Ces communes qui la mettent en veilleuse



En 2007, le Grenelle de l’environnement a mis en évidence l’obsolescence du parc d’éclairage français, énergivore et polluant. Depuis, de plus en plus de communes la mettent en veilleuse, généralement entre 23 et 5 heures du matin.
Dans la Loire, 165 communes ont fait ce choix d’une extinction totale ou partielle. Un peu plus d’une vingtaine en Haute-Loire. Pour le bien de la planète certes, mais aussi pour faire des économies. Il faut dire que l’éclairage public représente 23 % de la facture globale d’énergie des municipalités et 38 % de la facture d’électricité.

À Saint-Julien-Chapteuil, éteindre pour préserver l'environnement

Photo Séverine Fabre

Photo Séverine Fabre

En 2010, la commune de Saint-Julien-Chapteuil a été la première de Haute-Loire à éteindre les candélabres à partir de minuit. Depuis, la commune du Meygal a fait des émules dans le département.

Il a fallu dix ans au maire André Ferret et à son conseil municipal pour mener à bien ce dossier. « On en est à 90 % du programme. D’ici 2020, toute la commune sera éteinte la nuit. » Il reconnaît que les lampadaires isolés posent problème, «mais on tiendra notre engagement ». En atteste, les deux étoiles déjà obtenues. « On est en route pour la troisième », confie le maire.
Pourquoi avoir décidé d’éteindre l’éclairage public ? Deux raisons sont annoncées : « Les économies et la protection de l’environnement. » La première on s’en doutait quant à la seconde elle est plus surprenante. André Ferret détaille : « Pour ce qui est des économies, on en fait, c’est sûr, mais elles sont réinvesties dans les différents dispositifs. Avant les lampes étaient à mercure et consommaient entre 150 et 250 kWh. Actuellement, ce sont des lampes à sodium qui consomment 70 kWh. On ne lit pas le journal au pied d’un candélabre. »

Photo Séverine Fabre

Photo Séverine Fabre

« On parle beaucoup des pesticides, mais la pollution nocturne est tout aussi importante. Elle est tout de même beaucoup plus simple à supprimer. »

En 2020, toute la commune sera concernée Quant à l’environnement, il argumente. « On parle beaucoup des pesticides, mais la pollution nocturne est tout aussi importante. Elle est tout de même beaucoup plus simple à supprimer. » Quelle a été la réaction de la population ? « Nous n’avons pas éteint comme ça du jour au lendemain. Nous avons beaucoup informé et expliqué nos raisons. Dans la commune, du lundi au jeudi on éteint à minuit et on rallume à 5  heures. Le week-end, c’est un peu plus tard (2 heures, NDLR). »

Quid de l’insécurité ? « Cela n’a rien changé. Il n’y a pas plus d’accidents, de vols ou d’agressions que lorsque les lumières restaient allumées toute la nuit. Il faut quand même reconnaître que c’est une aberration, encore plus quand on sait que cela perturbe la faune, la flore et nous aussi. »

Séverine Fabre

12 000

En France, 12000 communes
ont adopté l’extinction
de l'éclairage public la nuit
dont 165 dans la Loire

Photo Rémy Perrin

Photo Rémy Perrin

Questions à Anne-Marie Ducroux, présidente de l’Association nationale pour la protection du ciel et de l’environnement nocturnes

«Les communes sont souvent mal informées»

De plus en plus de communes éteignent leur éclairage la nuit. Pour quelle(s) raison(s) ?
« Nous en avons recensé un tiers, soit 12 000 en France. Elles comprennent que mieux ajuster la durée d’éclairement à des besoins réels et moins surévalués est la première solution à leur disposition, la moins coûteuse et la plus simple à mettre en œuvre. De plus, cette mesure permet de faire immédiatement des économies collectives en euros comme en kWh et surtout, elle réduit de suite la pollution lumineuse avec ses effets tant pour l’environnement que pour les habitants. Enfin, l’argent public est précieux : toute économie sur des éclairages inutiles peut être allouée à d’autres besoins des habitants. »

Font-elles bien les choses ?
« Elles sont souvent mal informées. Beaucoup d’idées fausses circulent. Elles ne sont jamais incitées à repenser finalités et impacts de l’éclairage, à en repenser la conception pour les enjeux du XXIe siècle. Mais elles sont toujours incitées à des achats de matériel, donc des dépenses pour les citoyens, au retour économique non garanti pour certaines technologies dont la durée de vie promise pourrait ne pas être au rendez-vous. Nous conseillons toujours d’informer les citoyens des différents enjeux et impacts de l’éclairage. Quand un élu prend ce temps et consulte les habitants, cela se passe très bien. »

