Élections municipales

Ces GRANDS projets
qui pourraient bousculer

Ils font polémique, divisent les élus et la population. Ces projets s’annoncent déjà comme des enjeux des prochaines élections municipales de mars prochain. Zoom sur des dossiers explosifs.

Ouest lyonnais : l'anneau des sciences, le sujet qui divise

L’Anneau des sciences, c’est le bouclage du périphérique, par la jonction entre la porte du Valvert et celle de Saint-Fons.

Le projet s’accompagne de la création de parcs relais et de la transformation de l’autoroute A6/A7 en boulevard urbain (14,6 km, dont 12,9 km de tunnels) et comportera sept portes d’accès et de sortie.

Le projet du Tronçon ouest du périphérique (TOP), rebaptisé Anneau des sciences (ADS) fin 2012 à l’occasion du débat public, date de plus de trente ans et avait été un temps laissé de côté. L’échéance des municipales le replace sur le devant de la scène.

Dans un sondage Le Progrès-France Info, publié ce jeudi 14 novembre dans nos colonnes, les électeurs métropolitains placent en effet le thème de l’environnement au premier rang de leurs préoccupations. Dans ce contexte, ce bouclage du périphérique interpelle une partie de ces électeurs et, aussi, les politiques qui briguent leurs voix.

Parmi les candidats, les avis divergent

On connaît la position de Gérard Collomb, qui en est un farouche défenseur. Le maire de Lyon a porté ce projet au nom du Grand Lyon, maître d’ouvrage, conjointement avec Michel Mercier, président à l’époque du Conseil général du Rhône, acteur et co-financeur. Une position qui ne semble pas enrayer la dynamique du candidat Collomb, crédité cette semaine de 31 % des intentions de vote au premier tour.

Le flou entretenu à ce sujet par l’actuel président de la Métropole, également candidat à sa succession, David Kimelfeld, est peut-être dû à son retard dans les sondages (15 %). S’il a déclaré « ne pas se poser la question de l’opportunité du projet », il dit en même temps qu’il faudra « laisser plus de place aux modes alternatifs et repenser le projet ».

Le candidat LR, François-Noël Buffet, est sur une ligne parallèle : « Il n’est pas possible de remettre en cause son principe et sa réalisation », disait-il au Progrès en juillet. Et de miser sur une évolution technologique des voitures, « qui seront dans l’avenir moins polluantes. Et il faudra réserver une voie de cet ADS pour des transports en commun ».

Chez EELV, c’est clair, on n’en veut pas. Bruno Bernard, leur tête de liste, talonne d’ailleurs Gérard Collomb dans les intentions de vote.

Les Verts se réjouissent de compter les nouveaux collectifs de citoyens anti-ADS qui se créent dans l’Ouest lyonnais et qui viennent grossir les rangs des opposants à l’infrastructure.

Fabien Bagnon, candidat lui aussi à la Métropole, sur la liste EELV, était jusqu’à il y a peu l’animateur principal du collectif “ADS non merci”, qui fédère tous ces mouvements.

Quant aux maires des communes que va traverser l’infrastructure, dont Roland Crimier (Saint-Genis) ou Michel Rantonnet (Francheville), la plupart sont pour le projet, y voyant une occasion pour le territoire de rattraper le retard par l’Ouest lyonnais en termes d’infrastructures.

Frédéric GUILLON

Pays de Tarare : Entreprises logistiques, les projets de la discorde

Alors qu’une association a été créée pour s’opposer aux projets d’implantations de plateformes logistiques à Saint-Romain-de-Popey et à Sarcey, le sujet va certainement s’inviter dans la campagne des élections municipales de différentes communes.

C’est, de loin, le dossier en cours le plus important de l’Ouest rhodanien. C’est surtout celui qui cristallise le plus de critiques. Le projet d’implantation d’entreprises logistiques, sur des terres agricoles à Saint-Romain-de-Popey et Sarcey, ne devrait pas manquer de faire irruption dans la campagne des municipales. Et pas seulement dans les deux villages où sont envisagées ces installations.

