Ils ont décidé de quitter (définitivement) la France pour s’installer au Portugal

Ils sont architectes, industriels, commerçants, restaurateurs ou créateurs et ont tout plaqué pour s’installer à Lisbonne. Par amour, par lassitude de la France, mais aussi (parfois) pour profiter des incitations fiscales. Nous sommes allés rencontrer ces Stéphanois ou ces Lyonnais qui ont choisi de vivre et d’investir la nouvelle « Silicon Valley » européenne. Ce qui est certains, c’est qu’aucun ne ferait aujourd’hui le chemin en sens inverse…

Il est encore Français, mais plus pour longtemps. Et pas question pour autant de renier ses racines bien ancrées dans la banlieue stéphanoise. Installé à Lisbonne depuis huit ans, l'architecte Sylvain Grasset a fondé sa famille au Portugal et vient d’entamer les démarches pour obtenir »symboliquement » la nationalité portugaise. Dans le quartier de Campo de Ourique à Lisbonne, où viennent s’installer les jeunes français, Sylvain Grasset se fonde dans la population locale. Ici, tout le monde le connaît. Et il connait tout le monde...

« Certains me considèrent encore comme un étranger, mais d’autres comme un Portugais, parce que j’ai fait cet effort d’apprendre la langue et de m’imprégner de ce pays », explique-t-il, refusant le mot « intégration ». Et s’il demande aujourd’hui la citoyenneté portugaise, c’est pour pouvoir voter aux élections locales et pourquoi pas, plus tard, participer à la vie politique de son quartier, de sa ville.

« Non, je ne renie pas mes racines, répète Sylvain Grasset. Mais le Portugal est devenu aujourd’hui mon pays ».

« Il y a dix ans, c’était un pays pauvre où il ne se passait rien ; du jour au lendemain, l’Europe et le monde ont découvert le Portugal…»

Aujourd’hui, les Français figurent parmi les premiers acquéreurs étrangers au Portugal et représentent  30 % des investissements étrangers.

« Près de 80 % de mes clients sont des actifs, Français et Suisses, explique l’architecte Stéphanois Sylvain Grasset. Ce sont des gens qui ont vendu leur entreprise en France et qui veulent poursuivre leur vie au Portugal, pour des raisons fiscales, pour la qualité de vie, pour le soleil, mais aussi pour la sécurité. Ce sont aussi des retraités Français qui veulent acheter une résidence secondaire face à la mer… »

Parmi ses clients, des promoteurs immobiliers français, qui rachètent des immeubles à rénover…

Des coûts compétitifs

Source : CCI LUSO FRANCAISE

Source : CCI LUSO FRANCAISE

Une localisation stratégique

Le Portugal est une plateforme stratégique pour les entreprises qui souhaitent élargir leur marché vers les continents africain et asiatique.

Source : CCI LUSO FRANCAISE

Source : CCI LUSO FRANCAISE

Lisbonne débordée par la demande
de permis de construire

« A Lisbonne, explique Sylvain Grasset, la mairie est configurée pour traiter 900 permis de construire. L’année dernière, en novembre, j’ai déposé un permis qui portait déjà le numéro 2840. Aujourd’hui, la ville est incapable de donner un délai pour instruire un dossier. »

« Depuis quelques mois,
on ressent vraiment l’effet Gilets jaunes »

Laurent Marionnet est installé depuis cinq ans à Lisbonne. Il dirige la CCI française au Portugal. Le constat est sans appel : « Depuis le début de l’année, nous avons beaucoup de petites structures françaises, des commerçants, des restaurateurs, des artisans, qui se renseignent pour s’installer au Portugal. On ressent vraiment l’effet Gilets jaunes. »

Depuis janvier, les demandes par mail, par téléphone, explosent à la CCI luso-française à Lisbonne. « Ce sont souvent des Français qui ont subi les manifestations tous les samedis et qui ne tiennent plus financièrement. Ils ne peuvent plus bosser en France et veulent aller ailleurs. On en voit arriver tous les jours… »

