Ces écoles
hors du commun
dans la Loire
et la Haute-Loire

De la maternelle jusqu’à la terminale, plus de 140 000 élèves ont fait leur rentrée dans la Loire et près de 40 000 en Haute-Loire. Certains d’entre eux fréquentent des écoles pas comme les autres où les méthodes pédagogiques bousculent les codes de l’Éducation nationale. Reportages.

Pas de rang, pas de prof
au tableau… Bienvenue dans
la première école Montessori
de la Loire

Elle a été la première dans la Loire à inculquer la méthode Montessori. L’école maternelle et primaire Saint-Louis a ouvert en septembre 2015 à Roanne et compte aujourd’hui une soixantaine d’enfants, contre sept à son lancement.

« C’est une méthode qui existe depuis des années mais que l’on redécouvre aujourd’hui, il y avait même une école dans les années 1970, à Roanne », souligne Mathilde Savereux, l’une des fondatrices de l’établissement.

Ici, des enfants de 3 à 12 ans sont accueillis et encadrés par six éducateurs pour l’équivalent de cinq temps pleins, sous la direction de Bertrand Peressutti. Ils sont répartis dans trois classes (ou «ambiance» dans le jargon NDLR) : deux sont dédiées aux jeunes de 3 à 6 ans, dont l’une a ouvert cette année. L’autre est dédiée aux élèves âgés de 6 à 12 ans.

Dans ces pièces, tous les diktats de l’éducation classique volent en éclats. Aucun élève n’est assis en rang à l’écoute d’un professeur qui inscrit ses notes au tableau. À la place, toutes sortes d’objets rangés par thèmes (mathématique, langage, géographie, art…) sont à leur disposition. Chacun des objets n’existe qu’en un seul exemplaire, cela permet à l’enfant d’intégrer la notion de patience et de respect de l’autre.

Plus ils sont jeunes, plus ils sont réceptifs

« La pédagogie Montessori sollicite la curiosité naturelle, la manipulation, et développe l’autonomie et la confiance en soi. Le matériel que nous leur présentons, et qu’ils choisissent ensuite, aide à passer du concret à l’abstrait », précise Mathilde Savereux. La résolution d’un calcul mathématique se fera dans un premier temps à l’aide de perles; l’écriture, quant à elle, fera appel au toucher. « Sur des carrés de papier, les lettres sont inscrites en relief. En les touchant, l’enfant va intégrer leur forme avant de les retranscrire », détaille la fondatrice.

Le 24 avril 2015, nous annonçons, dans nos colonnes, l'arrivée imminente de l'école dans la Loire.

Elle l’affirme, « les sens sont la porte d’entrée pour apprendre, et plus ils sont jeunes, plus ils y sont réceptifs ». La lecture par les sons, le langage sont des notions intégrées plus tôt que dans l’éducation classique. D’autant que le mélange des âges est un plus dans leur développement. « Les petits prennent exemple sur les grands, ils ont soif de connaissance, et les grands assoient leurs acquis en les transmettant », explique Mathilde Savereux.

Elsa SCHEIBEL

Si certains intègrent l’établissement en cours de route, d’autres sont inscrits dès l’âge de 3 ans et retrouvent la filière classique à leur entrée au collège. Photo Progrès/Yvan Dené

En avril 2015. L'école est gérée par les parents via l’association ARAMM (Amis Roannais de Maria Montessori). Photo archives Progrès/Claude Essertel

Comment Burdignes, 360 habitants, se bat pour conserver son école rurale

La rentrée scolaire a été particulière à l’école de Burdignes, commune de 360 habitants. En plus des travaux, un deuxième instituteur, Anthony Vincent, a fait son arrivée pour un an. Son but : enseigner dans la classe de maternelle, mettant ainsi fin au système de classe unique.

Un nouveau professeur et de plus en plus d’élèves

Cette nomination a été réalisée dans le cadre de la loi sur la scolarisation obligatoire à trois ans. C’est donc un bouleversement pour l’école, qui a toujours connu la classe unique, une organisation bien spécifique et connue des Burdignants. Patricia Lévêque, institutrice à Burdignes depuis la rentrée 1993, se souvient : « Les premiers temps étaient difficiles pour moi, il m’a fallu deux ans pour trouver une routine à cette organisation-là. » Elle explique : « Dans la classe unique, les élèves sont très autonomes. Et si un jour, l’un d’entre eux a une difficulté, je suis là pour l’accompagner. »

Du côté des parents, ce jour de rentrée est synonyme de soulagement. Ces dernières années, l’association des parents d’élèves et la mairie se sont battues à plusieurs reprises pour maintenir l’école, la dernière bataille ayant eu lieu en 2011. Les murs portent encore les stigmates de cette époque, avec la plaque « Sauvons nos écoles ».