Depuis 2015, le Smadeor (Syndicat mixte d’études d’aménagement et de développement économique de l’Ouest rhodanien) est à la manœuvre pour permettre à des sociétés logistiques de s’implanter, dans le sillage de Boiron, où 20 salariés travaillent dans un bâtiment de 18 000 m².
Le projet le plus avancé est celui de la Smad (Société de matériels annexes pour la dialyse), le fabricant de dialyseurs basé à Savigny, qui prévoit la création d’un site automatisé de 19 737 m² pour accueillir 25 salariés, à Sarcey.

Sur des parcelles voisines, mais à Saint-Romain-de-Popey, ID Logistics a dévoilé, mi-juin, son intention d’ouvrir deux bâtiments de 45 000 m² sur 20,5 hectares. Depuis cette annonce, la contestation s’est intensifiée avec la création d’une association d’opposants, qui ne rate jamais l’occasion de pointer du doigt l’artificialisation des terres et le futur trafic des camions. Le sujet de ces futures plateformes logistiques est donc très bien parti pour s’inviter dans les débats des municipales.

Désaccords chez les élus de Sarcey

À Sarcey, les élus se sont montrés très divisés au moment d’étudier la demande d’autorisation environnementale pour l’installation de la Smad, avec cinq avis favorables, cinq abstentions et cinq avis défavorables. C’était en juillet.

Peu de temps avant, l’ex-maire de Saint-Romain, François Michallet, avait affiché ses craintes face à ces projets, lors d’une réunion publique. Mais ce dossier pourrait aussi avoir des répercussions dans d’autres communes.

En pilotant le Smadeor, le maire de Tarare, Bruno Peylachon (divers droite), et le président de la communauté d’agglomération, Michel Mercier (centriste), apparaissent en premières lignes. S’ils ne cessent de brandir le volet de l’emploi, avec les 504 créations annoncées par ID Logistics, pour justifier l’utilité de ces projets, ils restent sous le feu des critiques de leurs opposants politiques.

Des incidences aussi à Tarare et Thizy les Bourgs

Slim Mazni, fortement pressenti pour être le candidat de la gauche à Tarare, avait dégainé le premier, en dénonçant « un modèle de développement au mépris de l’environnement et de l’agriculture » puis en demandant un référendum.

À Thizy les Bourgs, où Michel Mercier pourrait être candidat sur la liste du maire sortant, ce dossier a été évoqué lors d’une réunion publique de la gauche locale. La preuve que même à plus de 30 kilomètres, le sujet divise et suscite des réactions contrastées.

Reste à savoir si les électeurs des communes du Pays de Tarare auront en tête ces projets logistiques au moment de voter, le 15 mars. L’équation n’est pas si simple. « L’enjeu pour nous sera d’expliquer précisément ce qu’on peut faire à la place », souligne un opposant, futur candidat aux municipales dans le Pays de Tarare. Tout un programme…

Yoann TERRASSE

Operandi Saint-Bonnet-de-Mure : les élus se dérobent face à l’usine d’enrobé

En décembre 2017, le conseil municipal de Saint-Bonnet-de-Mure approuvait le projet d’implantation de l’usine Enrobés Lyon Est (ELE) dans les carrières de la commune. Aujourd’hui installée à Chassieu, ELE est spécialisée dans la fabrication de l’enrobage à chaud. Objectif de la nouvelle unité de production : produire 130 à 180 000 tonnes d’enrobé par an.

Aux dernières heures de l’enquête publique, c’est en masse que s’est manifestée la population. Augmentation du trafic dans un secteur déjà engorgé, détérioration de la qualité de l’air, toxicité des rejets... des inquiétudes qui mobilisent les riverains, réunis en collectif lors des vœux du maire, en janvier 2018. Une association, Bien vivre dans l’Est Lyonnais (BVSEL) verra le jour rapidement. S’en suivra une valse hésitation du maire, Jean-Pierre Jourdain, face à un tollé qu’il n’avait pas anticipé.

Un projet qui fait parler, même au sein des élus

Le sujet divise au sein de la majorité municipale. « Cela a provoqué une cassure avec le maire. Jean-Pierre Jourdain m’a sommé de présenter ce dossier au conseil municipal, au titre de ma délégation. Moi, je ne le souhaitais pas. Lui avait rencontré ELE, pas moi, et c’est lui qui défendait ce projet », explique l’ex-adjoint aux travaux, Jean-Pierre Talut, aujourd’hui tête de liste pour l’opposition aux municipales.

