Ils réinventent
la mobilité

Le Progrès Economie s'intéresse aux entreprises lyonnaises qui misent sur la mobilité urbaine, plus douce, impliquant un usage de la voiture plus raisonnable.

La voiture individuelle n'est plus
le modèle vertueux

Lancé cette semaine (du 26 au 30 septembre à Eurexpo) dans la foulée de Francfort, le Salon de l’automobile de Lyon ouvre dans un contexte global incertain. Alors que les immatriculations de voitures neuves sont en recul de plus de 3 % depuis janvier en France, le secteur est à un tournant stratégique.
Entre électrique et hybride, les constructeurs automobiles misent sur de nombreux nouveaux modèles plus vertueux pour l’environnement.
Des véhicules qui ont encore parfois du mal à décoller ou à convaincre, le manque d’infrastructures de recharge (particulièrement marqué en habitat collectif) apparaissant comme un frein aux yeux de certains.

Repenser le partage de l'espace

À Lyon, comme dans l’ensemble des métropoles, la problématique de la qualité de l’air ou encore la congestion routière ont amené à repenser
le partage de l’espace et la mobilité.

« La voiture n’est plus le mode le plus efficient pour se déplacer en ville, estime Philippe Gargov, fondateur de Popup Urbain, cabinet de conseil en prospective et imaginaire urbains. On va quasiment moins vite en voiture qu’à vélo ou trottinette ».

Une donne qui n’a pas échappé aux acteurs de la mobilité urbaine, qui appuient leurs business-models sur l’alternative à la voiture, à l’usage plus raisonné.

Ils font de Lyon
leur terrain de jeu

À Lyon, les moyens de circuler sont pluriels, dans un espace urbain de plus en plus partagé.

L'enquête du Progrès Economie.

Un terreau d'innovations fertile

Des acteurs qui ont fait de Lyon, maillée par les transports en commun, leur terrain ; à l’image de JC Decaux, présent depuis quinze ans avec ses Vélo’V et dont le modèle repose sur un marché global, adossé à celui du mobilier urbain, ou encore LPA et Bluely, qui misent sur l’autopartage.

Sans compter les acteurs de la trottinette électrique ou encore ceux des nouveaux véhicules électriques, hoverboards ou mono-roues en tête ; des produits sur lesquels a choisi de surfer Robinson Gillet, le dirigeant de Pie Technologie.


Un acteur qui affiche son optimisme à propos d’un marché qui n’aurait pas encore atteint son niveau de maturité.

Dans une agglomération au terreau d’innovation fertile, que Navya a choisi pour terrain d’expérimentation à ses navettes autonomes, d’autres emboîtent le pas. Le Chinois Ehang a ciblé les Monts-d’Or pour son centre de recherche et développement sur les taxis drones, qui pourraient concerner les marchandises mais aussi les personnes.


« L’implantation est effective », annonce Remi Petitfrère, directeur Europe pour Ehang. Amenant la Métropole de Lyon à plonger, sans doute un peu plus encore, vers la mobilité de demain.

Un marché lyonnais de près de 5 000 trottinettes

Lancées Outre-Atlantique en 2017, les trottinettes électriques en libre-service ont investi en masse les trottoirs lyonnais. Aujourd’hui, quatre opérateurs (VOI, Lime, Bird, Dott) se partagent ce marché de près de 5 000 trottinettes.

Le principe est simple : après le déverrouillage à un euro (grâce à l’appli), il faut compter de 15 à 25 centimes la minute pour pouvoir rouler.

Arrivé il y a près d’un an, l’Américain Lime compte la flotte lyonnaise la plus importante (entre 1 000 et 2 000 trottinettes utilisées chaque jour).

Ce mode de transport n’a pas échappé à la polémique. On lui reproche son stationnement anarchique sur les trottoirs. Mais aussi, d’être dangereux en cas de conduite sur la route, puisque sans aucun équipement de sécurité.

Une charte de bonne conduite a été signée entre la Ville et les opérateurs. Ces derniers doivent également payer une redevance d’occupation du domaine public (30 € par an et par trottinette). Au total, 300 000 euros devraient être récoltés pour aménager des zones de stationnement de trottinettes.

Obligation de circuler sur les pistes cyclables et non
sur les trottoirs et les berges de Saône, sous peine
d’une amende de 38 €.

Entre Rhône et Saône, le segment des NVEI* aiguise les appétits

* NVEI : nouveaux véhicules électriques individuels.