Mais ces dernières années, Burdignes a enregistré un nombre important de naissances : vingt-trois entre janvier 2015 et décembre 2018. Il faut conjuguer cela avec l’arrivée de nouvelles familles sur la commune. Résultat ? L’école a atteint un effectif de trente-quatre élèves lors de cette dernière rentrée de septembre : dix-neuf maternelles, la classe d’Anthony, et quinze du CP au CM2, dans la classe de Patricia. Pour comparer, en septembre 2015, l’école comptait treize élèves de la grande section au CM2, et quatre enfants à la garderie maternelle.

Vincent Thomas, le maire, ne cache pas son enthousiasme : « C’est une très bonne nouvelle pour l’école, mais il va falloir que cette organisation se pérennise. On n’a pas triché sur les effectifs ! » L’an dernier, la mairie avait effectué la rénovation de l’école, travaux ayant coûté près de 500 000 euros.

De notre correspondant Lucas ORIOL

Anthony Vincent est le deuxième instituteur de l’école. Il est épaulé
par Christine Blanchet, aide maternelle depuis plusieurs années à l’école. 
Photo Progrès/Lucas ORIOL

Six mois de voyage
en famille...
C’est papa qui a fait l’école !

Nicolas Bonnier est professeur au collège Jacques-Prévert d’Andrézieux-Bouthéon. Pendant six mois, il est parti avec Karen, son épouse, et leurs deux enfants, assurant lui-même leur enseignement.

Pourquoi ce voyage, et où ?

« C’était un projet de longue date, mais nous avons attendu que Yanis et Lisa soient assez grands (l’un en CM2, l’autre en CE1). Nous souhaitions prendre le temps, changer de rythme, nous retrouver tous les quatre. Ce fut donc six mois en Espagne et en Italie, en camping-car, au gré de nos découvertes et de nos envies, sans aucune réservation, mis à part l’Alhambra… J’avais choisi l’an dernier de demander un mi-temps annualisé, ce qui m’a permis de terminer mon année scolaire fin janvier. Le 11 février, nous partions vers le soleil de l’Andalousie ! »

Comment cela s’est-il passé avec les enfants ?

« Très bien ! Ils étaient très partie prenante tous les deux. Comme Yanis allait rentrer en 6e, nous avions pris contact avec son futur collège, qu’il vient d’intégrer, pour les formalités d’inscription. Puis nous avons informé la mairie et l’inspection académique, que, pendant la fin de l’année scolaire, nous assurerions nous-mêmes l’enseignement. La collaboration avec leur école primaire a été parfaite. »

« Ce fut une formidable ouverture culturelle, à travers de nombreux domaines, comme le fait religieux à Cordoue, au Vatican… Les rencontres ont permis à nos enfants de beaucoup grandir, mûrir, gagner en assurance et en autonomie. Une expérience à revivre ! »
Nicolas Bonnier

Quelle a été votre méthode ?

« Je les ai fait travailler en mathématiques avec leurs manuels. En relation individuelle, avec des jeunes ayant envie d’apprendre, on se rend compte que les acquisitions sont très rapides. Ils ont réalisé de nombreux exposés sur Rome, les volcans, l’Alhambra, Christophe Colomb, Pompéi… Ils les ont ensuite envoyés à leurs camarades de classe. Les recherches à travers de nombreuses lectures, en sciences, en géologie, en histoire et géographie et aussi des découvertes que nous avons faites au cours de visites, de randonnées ont alimenté le journal qu’ils tenaient. On a vu plus de choses que dans les livres ! De plus, ils ont pu pratiquer un peu d’anglais, découvrir aussi l’espagnol et l’italien et mesurer ainsi l’intérêt et l’importance de l’apprentissage des langues vivantes pour communiquer. »

Au Chambon-sur-Lignon, une des trente écoles protestantes de France

« Avant de fonder l’école, je suis restée huit ans au poste d’institutrice pour l’Éducation nationale en Ardèche, apprend Marie Ruel, directrice bénévole. Lorsque mes filles jumelles sont nées, j’ai eu le désir de leur offrir un lieu d’éducation plus humain et dans un cadre plus petit. Une école où chaque enfant serait au centre des attentions. » L’Escale ouvre alors ses portes en 2015 avec huit élèves. Issus des villages du Chambon-sur-Lignon, de Desaignes (07), du Mazet-Saint-Voy, de Saint-Agrève ou d’Araules, 25 élèves, âgés de 3 à 14 ans, ont fait leur rentrée dans un bâtiment rénové de l’ancien Collège Cévenol.

