La renaissance
des CIMETIÈRES

En France, la gestion des cimetières incombe aux élus des communes. Au-delà de l’entretien, se posent les questions du devoir de mémoire et d’un engagement écologique. Dans l’Ain comme ailleurs, l’objectif affiché est de reverdir et développer la biodiversité au sein de ces lieux de pèlerinage pour leur redonner vie.
Bourg-en-Bresse veut en faire un parc qu’on peut visiter en famille
Le cimetière de Bourg-en-Bresse s’étend sur 11 hectares et comporte 12 812 emplacements. Ouvert toute la semaine, il accueille en moyenne 350 familles endeuillées par an. Dans le cadre du projet “Nature en Ville”, une conversion progressive vers un site paysagé est programmée. « Le cimetière est déjà très arboré et cela va aller en augmentant », analyse Christophe Benabdallah, responsable de l’équipe de conservation.
Plus de 10 000 m² déjà concernés
À ce jour, 580 arbres sont présents. « À l’origine, ces lieux sont très minéraux. Redonner de la place au végétal va aussi limiter les îlots de chaleur », ajoute-t-il.
En pratique, ce sont 13 570 m² de surfaces gravillonnées qui ont été aménagées en espaces verts depuis 2015. 3 190 m² sont concernés en 2019 et 320 m² en 2020. Les premiers travaux ont concerné le jardin des urnes. « On a associé plusieurs types de graminée et de légumineuse pour obtenir un parterre vert relativement facile d’entretien avec une pelouse de faible croissance », fait savoir le conservateur.
Un parc comme les autres
Pour que le lieu garde sa quiétude qui le qualifie, les chantiers ne durent jamais plus de quinze jours et les usagers sont prévenus en amont. Personne ne doit être pénalisé, ni les visiteurs ni les entreprises qui travaillent : « Quand on intervient, on ne remet pas uniquement de la terre : on crée un mélange de compost fabriqué sur place et de minéral, pour créer un support permettant à la végétation de se développer et assez solide pour le passage des engins. » Le projet devrait se concrétiser dans les deux à trois ans à venir selon Christophe Benabdallah. Et, à long terme, ce site pourrait bien devenir un parc comme un autre. De ces lieux qui se visitent en famille, sans pour autant devoir se rendre sur la tombe d’un proche.
La Ville a déjà prévu, dans cette optique, des panneaux explicatifs reprenant les différentes essences présentes. « On a une variété de chênes, des poiriers d’ornement, des liquidambars boule, des résineux, souligne Christophe Benabdallah. L’avantage c’est la biodiversité, les arbres qui fleurissent au printemps donnent des fruits à l’automne et c’est source de nourriture. » Ce qui a permis aux oiseaux et aux écureuils de faire du cimetière un espace de vie.
Sara CHERROUDA
« L’avantage c’est la biodiversité, les arbres qui fleurissent au printemps donnent des fruits à l’automne »

Christophe Benabdallah, conservateur du cimetière. Photo Progrès/Sara CHERROUDA
Christophe Benabdallah, conservateur du cimetière. Photo Progrès/Sara CHERROUDA

Photo Progrès/Sara CHERROUDA
Photo Progrès/Sara CHERROUDA

Photo Progrès/Sara CHERROUDA
Photo Progrès/Sara CHERROUDA

Photo Progrès/Sara CHERROUDA
Photo Progrès/Sara CHERROUDA
À Ambérieu,
on pratique
le “Zéro phyto”

Dès 2009, la Ville d’Ambérieu-en-Bugey a mis en place un plan de désherbage dans les espaces publics. La cité cheminote a ensuite signé une charte “Zéro phyto” en février 2016. L’abandon des pesticides est bien réel et le cimetière n’échappe pas à la règle. Le désherbage mécanique ou manuel remplace le désherbage chimique.
« Davantage de fleurs et moins de béton »
Les employés du service espace vert ont ainsi recours à des méthodes naturelles sans utiliser de produits phytosanitaires. Les allées ainsi que le tour des pierres tombales sont traités mécaniquement au brûleur thermique ou à la binette. La végétation est donc plus présente, plus adaptée à son environnement.
« Notre objectif est de revégétaliser le cimetière avec davantage de fleurs et moins de béton. Nous allons d’ailleurs bientôt planter des narcisses dans la prairie fleurie. Nous mettons aussi du gazon dans les allées à la place du gravier ou des plantes vivaces pour combler un vide », explique Jean-Noël Duée, responsable du service espace vert. Une nouvelle communication sera prochainement mise en place dans le cimetière avec l’installation de plusieurs panneaux en direction des particuliers. Un effort spécifique est également porté sur le tri des déchets verts et des plastiques.
Olivier CALLAMAND

Photo Progrès/Antoine DELSART
Photo Progrès/Antoine DELSART

Photo Progrès/Antoine DELSART
Photo Progrès/Antoine DELSART

Photo Progrès/Antoine DELSART
Photo Progrès/Antoine DELSART
« Sauver le patrimoine funéraire,
c’est simple et pas cher »
François Récamier, président de l’association Histhoiria, basée à Izernore, défend l’idée d’une conservation des anciennes pierres tombales et stèles, au lieu de les détruire. La commune de Nurieux-Volognat y adhère et dresse les blocs le long des murs de ses cimetières.