Le maire a finalement fait volte-face, en invoquant le principe de précaution : un avis, défavorable cette fois, a été finalement rendu par le conseil municipal, en juillet 2018. « Nous avons mené des réunions publiques, commandé des contre-expertises sur l’avis du commissaire enquêteur, fait faire des analyses de l’air. Je continue la bataille en tant qu’élu », réagit Jean-Pierre Jourdain.

Désormais l’élu est vent debout contre le projet, et il manifeste aux cotés de BVSEL. Il devrait bientôt rencontrer les dirigeants d’Eurovia, maison mère d’ELE, lors du congrès des maires. « Je vais leur demander l’abandon du projet », dit-il.

De notre correspondante locale, France-Marie ARNAUD

Francheville : Michel Rantonnet, vent devout contre le barrage

Le maire sortant, élu en 2014, avait fait de son opposition au projet de retenue sèche sur l’Yzeron, son cheval de bataille durant la campagne électorale. Plus de cinq ans après, son discours n’a pas changé. Mais les travaux, attendus pour 2022, se précisent.

Le dossier du barrage écrêteur sur l’Yzeron suit son cours. Le chantier de cet ouvrage colossal, censé garantir une protection contre les crues centennales de ce capricieux affluent du Rhône, pourrait être lancé en 2022. Une enquête, préalable à la déclaration d’utilité publique, est attendue courant 2020.

Un « risque environnemental très élevé » pour argument

L’affaire alimentera à coup sûr la campagne électorale, comme ce fut le cas lors de la précédente. Élu maire en 2014, Michel Rantonnet (union des droites), s’était farouchement dressé contre la construction de cette retenue d’eau de 23 mètres de haut, surplombant un bassin de remplissage de 15 hectares, à Francheville-le-Bas. Il avait réussi à fédérer une opposition citoyenne au projet du Sagyrc (Syndicat d’aménagement et de gestion de l’Yzeron, du Ratier et du Charbonnière), le syndicat de rivière étant maître d’ouvrage.

Cette prise de position aura donné du poids à sa candidature, et permis de renverser le maire sortant. Le socialiste René Lambert, qui aura tenu l’hôtel de ville pendant un quart de siècle (1989-2014), était partisan du barrage.

À quatre mois du scrutin de 2020, les candidatures se font toujours attendre. Le maire sortant réclame une nouvelle concertation publique, à la suite de celle de 2016, arguant un « risque environnemental très élevé ».

Pour ce faire, Michel Rantonnet s’est tourné vers le Tribunal administratif, le 30 août. « Je n’ai toujours pas de nouvelles, regrettait-il, le 14 novembre. J’ai bien peur de ne pas en avoir avant la fin du mandat. »

Fabrice DUFAUD

Beaujolais : Fusion de communes, le sujet tabou des municipales

S’il est un thème qui sera bien absent des municipales du Beaujolais rural, ce sera celui de la fusion de communes. Alors qu’on aurait pu imaginer des débats passionnés sur qui pourrait se marier avec qui… on n’aura rien. Pas un mot. « Pas touche à mon clocher ! »

Pourtant, lors de la campagne 2014, Bernard Fialaire avait fait de la fusion à venir de Belleville avec Saint-Jean-d’Ardières l’un des axes de son programme.

En 2020, le ton a changé et aucun maire des petites communes ose se risquer sur ce terrain glissant de la fusion, même si le sujet est dans la tête de chacun.

On sait que la France s’est engagée auprès de l’Europe à diminuer par quatre ses 36.000 communes. Mais Emmanuel Macron ayant repoussé l’obligation de fusion au prochain mandat, soit après 2022, plus personne ne se sent pressé.

"Aucune fusion ne serait légitime sans l’aval de la population"

« Nous n’avons aucune indication sur la taille souhaitée pour ces futures collectivités, » explique Jackie Ménichon, maire de Lancié, en lice pour un nouveau mandat. De l’avis général, il est beaucoup trop tôt pour s’engager sur un sujet qui ne manque jamais de semer la discorde parmi les habitants.