« Darty, Décathlon ou Boulanger nous regardent de très près », lance Christophe Bayart, le fondateur de MobilityUrban, un distributeur d’appareils de mobilité électrique. Il préfère ne pas dévoiler les performances de sa société. Implantée à Lyon depuis 2018, l’enseigne toulousaine a vu le marché exploser.

Ici, à gauche, Robinson Gillet qui a lancé un site de e-commerce baptisé Pie Technologie, proposant trottinettes, gyropodes et autres mono-roues, et Pascal Clopin, directeur régional de JC Decaux.

« L’entreprise est née en 2012. En 2014, le marché a bougé avec les hoverboards, les mono-roues, les vélos électriques », raconte Christophe Bayart. Puis, est venu le temps des trottinettes électriques en free-floating.

Selon la fédération des professionnels de micro-mobilité, le marché français aurait bondi de 134 millions d'€ en 2016 à 278 millions en 2018. Face à ces croissances, Mobilityurban a ouvert des boutiques à Toulouse, Paris et Lyon et compte mailler la France.

À Lyon, d’autres boutiques ont vu le jour comme Altermove et un entrepreneur a lui aussi flairé le filon. Robinson Gillet, 27 ans, a créé son entreprise dans le cadre d’un projet d’étude en 2016. Un site e-commerce baptisé Pie Technologie (Lyon 7e).

« Je ne vendais que des hoverboards. Puis, j’ai élargi la gamme aux gyropodes, mono-roues, vélos électriques et trottinettes. Les ventes de ces dernières ont explosé », raconte celui qui lui aussi préfère rester discret sur son chiffre d’affaires, dont 80 % seraient réalisés en France et le reste entre la Belgique, l’Espagne et la Suisse. Et ce n’est que le début.

Robinson Gillet, comme les autres acteurs du secteur, sont optimistes : le marché devrait connaître encore de belles croissances car il est encore loin de la maturité.

Drones : les taxis de demain bientôt dans le ciel lyonnais ?

Et si demain on voyageait en drone ? Cette question ne relève plus du tout du domaine de la science-fiction. Les drones pourraient bien être le moyen de transport de demain.

Et Lyon pourrait rapidement être concernée. Le groupe chinois Ehang s’est installé récemment dans les Monts d’Or après une signature en bonne et due forme en novembre 2018 avec David Kimelfeld, président de la Métropole. C’est ici qu’Ehang a choisi d’implanter le centre de recherche et développement de ses taxis-drones. 

Créée en Chine, à Canton, ville partenaire de Lyon, en 2014, la société Ehang espère ainsi pénétrer le marché européen. C’est la première implantation d’un centre stratégique de développement du groupe hors de Chine.

« L’implantation est effective et nous comptons employer 50 personnes d’ici trois ans », annonce Remi Petitfrère, directeur Europe pour Ehang. Les taxis-drones, capables de transporter des marchandises comme des passagers (2 passagers à basse altitude sur une distance allant jusqu’à 35 km), devraient, selon Remi Petitfrère, débuter leurs vols tests cette semaine dans un endroit tenu secret « en périphérie lyonnaise ».

L’industrialisation des drones se fera quant à elle à Vienne en Autriche.

Les TCL vers plus d'électrique

Prolongement du métro B jusqu’à Saint-Genis-Laval, automatisation du même métro B, nouvelle ligne de tramway T6 (à terme de Debourg jusqu’à La Doua), nouveau métro E reliant l’Ouest lyonnais… Les projets ne manquent pas du côté des TCL (Transports en commun lyonnais).

1,7 million de voyages par jour

Les TCL vont expérimenter l'hydrogène sur la ligne Zi6 

« Le réseau est aux trois-quarts électrique et des projets sont en cours comme l’électrification des lignes C16 et C13 ou l’expérimentation de l’hydrogène sur la ligne Zi6 », explique Fouziya Bouzerda, vice-présidente de la Métropole de Lyon et présidente du Sytral (syndicat mixte des transports pour le Rhône et l’agglomération lyonnaise, autorité organisatrice des transports en commun dans la Métropole).

Les bus diesel encore en circulation devraient être progressivement remplacés. « Notre objectif est qu’il y ait moins de voitures et moins d’engorgement à Lyon, nous devons donc trouver des solutions ».

Le coût de fonctionnement du réseau TCL est de 1,2 million d’euros par jour. L’usager, en achetant son ticket, ne couvre en fait que 30 % du coût réel d’un déplacement.