François Récamier se passionne pour la sauvegarde du patrimoine. Au cimetière de Volognat on trouve la sépulture d’un couple de paysans assassinés en 1905 par des brigands. Photo Progrès/Antoine DELSART
François Récamier se passionne pour la sauvegarde du patrimoine. Au cimetière de Volognat on trouve la sépulture d’un couple de paysans assassinés en 1905 par des brigands. Photo Progrès/Antoine DELSART
Les stèles et pierres tombales des anciennes sépultures sont autant de pages d’histoire locale. Du matériel généalogique aussi. Lorsque leur abandon est avéré, n’y a-t-il pas une autre solution que celles qui consistent à les détruire ou à les jeter dans la nature ? Car l’un des combats menés par l’association Histhoiria d’Izernore, dans le haut Bugey. Son président, François Récamier, défend une solution « toute simple et qui ne coûte pas cher » : « Conserver ce patrimoine funéraire, le rendre visible et accessible. Il suffit de dresser les pierres et de les sécuriser avec des crochets. Ça ne prendra que peu de temps à un employé communal. » Son idée a justement convaincu la municipalité de Nurieux-Volognat. Qui l’a déjà mise en œuvre dans deux de ses trois cimetières.
Un lieu de mémoire et de généalogie
Direction le hameau de Volognat. À l’entrée, trois pierres tombales alignées ornent le mur d’enceinte. Au vu de l’état de certaines concessions penchées ou déjà écroulées, d’autres devraient bientôt les rejoindre. « Pour l’instant, il n’y en a pas beaucoup, ce n’est pas une grande action », déclare modestement la maire, Arlette Berger. « On peut aussi les nettoyer pour faire ressortir les noms. » Elle dit n’avoir eu « aucun retour » de la part de ses administrés. « Ça veut dire que c’est bien ! »
François Récamier est ravi d’avoir été entendu. « Souvent, des descendants lointains cherchent des preuves généalogiques sur le terrain. La mémoire, c’est important. Et un cimetière est justement un lieu de mémoire. » Celui de Mornay, particulièrement. Il est coincé entre la chapelle du XIIe siècle et les ruines du château médiéval. Ici aussi, la mairie a sauvé trois pierres en les redressant. D’autres, en grand nombre, servent de banc ou ont fini leur carrière dans le ravin d’à côté… Jean-Claude Poncet, un habitant, se souvient : « Il y a trente ans, il y en avait un paquet ici. Elles ont disparu… » Comme à Solomiat, hameau de charme dépendant de Leyssard, où François Récamier a constaté récemment un enlèvement similaire. « Les gens les réutilisent pour faire des seuils de porte notamment. »
Les communes à l’heure de l’inventaire
L’historien amateur tient à faire un crochet par Peyriat. Là-bas, une coquette petite église trône sur un promontoire où, de longue date, on inhume aussi les défunts. L’ancien cimetière, constellé de plaques en forme de cœur – « c’était la mode à l’époque ! » –, n’a pas été détruit : la commune a fait le choix d’étendre par deux fois la surface. À l’heure où de nombreux villages se lancent dans l’inventaire long et délicat de leurs concessions échues, « c’est bien, il faut le saluer », commente le président d’Histhoiria, un cercle de passionnés qui regroupe 55 adhérents et édite un fascicule annuel depuis quinze ans.
Antoine DELSART
« Le cimetière de Miribel doit rester
un îlot de verdure »

La prairie fleurie du carré des indigents au cimetière de Miribel. Photo DR
La prairie fleurie du carré des indigents au cimetière de Miribel. Photo DR
À Miribel, dans le sud de l’Ain, la municipalité a choisi laisser pousser l’herbe dans les allées secondaires et même de planter de la prairie fleurie, notamment sur le carré des indigents. Une situation qui ne plaît pas à tout le monde mais Sylvie Viricel, la maire de cette commune de plus de 10 000 habitants, n’a pas l’intention de plier.
8 000
C'est, en m², la surface des allées au sein
des trois cimetières de la commune qui est
à entretenir.
« Nous avons quatre à cinq agents municipaux dédiés à l’entretien de la ville et même si toute la commune n’est pas végétalisée, ils se partagent 45 kilomètres carrés, entre le hameau des Échets et le Mas Rillier. On n’utilise pas de produits phytosanitaires alors qu’on aurait encore le droit de le faire », souligne la première magistrate. Les employés municipaux utilisent en effet des brûleurs et des machines à vapeur pour désherber les 8 000 m² d’allées des trois cimetières. Une méthode qui représente, selon l’édile, « neuf fois plus de travail pour un résultat identique aux traitements chimiques ». Sans compter que la municipalité préfère agir en priorité sur les tontes dans et aux abords des écoles, « pour une question de sécurité ». Cet automne, du béton balayé de couleur claire a recouvert les allées principales. « Les autres resteront enherbées. Le cimetière doit rester un îlot de verdure », conclut l’élue.