Que peuvent-elles faire pour gagner en efficacité ?
« La France émet 94 % de lumière artificielle en plus la nuit depuis vingt ans pour le seul éclairage public, auquel il faut rajouter toutes les autres sources lumineuses. Ceci doit tous nous amener à réfléchir aux limites de notre expansion lumineuse et aux impacts croissants de la lumière la nuit sur nos vies et sur l’environnement. Bien des éclairages ne servent plus à éclairer pour de réels besoins. Avoir une approche globale permet aussi des choix pertinents : cibler l’énergie seulement peut aboutir à des choix contraires aux actions menées pour la biodiversité du territoire ou à ne pas inclure les effets sur la vision. »

Propos recueillis par B.M.

Photo Benoît MOUGET

Photo Benoît MOUGET

94%

Depuis 20 ans, la France émet 94 % de lumière artificielle en plus la nuit pour le seul éclairage public, auquel il faut rajouter toutes les autres sources lumineuses.

Firminy fait marche arrière et rallume

C’est en décembre 2016 que les lumières se sont éteintes entre minuit et 5 h 30 dans les rues appelouses, hyper-centre excepté. Trois mois plus tôt, 69,62 % des habitants avaient approuvé la mesure lors d’un référendum local pour lequel le taux de participation avait été cependant très faible (11,78 %). Pour justifier la mesure, le maire, Marc Petit, avançait des arguments financiers – elle permettait d’économiser 93 000 euros par an – et écologiques.

« Un léger faisceau lumineux »

La surprise fut, donc, de taille lorsqu’à l’occasion de la cérémonie de vœux en janvier dernier, le premier magistrat a annoncé le retour de l’éclairage public la nuit. Un rétropédalage totalement assumé par l’élu : « Même si l’extinction des lumières n’a pas eu d’impact sur les faits d’incivilités, il y avait un sentiment d’insécurité, de peur, notamment chez les personnes âgées. Et contre la peur, on ne peut rien faire. »
Alors, à partir de fin septembre, un « léger faisceau lumineux » éclairera les zones de la ville plongées dans le noir après minuit depuis trois ans. Le retour de la lumière se fera progressivement entre fin 2019 et fin 2020. Le temps de remplacer les 3 800 lanternes de la commune qui seront équipées d’ampoules LED, beaucoup moins consommatrices d’énergie. « Cela n’est pas contradictoire avec notre engagement en faveur de lutte contre le réchauffement climatique puisqu’on pourra régler la luminosité en fonction des heures. Cela permettra de rassurer les riverains », note le maire.

«Il y avait un sentiment d’insécurité, de peur, notamment chez les personnes âgées. Et contre la peur, on ne peut rien faire»
Marc Petit, maire de Firminy

Par ailleurs, selon Marc Petit, ce retour en arrière n’aura pas d’incidence négative sur les finances communales, au contraire même puisque l’équipement de toutes les lanternes appelouses en LED, qui nécessite malgré tout un investissement de 2 millions d’euros, devrait permettre d’économiser 130 000 euros par an. Soit 37000 de plus qu’avec l’extinction. En effet, les nouvelles ampoules, plus économiques, seront également installées sur les lampadaires du centre-ville qui restaient allumés toute la nuit.
Le retour de l’éclairage nocturne dans les communes qui avaient décidé d'éteindre est très rare. Il y a un an, le conseil municipal de la petite ville de Beaurains (Pas-de-Calais) avait fait le même choix à la demande de ses habitants.

3800

La ville de Firminy doit remplacer les 3 800 lanternes de la commune pour les équiper d’ampoules LED

Alexandre Pauze

Pas d'impact sur la délinquance

C’est l’une des préoccupations des maires au moment de prendre la mesure de stopper ou non l’éclairage la nuit: la sécurité publique dans leur commune va-t-elle s'améliorer ou se dégrader.

Pour la major Jeanne, référente sûreté de la gendarmerie dans la Loire, “au niveau des statistiques, il n’y a pas d’augmentation significative de la délinquance. On pourrait penser que le noir absolu permet de commettre des méfaits. Mais comme tout le monde, les délinquants ont besoin d’un moyen pour éclairer la scène.”