La navette sans chauffeur s'attaque à de nouveaux marchés

Après le Groupama Stadium, la navette autonome Navya vise de nouveaux marchés. Depuis 2016, la navette Navly - en expérimentation à Confluence - a déjà transporté 50 000 passagers. Depuis mars, une autre navette est en fonctionnement, faisant la liaison entre un arrêt du tram T3 à Meyzieu et la ZAC des Gaulnes. Bientôt, une autre circulera au Groupama Stadium, pour compléter le plan de transport hors événements sportifs.

L’ambition à terme serait que les véhicules autonomes complètent le plan de transports actuel et se positionne sur le marché du fameux « dernier kilomètre ». Voire, qui sait, sur la mobilité de nuit.

Bientôt 5 000 Vélo'v
dans le Grand Lyon

Voilà quinze ans que les vélos de JCDecaux
sont présents à Lyon. Histoire d'une success story.

378 stations implantées

Le Vélo'v est devenu un moyen de transport incontournable

« Lorsque nous avons lancé les Vélo’v à Lyon, en 2005, en quelques jours seulement nous avions déjà 10 000 abonnés, personne n’imaginait ça », se souvient Pascal Chopin, directeur régional pour JCDecaux.

Aujourd’hui, 78 000 personnes sont abonnées au service et 4 000 vélos sillonnent les rues, ce qui fait du modèle lyonnais une référence mondiale.

À Lyon, le modèle repose sur un marché global. JCDecaux exploite le service VLS, qui est adossé au marché du mobilier urbain et aux recettes engrangées grâce à la publicité. « Sans cela, le prix des abonnements serait trois fois plus cher (un abonnement à l’année coûte 31 euros, Ndlr) », assure Pascal Chopin.

Avant le printemps prochain, 1 000 nouveaux vélos viendront compléter la flotte (5 000 au total) et 21 nouvelles communes du Grand Lyon seront desservies. Autre nouveauté de taille : la moitié des vélos pourront disposer d’une batterie amovible (batterie individuelle en location mensuelle pour 7 euros en plus de l’abonnement) d’ici à mars.

« Nous n’imaginons pas un instant nous passer de ce service », ajoute David Kimelfeld, président de la Métropole.
Les Vélo’v ont encore de beaux jours devant eux d’autant que les concurrents qui sont venus se frotter au marché (Gobee. bike, Indigo Weel) ont ou bien jeté l’éponge, ou peinent à convaincre.

« Nous avons inventé à Lyon en 2005, le premier service de vélos en libre-service (VLS) de grande ampleur », souligne Pascal Chopin.
JCDecaux (3,6 milliards de chiffre d’affaires) gère 29 000 vélos en libre-service à travers le monde dans 57 villes de 13 pays », détaille Pascal Chopin.

L'autopartage veut séduire les jeunes

Les politiques publiques qui visent la réduction de la voiture et des épisodes de circulation alternée, devraient favoriser ce mode de circulation.

Trois opérateurs se partagent le marché

Un marché qui progresse lentement

Si les Lyonnais veulent louer une voiture, ils ont le choix : en louer une dans les 42 stations Citiz (LPA, 107 véhicules) et l’y remettre, en louer une dans une station et la reposer dans une autre avec Bluely (Groupe Bolloré, 250 véhicules électriques, 100 stations).

Ou louer un véhicule en free floating (libre-service) avec Yea ! (LPA, 150 véhicules). Mais sur ce marché où chacun s’est créé une place sur-mesure, d’autres se sont cassé les dents (Car2go, Sunmoov’).

« Une location dure en moyenne 31 minutes pour 9 km » selon le directeur de Bluely François-Xavier Gardere. Preuve que l’autopartage pourrait s’imposer sur le marché du dernier kilomètre.

Mais les Lyonnais sont-ils prêts ? « Pour que l’autopartage fonctionne, il faut que l’utilisateur ait une mobilité multiple et qu’il soit prêt à lâcher sa voiture », précise Christine Giraudon-Charrier, directrice des études et du marketing de LPA, chez qui l’autopartage représente 1,3 million d’euros de CA.

Les deux opérateurs misent sur une clientèle jeune (free floating, tarification…) car c’est peut-être elle l’avenir de l’autopartage, comme elle l’envisage : « Peut-être la génération à venir aura-t-elle une plus grande propension à ne pas posséder son propre véhicule… ».