« En 2017, on estime qu’il y a eu 5 000 foyers fiscaux qui ont bénéficié du régime Résident non habituel (RNH). On est loin de la vague ou du déferlement annoncé… »

Ils sont Lyonnais
et leur restaurant fait un carton sur la plage de Lisbonne

Eux aussi n’en pouvaient plus de la France... Et c’est par hasard qu’ils se sont rencontrés à Lisbonne après avoir quitté Lyon…

C’est à la sortie de l’école, où ils accompagnent chaque jour leurs enfants, que Jean-Pierre Cabecas et Thomas Detroyat se sont rencontrés, liés d’amitié et associés… « Je passais mon temps à bosser et je ne voyais pas mes enfants grandir, raconte Jean-Pierre Cabecas. Nous sommes venus avec ma femme à Lisbonne pour découvrir la ville et à la fin du week-end, elle m’a dit : on vient s’installer ici… On a tout vendu et six mois après, on est arrivés ».

Chef d’entreprise, Thomas Detroyat, lui, « était fatigué des années de crise ; fatigué d’avoir à se justifier d’être chef d’entreprise, de gagner de l’argent».

« Nous sommes venus avec ma femme à Lisbonne pour découvrir la ville et à la fin du week-end, elle m’a dit : on vient s’installer ici… On a tout vendu et six mois après, on est arrivés »
Jean-Pierre Cabecas, chef d'entreprise

«Quand j’ai repris l’entreprise familiale de transport au sud de Lyon, je m’étais donné dix ans pour la développer, explique-t-il. Douze ans après, j’ai dit stop. J’ai tout vendu pour partir au Canada et finalement, on a  atterri à Lisbonne il y a cinq ans.»

Jean-Pierre, lui, rêvait d’ouvrir son restaurant. Thomas sera l’homme providentiel. Les deux comparses s’associent et reprennent un petit établissement à 15 minutes de Lisbonne sur l’une des plus belles plages de la côte atlantique. Trois ans plus tard, ils dressent le bilan : « Le résultat est ultra satisfaisant. En trois ans, on est devenu la référence sur le littoral et même le numéro un sur 640 établissements sur Tripadvisor. »

Dimanche dernier, Jean-Pierre a servi un peu plus de 400 couverts avec uniquement des produits frais. La spécialité maison : le poulpe à l’ail, un poulpe grillé, légèrement caramélisé. « On en passe six tonnes par an, s’exclame Jean-Pierre. Les Portugais viennent de loin pour les déguster… »

Avec 60 matelas sur la plage, la petite entreprise a connu un formidable ascension en trois ans. Et pour rien au monde, Jean-Pierre reviendrait travailler dans l’Hexagone. « En France, on a juste le samedi et le dimanche pour recharger les batteries, explique-t-il. Ici, je travaille six jours sur sept et je n’ai que mon mardi de repos. Mais j’ai aussi tous les autres jours pour en profiter, car le travail est fatiguant mais pas stressant… »

« Ce que l’on a fait ici, on ne pourrait pas le faire en France, témoigne à son tour Thomas. En trois ans, on n’a jamais eu le moindre souci, ni avec l’administration, ni avec le personnel, ni au niveau sécurité. Alors ne me parlez pas de revenir en France. C’est juste impossible… »

« Je suis reçu au Portugal comme un cousin… »
Lucien Grant, chef d'entreprise

Chef d’entreprise, Lucien Grant travaille avec le Portugal depuis près de vingt-cinq ans. Il a choisi d’y passer sa retraite. Et devrait quitter prochainement Saint-Étienne pour Lisbonne.

Depuis quand avez-vous pris la décision de quitter la France pour le Portugal ?

« Cela me trotte dans la tête depuis quelques années. En 2008, lorsque l’économie a été fragilisée par la crise, je me suis battu pour sauver les emplois dans mon entreprise. J’ai passé des nuit difficiles jusqu’en 2012. Et puis, il y a quatre ans, j’ai franchi le pas. J’ai décidé d’apprendre le portugais, une langue que je parle presque couramment aujourd’hui… »

Parler le portugais est-il indispensable pour s’installer dans ce pays ?