« Bien sûr que nous réfléchissons à une mutualisation des salles et des outils avec nos voisins », concèdent Jean-Michel Moret, maire des Ardillats, et Sylvain Sotton, maire de Beaujeu, voisins de 6 kilomètres, tous les deux en campagne. Ils ajoutent : « On ne peut pas fusionner juste pour voir sa dotation globale de fonctionnement augmenter de 5 %. Aucune fusion ne serait légitime sans l’aval de la population. »

D’autres maires, comme Daniel Michaud à Quincié, parlent d’une nécessité de projet commun à un territoire avant de s’unir. Néanmoins, pour 2020, chaque programme de campagne restera centré sur son clocher.

Le 1er janvier 2019, quatre nouvelles communes ont vu le jour dans le département du Rhône. Il s’agit de Belleville-en-Beaujolais (13.000 habitants), Les Deux-Grosnes (Avenas, Monsols, Ouroux, Saint-Christophe, Saint-Jacques-des-Arrêts, Saint-Mamert et Trades, 1.800 habitants), la Porte des Pierres Dorées (Jarnioux, Liergues et Pouilly-le-Monial, 3.700 habitants) et Vindry-sur-Turdine (Dareizé, Les Olmes, Pontcharra-sur-Turdine et Saint-Loup, 5.000 habitants).

En tout, 36 fusions ont eu lieu dans la région Auvergne Rhône-Alpes au 1er janvier 2019. En France, on dénombre 608 communes qui ont fusionné pour donner naissance à 200 autres.

De notre correspondante locale, Marie-Pierre JANDEAU

Lyon : Ces riverains “en colère” que les candidats à la mairie ne pourront pas ignorer

Les collectifs de riverains “en colère” se multiplient dans la ville. Lancé en Presqu’île, ce mouvement dénonce l’inaction des pouvoirs publics à mettre un terme aux incivilités et nuisances qui pourrissent la vie du quartier. À quatre mois des élections, ces Lyonnais entendent bien peser dans le débat et faire valoir leurs revendications.

Il faudra compter sur eux pour faire entendre leur voix lors des élections municipales de Lyon. Ils sont en colère. Gerland en colère. La Guillotière en colère. Presqu’île en colère. On dit que bientôt les pentes de la Croix-rousse, Jean-Macé, le 8e arrondissement ou encore le Vieux-Lyon, pourraient suivre le mouvement. Autant de collectifs d’habitants qui, dans leur quartier respectif, se sont montés pour demander aux pouvoirs publics, un retour au calme en bas de chez eux, dénonçant au passage leur inertie.

Avant cela, tous avaient envoyé des courriers à la mairie d’arrondissement, à la mairie centrale, faits des signalements auprès de la police… Mais les actions individuelles n’ayant abouti à rien, et passé le sentiment de ne pas être entendus, ils se sont unis pour porter, sur la place publique, leur grogne. Rue Édouard-Herriot et alentours, comme un symbole, des draps blancs avaient fait leur apparition aux fenêtres. “Presqu’île en colère”, pouvait-on lire.

Quelle tranquillité publique pour Lyon, demain ?

Avec les élections, le soufflé n’est pas près de retomber. Peuvent-ils peser d’un poids politique ? Leur colère peut-elle être « une arme d’influence » ? En tout cas, le fait d’être mobilisés et de parler d’une seule voix est une force. Ceux-là entendent bien peser dans le débat et faire valoir leurs revendications. Aux candidats, ils pourraient ainsi demander : quelle tranquillité publique pour Lyon, demain ? Quels outils pour lutter contre les fléaux des rodéos nocturnes, des incivilités et de la petite délinquance ? Quelle force de police municipale le soir dans nos rues ? Quels liens avec la police nationale ? Quels aménagements urbains spécifiques peuvent-ils espérer ?

À quelques mois de l’échéance, certains groupes ont été reçus par les élus en place et des premiers dispositifs ont été appliqués, notamment dans la Presqu’île. Certains ont aussi rencontré des candidats déclarés qui pourraient bien avoir envie de surfer sur cette colère.

Tatiana VAZQUEZ