«On pourrait penser que le noir absolu permet de commettre des méfaits. Mais comme tout le monde, les délinquants ont besoin d’un moyen pour éclairer la scène»
Major Jeanne, référente sûreté de la gendarmerie dans la Loire

L’extinction des lumières déplacerait plutôt les infractions dans d’autres lieux comme les jardins publics ou des endroits éclairés et plus à l’abri des regards.  Quant au sentiment d'insécurité, la gendarmerie note qu’il est plus important dans les communes où l’obscurité règne la nuit. Un ressenti remonté par les élus et leurs administrés.

Le noir absolu pose également la question de l’efficience du système de vidéoprotection. “Certaines communes ont pris la mesure après l’installation du réseau vidéo, ça pose des problèmes, ce n’est pas le même matériel”, poursuit la major Jeanne. Un problème qui peut être compensé par l'installation de caméras infrarouges. Mais tout ceci a un coût.

Jérémy Pain

Photo Le Progrès

Photo Le Progrès

Photo Josselin GIRET

Photo Josselin GIRET

Les communes qui innovent

Éclairage à la demande à Saint-Just-Saint-Rambert

Personne ne passe. Tout est éteint. Un piéton, un cycliste ou une voiture circule. Tout s’illumine. Quelques minutes plus tard, les candélabres cessent d’éclairer et regagnent leur mode veille.
Depuis maintenant trois ans, le boulevard Jean-Jaurès, à Saint-Just-Saint-Rambert, est une voie durable. La commune, en partenariat avec le Siel (Syndicat intercommunal d’énergies de la Loire), avait profité en 2016 d’un vaste programme de rénovation de cet axe pour installer des mâts dits intelligents. En gros : des lampadaires équipés de détecteurs de présence qui ne s’allument que s’ils détectent le passage d’un usager.
À l’époque, dans la Loire, c’était une première. «L’éclairage public intelligent s’adapte aux besoins réels, sans éclairer trop, au bon moment, avec une vraie qualité de service. Il faut éclairer juste, et non juste éclairer», expliquait-on alors du côté du Siel.

Des factures d’éclairage nettement en baisse

Évidemment, ces mâts n’embarquent pas des luminaires à l’ancienne, consommateurs de watts par centaine. Mais des leds de 16 watts, nettement plus économes. Logique, puisque l’objectif est de réduire considérablement la facture de la commune, sachant que l’éclairage public peut représenter, à lui seul, 40 % des dépenses électriques réglées chaque fin de mois par une municipalité.
Et ça marche ! À Saint-Just-Saint-Rambert, on a consommé, pour l’éclairage public, 1 345 964 kWh en 2018, contre 1 508 788 kWh de moyenne par an en 2015, 2016 et 2017. Soit, au global, une baisse de 11 %.
Économiques, les mâts intelligents sont aussi sécurisants pour les personnes qui passent par le boulevard. L’axe, particulièrement emprunté, se situe à l’entrée de Saint-Just-Saint-Rambert, longe le cinéma et la médiathèque de la ville, puis mène en direction du fleuve Loire puis vers le centre de la commune.

Josselin Giret

Patrimoine

Charlieu à contre-courant

Le département de la Loire a lancé depuis quelques mois un grand projet de mise en lumière de l’abbaye bénédictine et de dix-huit sites de la ville de Charlieu.
Pour cette création, le président du Département Georges Ziegler a fait appel à l’architecte lumières Alain Guilhot, créateur de la Fête des Lumières de Lyon et reconnu internationalement pour son travail sur des monuments dans le monde entier. Il a la charge d’habiller de lumière ce bâtiment historique et en faire ressortir tous ses secrets.
Ce travail de lumière devrait être complété par des textes lus par Nelson Monfort, ambassadeur de cœur de Charlieu. Le projet se fera par strates avec un rendu final d’ici sept ans.
Pour le moment, plusieurs études sont en cours. Des essais ont même lieu cette semaine. «Notre objectif est que la première phase soit prête pour la fin de l’année. Elle concernera notamment la mise en lumière du Narthex», précise le conseiller départemental Jérémie Lacroix.
Le projet est clair : « En illuminant ce site clunisien, le Département souhaite rendre toute sa valeur au patrimoine ligérien et en faire un site d’attractivité territorial, un lieu emblématique de la Loire ».

Photo Guillaume DESCAVE

Photo Guillaume DESCAVE