans les yeux ».
À Lyon, les enfants handicapés
ont leur baby-sitter

Souffler le temps de quelques heures. C’est ce que propose Bulle d’R aux familles de jeunes enfants en situation de handicap. Un service met en lumière une autre réalité. Les parents d’enfants handicapés sont aussi des aidants.
Quand on pense aux aidants, on pense d’abord aux personnes ayant un proche, plutôt âgé, atteint de la maladie d’Alzheimer. On pense moins que ces aidants peuvent aussi être les parents d’enfants malades ou atteints de handicap. Et qu’ils peuvent être touchés par le même épuisement que les aidants de proches d’Alzheimer. Comme tout aidant, ils ont besoin de souffler. C’est à eux que s’adresse l’association Eveil Mâtins, en proposant Bulle d’R. Créée en 2015, elle avait bénéficié à son lancement d’une subvention exceptionnelle de la Ville de Lyon de 20 000 € : il n’existait alors aucun service de répit équivalent.
"Soulager les parents"
Depuis quatre ans, elle fournit un service de baby-sitting d’enfants de 0 à 12 ans en situation de handicap ou atteints de maladie, par des intervenants sensibilisés. « On offre un répit aux familles en accompagnant et soulageant les parents », explique la présidente, Lætitia Dumontet. Et d’ajouter : « En journée, plusieurs établissements peuvent accueillir les enfants handicapés. Mais qu’en est-il le soir, si les parents veulent profiter d’une sortie ? De même, il n’est pas toujours simple de se déplacer avec un enfant en situation de handicap. »

Laetitia Dumontet, présidente de Bulle d'R
Laetitia Dumontet, présidente de Bulle d'R
Le concept est simple : Bulle d’R recrute des baby-sitters, les sensibilise aux différents types de handicap, les forme aux comportements à adopter face à ces enfants singuliers et leur fournit un encadrement continu par des professionnels. Les interventions vont de 2 à 4 heures consécutives au maximum. « Ainsi, les parents pourront confier leur enfant à une personne adaptée et profiter de leur temps libre en toute sérénité », dit-on chez Bulle d’R. « Si la présence doit être de longue durée, nous cherchons à ce que l’intervenant soit le même », ajoute Lætitia Dumontet.
40 familles aidées en 2019
En 2019, 40 familles et 50 enfants ont été aidés, ce qui représente 3 500 heures d’aide. C’est souvent davantage en fin de semaine et le soir, hors dimanche, et pour des enfants majoritairement en situation de handicap. « Le nombre de demandes est de plus en plus grand, indique encore Lætitia Dumontet. Mais les moyens financiers de Bulle d’R sont plus que modestes. Pour l’association aidée par la CAF, la Sécurité sociale et un peu par la Métropole, il reste à trouver, pour satisfaire les demandes, d’autres subventions et un local de 200 m² avec de quoi financer son loyer. »
Renseignements : contact@bulldr.org

Dans l'OUEST Lyonnais, une plateforme pour soutenir les aidants en milieu rural

Béatrice Gathier et Marielle Mercier, toutes deux impliquées dans ce nouveau dispositif proposé par l’Entraide Tararienne. Photo Progrès/Jacqueline ROCCO
Béatrice Gathier et Marielle Mercier, toutes deux impliquées dans ce nouveau dispositif proposé par l’Entraide Tararienne. Photo Progrès/Jacqueline ROCCO
C’est un enjeu de santé publique, 90 % des aidants subissent un épuisement moral. Engagés 24 heures sur 24, nombreux sont ceux qui négligent leurs propres besoins. C’est dans cette optique que l’Entraide Tararienne, spécialisée dans les services à la personne, a créé grâce au financement de l’Agence régionale de santé un service spécifique dédié aux aidants dont un proche est atteint d’une maladie neurologique ou neurodégénérative.
« C’est simple comme un coup de fil,
pas de dossier à remplir »
Démarré fin 2018, il a pris toute son importance dans le courant 2019, s’ajoutant aux services déjà existants. Autour de Marielle Mercier, psychologue, une équipe professionnelle formée d’une infirmière coordinatrice, une psychomotricienne, une ergothérapeute et des assistantes de soins formées en gérontologie. Cette équipe intervient dans le canton de Tarare et du Bois d’Oingt. Dans le canton de L’Arbresle, ce service est proposé en lien avec d’autres organismes d’aide à domicile.
L’Entraide a d’abord communiqué auprès des milieux médicaux, médecins, pharmaciens, intervenants à domicile en insistant sur sa simplicité. « C’est simple comme un coup de fil, pas de demande de prise en charge pas de dossier à remplir », insiste Béatrice Gathier, directrice. Responsable de la plateforme, Marielle Mercier peut également se déplacer auprès des personnes en demande.
Des sorties au restaurant pour aidants et aidés
L’Entraide axe son activité sur le soutien individuel ou en groupe avec la réunion d’un groupe de parole d’aidants autour de la psychologue de l’association une fois par mois. Pour entretenir le lien social, l’équipe de soins organise aussi des sorties au restaurant pour les aidants et les aidés.
Après plus d’un an d’existence, le bilan est très positif. Au démarrage, 42 aidants et 15 patients avaient pu en bénéficier. En 2019, ils étaient 68 aidants et 43 patients.
L’Entraide Tararienne : Tél. 04.74.63.01.21
De notre correspondante locale, Jacqueline ROCCO
"Chacun peut trouver ce qui lui faut"

Christiane. Photo Progrès/Jacqueline ROCCO
Christiane. Photo Progrès/Jacqueline ROCCO
«C’est par une aide-soignante qui venait à domicile pour mon mari que j’ai entendu parler de cette plateforme. Ce jour-là, j’étais particulièrement fatiguée moralement et physiquement. »
Christiane a commencé, par le cours de sophrologie et de réflexologie il y a quelques mois, aujourd’hui elle a intégré un groupe de parole. « Chacun peut trouver ce qu’il lui faut, et se sentir moins isolée en s’apercevant que d’autres vivent la même chose, il est très important de pouvoir en parler, je compte bien continuer à participer.»
