Ces Jurassiennes
font tomber
les préjugés
avec leur métier
Expériences communes #19

Marion Saleur, commandante de gendarmerie
À 33 ans, Marion Saleur est la première femme à commander une compagnie de gendarmerie dans le Jura. Celle de Dole.
Après sept mois d’exercice, la jeune femme compte déjà quelques belles affaires résolues à son actif et dirige avec efficacité les 95 hommes (dont son adjoint le capitaine Fiorina) et les 33 femmes placés sous ses ordres. Elle affirme n’avoir jamais subi de remarques sexistes au cours de sa carrière, et n’en aurait de toute façon pas fait cas.
« On gagne un peu de terrain… dans le Jura »

« Je n’ai jamais cherché à savoir si quelqu’un avait un problème avec le fait que je sois une femme. On gagne un peu de terrain… dans le Jura. Je suis la première, et certainement pas la dernière ! » La féminisation de la profession, qui s’étend aux grades (l’officière tient à être appelée « commandante ») a tardé en France, et dans le Jura. Il a fallu attendre 2013 pour que le département accueille une femme officier. Une lieutenante a servi de 1er août 2013 au 1er juillet 2017 à la communauté de brigades (COB) de Dole.
Le département compte 79 femmes gendarmes, sur 472 militaires.
Matthieu Lambert
À Froidefondaine, Pauline Lanquetin
est maître-fromagère
Dans les allées de la fruitière, difficile de suivre le rythme de Pauline Lanquetin. Charlotte sur la tête et sourire aux lèvres, la jeune maître-fromagère slalome entre les cuves, tout en échangeant avec les membres de son équipe, restreinte mais efficace. Titulaire d’un Brevet de technicien de supérieur (BTS) agricole, avant d’intégrer une licence fromagerie, la Jurassienne connaissait déjà les coulisses d’une fromagerie, avant de commencer ses études. « J’ai plus ou moins baigné dedans, dit-elle. On a toujours été dans le village, dit-elle, mais j’ai souhaité approfondir un peu, afin d’acquérir davantage de connaissances. » Une belle ascension pour Pauline Lanquetin.

Petit à petit, elle a monté les échelons, avant de devenir tout récemment maître-fromagère. « C’était un aboutissement. Forcément, au début, on appréhende un peu, mais j’ai la chance d’avoir un fort caractère », explique-t-elle. Du caractère, mais aussi de la méthode. Bien que le milieu se modernise, et n’attire plus uniquement que les hommes, « il reste assez physique. Les meules font 40 kg, mais on s’adapte, on travaille différemment, plus méthodiquement. Par exemple, les fromages, je les fais glisser sur les genoux. Après tout, on arrive au même résultat. Quand on est motivé, on y arrive. »
Dans la fruitière, la jeune femme et son équipe fabriquent cinquante fromages par jour. Première en zone comté, elle a trouvé son rythme de croisière, et vit désormais sa passion.
Vincent Moire et Bernard Courtois, correspondant local
Routière, elle a trouvé la liberté derrière le volant
Elle a choisi de prendre le volant. Et pas n’importe lequel. Mireille Dupont, 55 ans, est conductrice de poids lourds pour l’entreprise Grosdidier.

« J’aime conduire un camion, être tranquille, libre.
Je voulais faire ce métier depuis l’âge de 9 ans. »
À la liberté, s’ajoutent les rencontres : « Je m'arrête partout où je peux. Il faut voir le nombre de personnes que j’ai côtoyées ! »
Pour Mireille, qu’on soit un homme ou une femme, « il faut avoir ça dans le sang ». Car c’est une profession qui prend du temps, quitte à empiéter sur la vie de famille. « On ne peut pas faire avec des petits, insiste-t-elle. Je pars le lundi et je rentre le vendredi soir, voire le samedi matin. Parfois, je pars même le dimanche. » La Jurassienne a d’abord été chef d’entreprise. Quand elle a choisi de se reconvertir, ses enfants avaient déjà quitté la maison.
Aujourd’hui, Mireille a deux professions : « Tous les étés, je ferme mon entreprise et je roule pour Grosdidier. Mes vacances, c’est sur la route. Je n’aime pas rester chez moi. Je m’ennuie. »
Constance Longobardi
Emilie, peintre : « Je me suis demandé si physiquement j’allais pouvoir le faire,
et en fait oui »
Émilie Ollier nous accueille en tenue de ville chez elle à Moirans-en-Montagne, la peintre en bâtiment apprentie prévient d’entrée de jeu, « on fait quelques travaux en ce moment ». Sans surprise, c’est la jeune femme de 34 ans qui se chargera de la peinture. Une passion du chantier qui l’a prise dès son plus jeune âge.