« C’est indispensable pour conserver son indépendance, pour multiplier les contacts sur le terrain et être autonome. Aujourd’hui, quand j’arrive à Lisbonne, les gens que je connais m’accueillent comme un cousin parce que je parle leur langue et parce que je m’intéresse beaucoup à leur culture… »

«Ce n’est pas une question d’argent. C’est par amour de ce pays que j’ai décidé de partir.»

Quitter la France est une décision lourde de conséquences pour vous...

« On ne peut plus raisonner en terme de pays. Je suis un Européen convaincu et je pense que l’union fait la force. L’Europe est un espace de libertés. Et que l’on soit Français, Portugais, Espagnol ou Italien, on est d’abord Européen. L’Europe est un terrain de jeu immense et venir habiter au Portugal, n’a rien de compliqué. Et ça ne sera pas plus compliqué pour ma fille qui habite Nantes, de venir à Lisbonne que de venir à Saint-Étienne. »

Allez-vous bénéficier des avantages fiscaux auxquels peuvent prétendre les expatriés qui s’installent au Portugal ?

« Ce n’est pas une question d’argent. C’est par amour de ce pays que j’ai décidé de partir. »

 «On ne peut plus raisonner en terme de pays. Je suis un Européen convaincu et je pense que l’union fait la force»

Qu’est-ce qui vous pousse vraiment à partir ?

« C’est un état d’esprit général qui ne me convient plus. Pourtant j’aime la France. Mais les incivilités au quotidien m’excèdent, tout comme la mentalité française anti-patron. Les patrons qui investissent, prennent des risques, créent de l’emploi, sont attaqués constamment, de toutes parts, alors que ce sont eux qui créent la richesse du pays. On ne parle que de social ; on ne fait que du social. Et pendant ce temps-là, on perd des parts de marché… Si l’on ajoute les taxe qui plombent nos sociétés et notre économie et plus l’insécurité galopante, je pense avoir toutes les bonnes raison de choisir le Portugal. »  

Sandrine Rousseau : ses sacs font un tabac à Lisbonne

Il y a tout juste un an, Sandrine Rousseau, originaire de Romans, créait sa marque de maroquinerie à Lisbonne : One-32. « L’idée, au départ, était de créer une activité économique autour des femmes dans le monde, parce que trop de femmes n’ont pas accès à l’éducation, à la liberté », explique-t-elle. Lors de ses nombreux voyages, Sandrine chine des tissus, des tapis, des accessoires, toujours fabriqués à la main par des femmes. Autant de matières, de matériaux, qu’elle utilisera pour fabriquer ses sacs à main, assemblés à Porto.

Grâce à une main d’œuvre qualifiée et des coûts compétitifs, Sandrine Rousseau a trouvé un modèle économique viable pour son entreprise naissante

« Ce sont des objets très féminins, fabriqués par des femmes du monde, pour d’autres femmes du monde », poursuit Sandrine qui n’a qu’une préoccupation en tête : payer la matière première à sa juste valeur, « au juste travail » des femmes. Grâce à une main d’œuvre qualifiée et des coûts compétitifs, Sandrine Rousseau a réussi à trouver un modèle économique viable pour son entreprise naissante. « Il y a ici un vrai savoir-faire dans le domaine de la confection, de l’artisanat, conclut la jeune femme. En revanche, c’est un peu plus compliqué parce que le Portugal connaît un fort développement et a du mal à suivre la cadence. Mais au bout du compte, malgré tout, le travail est remarquable… »

Une qualité de vie incomparable…

Il faut prendre le temps de déambuler dans les rues, dans les quartiers, les parcs et les jardins, pour s’imprégner de l’art de vivre portugais. « C’est la France des années cinquante, témoigne ce retraité lyonnais venu s’installer à Lisbonne il y a cinq ans. Il n’y a ni stress, ni insécurité ».

Santé, bien-être, transports, coût de la vie, qualité des soins et sécurité: le Portugal est un des pays européens qui arrive en tête de la qualité de vie.