L’autonomie, l’entraide, les ateliers tactiles, le collectif au service de l’individu sont les quelques éléments des pédagogies Montessori et Freinet employées par Marie Ruel et son équipe de cinq professeurs, tous bénévoles. « L’élève apprend à apprendre, assure la directrice. Un plus grand va donner instinctivement de l’aide à un plus petit. Ici, les moqueries sont interdites et la bienveillance est de rigueur. » D’après elle, si tout le monde semble respecter les ingrédients, il existe tout de même un cadre autoritaire. « Il faut, comme pour l’apprentissage, que la punition ait un sens. »

Quant à la dimension religieuse, en lien avec le protestantisme, elle se traduit notamment par des temps de lecture de la Bible. « Mais il n’est pas obligatoire d’être protestant pour s’y inscrire. Nous acceptons toutes les confessions et toutes les catégories sociales.»

Une classe de 3e en projet pour l’année prochaine

Si les écoles hors contrat ont une gestion complètement autonome, embauchant des enseignants sans condition de diplôme, les élèves doivent maîtriser le socle commun de connaissance. « Dernièrement, nous avons été contrôlés par quatre inspecteurs de l’Éducation nationale, confie Marie Ruel. Et nous avons obtenu un très bon rapport. Les contraintes du hors contrat restent surtout l’absence de subventions publiques générant des frais de scolarité plus élevés pour les parents que dans des écoles privées sous contrat.» A L’Escale, le prix à payer est de 80 euros par mois pour les externes.

À Saint-Étienne, des élèves communiquent en langue
des signes

À l’école maternelle Berkeley et à l’école élémentaire Jules-Ferry, à Saint-Étienne, des jeunes sourds sont scolarisés dans des classes ordinaires, accompagnés par une équipe pédagogique spécialisée. Quant aux autres élèves, ils s’initient à la langue des signes pour échanger avec leurs camarades.

Vendredi, 9 h 15, à l’école élémentaire Jules-Ferry (à Centre Deux). Les élèves de la classe de CE2-CM1 de M. Devidal décrivent leur animal préféré. Près du tableau, deux d’entre eux, Omar et Taïs, font face à l’AESH (Accompagnant des élèves en situation de handicap) Claire Funès, qui, au fur et à mesure, traduit en langue des signes. Plus loin, dans la classe de CE2-CM1 de Mme Longeon, c’est Karen Di-Nallo, enseignante spécialisée, qui signe pour Myriam et Livio. « L’école accueille quatre jeunes sourds, tous scolarisés dans leur tranche d’âge, en CE2, répartis dans deux classes », indique-t-elle.

En outre, Karen Di-Nallo les encadre tous les quatre une demi-journée par semaine, pour reprendre ce qui a été fait en classe et même anticiper quelques notions. « C’est royal. Dès le départ, on a eu tous les moyens nécessaires pour les accompagner. »

L’objectif est de « favoriser leur autonomie et les intégrer au maximum ». Et ça marche : « Ils progressent », se réjouit l’enseignante, qui précise qu’ils « ont le niveau pour être là ».

Karen Di-Nallo initie aussi tous les autres élèves de l’école, de la maternelle au CM2, à la langue des signes. « Ils sont très intéressés et me disent même “bonjour” en langue des signes quand ils me croisent. Cela leur permet d’entrer en communication avec les jeunes sourds, même si ceux-ci sont implantés et oralisent assez bien. »

« Les enfants adhèrent, les parents aussi »
Claire Funès, accompagnante des élèves en situation de handicap.

L’école élémentaire stéphanoise accueille ce dispositif de l’Éducation nationale pour la troisième année, à la suite de l’école maternelle Berkeley (à Tréfilerie), où des jeunes sourds sont accueillis depuis 2010-2011. Là, « six enfants sourds sont inclus cette année dans leurs tranches d’âge, accompagnés par une EMPR (Enseignante missionnée Pôle ressources) et une AESH. Celle-ci les suit dans leur classe, mais constitue aussi des groupes mélangeant tous les enfants », détaille la directrice, Fabienne Chénet. Ainsi, toute l’école est « sensibilisée au fait que les mains peuvent aussi dire des choses », indique la directrice, en soulignant que « les enfants adhèrent et les parents aussi ».

Dans les deux établissements stéphanois, des codeuses en Langue parlée complétée (une technique qui permet de décoder plus facilement le message en lisant sur les lèvres) viennent en soutien pour certains des élèves sourds.

Mélina RIGOT