« Depuis toute petite, j’ai toujours aimé faire de gros changements, refaire la tapisserie par exemple explique la jeune maman. J’ai fait plusieurs petits boulots, mais rien qui me passionnait vraiment, et puis c’est mon compagnon qui m’a parlé du métier de peintre en bâtiment. Je me suis dit que ce serait physique et je ne savais pas si je pouvais le faire. J’ai fait un stage de découverte d’un mois, et je me suis rendu compte que c’était tout à fait possible. »
La charge physique ? « Oui elle existe mais quand je rentre chez moi le soir, je ne me sens pas plus fatigué qu'un collègue masculin. » Aujourd’hui, Émilie Ollier compte bien rester dans ce domaine, la peintre vient d’entamer son second contrat de professionnalisation avec Ariq BTP et devrait y être embauchée.
« Je suis très heureuse, c’est une entreprise à l’esprit familial, on fait beaucoup de chantiers chez les particuliers, les tâches sont donc très variées, c’est la raison pour laquelle je me lève tous les matins avec un grand sourire aux lèvres. »
Jamila Chafii
Conductrice d’autocar, une vie sur les routes
Son métier : transporter les clients, en France et à l’étranger. Séverine Lesage, 47 ans, est conductrice de car grand tourisme depuis 2011. « C’est une reconversion professionnelle, indique celle qui vit à Tassenières. J’aime conduire de gros véhicules. Jeune, j’ai passé le permis “transport en commun” mais je ne m’en suis pas servie tout de suite. »
Séverine, qui travaille pour Arbois Tourisme, ne reste pas uniquement derrière le volant : « Je charge aussi les valises dans la soute. Je suis habituée. Avant, j’étais agricultrice. »
« C’est un métier que je conseille à ceux qui aiment voir du pays. »
« Il y a un certain confort. Contrairement aux chauffeurs de poids lourds, on dort à l’hôtel. » Ici, pas de distinction entre les hommes et les femmes : « Je n’ai jamais eu de souci avec mes collègues masculins et je touche le même salaire qu’eux. »

Et la vie de famille ? Comme Mireille Dupont, conductrice de poids lourds, Séverine ne recommande pas cette profession à de jeunes parents : « Ça peut être un départ à la semaine, le week-end ou la nuit. Il n’y a pas d’horaires. La valise n’est jamais bien défaite. »
Constance Longobardi
Sylvette Guyetant est mécanicienne
en apprentissage
Quand Sylvette Guyetant était en 3e l’orientation vers la mécanique n’était pas ouverte aux filles, à son grand regret; alors elle s’est dirigée vers le commerce, par défaut, et a obtenu un BTS commercial.
« Je n’ai rien trouvé dans ce domaine, j’ai travaillé à SuperU puis j’ai appris qu’une formation avait ouvert au CFA de Macon. J’ai sauté dessus et je ne le regrette pas » , explique la jeune femme qui a toujours aimé le foot et les petites voitures.

« Le groupe Berthier a créé une école. On recrute des gens en reconversion professionnelle. À 15 ans, on n’a pas la même maturité qu’à 25. Ceux qui postulent ont vraiment envie. On recrute par simulation, sans préjugés, sans C.V. uniquement avec des tests pratiques et de logique pour laisser la porte ouverte à tous, hommes, femmes, bac-5 ou bac+5 », précise Delphine Bailly, la responsable de l’agence de Lons-le-Saunier, l'un des neuf garages du groupe.
Le but est d’embaucher les jeunes au terme d’une formation intense de 10 mois sur la base d’un certificat de qualification professionnelle.
« Je connais des filles qui aimeraient travailler dans la mécanique. C’est encore bien fermé aux femmes. Ça a du mal à évoluer. On a encore des a priori. »
« Sur 600 élèves, nous ne sommes que 10 dont 2 en spécialité poids lourds », précise Sylvette.
« Les femmes n’osent pas aller vers les métiers d’hommes. J’aime toucher les moteurs, je suis très manuelle, j’aime savoir comment ça fonctionne. J'apprends la maintenance, la réparation, les véhicules industriels et utilitaires. Il n’y a pas de matière générale, que du technique. On peut évoluer dans la mécanique poids lourds, devenir spécialiste diagnostic réparation, chef d’équipe, chef d’atelier ou responsable de site. J’avais peur au départ mais je suis très bien intégrée ici, les autres sont là pour m’aider. »
« C’est un investissement en argent et en temps pour l’entreprise. On a un tuteur sur le site. Sylvette est tombée au bon endroit », conclut Delphine Bailly qui, elle, a commencé au magasin de pièces détachées.
Jean-Paul Barthelet, correspondant local
Éducation nationale: les lignes bougent doucement
Un certain nombre d’actions ont été mises en place par l’Éducation Nationale pour tenter de changer les mentalités et « ouvrir le champs de possibles » à tous les écoliers ainsi qu’aux étudiants. Dans chaque établissement, un référent « égalité » est nommé. Il peut s’agir d’un professeur, d’un directeur ou encore d’un infirmier.
Cette fonction bénévole peut être prise par quasiment tous les acteurs de l’éducation. Problème : ce sont généralement des femmes qui s’investissent dans ce rôle.

En parallèle, des ateliers sont animés autour de l’égalité filles-garçon, en particulier dans les collèges. En janvier dernier, à Fraisans, une classe de 6e a consacré une matinée à déconstruire plusieurs clichés et stéréotypes, notamment autour des métiers. Lors de cet échange, on remarquait qu’il était encore bien ancré l’idée selon laquelle une femme peut être aide-soignante ou infirmière et un homme (presque) tout ce qui lui plaira.
Afin de sensibiliser davantage les futurs professionnels, des travaux sont également réalisés pendant l’année pour les « Trophées de l’égalité et de la mixité », mis en place par l’académie de Besançon.
Et, arrivés au lycée, les élèves devront respecter la parité lors de l’élection de leurs délégués de classe. L’égalité entre fille et garçon progresse lentement, mais sûrement ?
Mathilde Garnier