« J’irai au bout
de mes rêves » 

Ils l’ont dit, ils l’ont fait !

Le Salar d’Uyuni, en Bolivie. Photo DR

Le Salar d’Uyuni, en Bolivie. Photo DR

Qui n’a jamais imaginé tout plaquer pour réaliser ses rêves les plus fous ? Lâcher boulot, études ou proches pour vivre une expérience incroyable, à l’autre bout du monde ou à côté de chez soi. Voyages, aventures professionnelles ou défis sportifs, ces Rhodaniens ont tous eu le courage de partir dans l’inconnu. Et nous racontent leurs folles expéditions...
Ça nous donnerait presque des idées.

Vaincre les sommets des sept continents : l’obsession de Ned Bouadjar

S’il est bien quelqu’un qui sait ce que poursuivre ses rêves veut dire, c’est bien Ned Bouadjar. L’alpiniste grignerot s’est lancé un défi il y a plus de quatorze ans : gravir les plus hauts sommets de chaque continent.

Pourtant, en 2004, il n’était pas encore un alpiniste chevronné, tout juste un féru de randonnée et de via ferrata. « J’étais proche de la nature, je faisais de la marche et puis, un jour s’est présentée l’occasion de faire le Mont-Blanc. » Un premier challenge qui lui permet de prendre confiance et d’avoir encore plus envie de se dépasser.

Le challenge devient un tremplin vers un autre rêve : le Seven summits. Poussé, formé, entraîné par son ami Bernard Muller, sommité mondiale de l’alpinisme, Ned Bouadjar a un nouveau cap. Il veut aller vaincre les géants de chaque continent. En 2005, il met le roi d’Afrique à son tableau de chasse. Les 5 891 mètres du Kilimandjaro sont un entraînement idéal avant de se lancer à la conquête de l’Aconcagua, colosse de la cordillère des Andes avec ses 6 992 mètres. Et puis, en 2010, le Graal pour tous les alpinistes, l’Everest par sa face nord, la plus mythique, la plus difficile, avec un seul sherpa.

| Le McKinley en six jours, record de l’année

L’année suivante, il hésite à renoncer avant de partir défier le Mont Elbrouz, dans le Caucase, à cause de l’annonce du décès de son père. Il part quand même, « pour lui rendre hommage » et sa détermination le porte jusqu’aux 5 642 mètres du toit de l’Europe.

En 2012, il retrouve le McKinley, en face duquel il avait dû renoncer quelques années plus tôt, à cause d’une mauvaise météo : « C’est l’un des plus difficiles, il y a une grosse dénivellation. » Il est au sommet en six jours, record de l’année. Avant dernier sommet, le Carstensz, en Nouvelle-Guinée. Pas le plus haut, mais l’un des plus durs à atteindre. « Les échanges avec les Papous sont un super souvenir, mais il a fallu traverser la forêt vierge, un enfer. »

Le dernier sommet est le plus difficile à atteindre. Le Mont Vinson est en Antarctique : « L’obstacle majeur est financier, explique Ned Bouadjar. Il faut déjà montrer patte blanche pour avoir le droit d’y aller. Puis l’avion nous dépose sur un glacier et il faut encore marcher deux semaines par -20° C. » Au total, un budget de 46.000 euros à réunir. Un autre défi pour celui que l’on a surnommé le smicard des sommets. « En ce moment, je continue à m’entraîner et j’ai deux autres jobs en plus de mon emploi, pour m’aider à me financer. Mais je ne m’en fais pas, je sais que c’est inéluctable, je vais le faire. »

Un petit coup de pouce viendra peut-être des rencontres qu’il espère faire à l’occasion du tournage d’un documentaire sur son ami, Bernard Muller. Il témoignera sur cette belle amitié. Il le fera au sommet du Mont-Blanc, qu’il vaincra à cette occasion, une douzième fois.

Frédéric GUILLON

Ned Bouadjar et Bernard Muller. Photo Cyrille Seux

Ned Bouadjar et Bernard Muller. Photo Cyrille Seux

Le sommet de l'Europe, le mont Elbrouz. Photo DR

Le sommet de l'Europe, le mont Elbrouz. Photo DR

Le McKinley. Photo DR

Le McKinley. Photo DR

L’élue lyonnaise qui restaurait
le château familial

Bruno de Brosse, héritier du château de Saconay dans les monts du Lyonnais et son épouse Alexandra, élue du 2e arrondissement de Lyon, vivent dans leur domaine depuis quatre ans.

Ils consacrent leur vie de château à sa restauration, leur rêve.

« On est programmés, c’est le destin familial. Ce château me vient de mes parents, grands-parents et il faut remonter jusqu’à 1709. J’y ai vécu avec mes deux sœurs, puis je suis parti à Paris. »

Alexandra de Brosse a épousé son mari… et Saconay. À la retraite, c’est tout naturellement que le couple, après trente ans de vie à Lyon, est venu vivre au château. Leur rêve : consacrer leur temps à le restaurer dans les règles de l’art. « C’est un défi à relever après deux générations sans entretien. Montrer que l’on est capable. Le rêve, c’est quand on passe après les travaux de confort, à la restauration », souligne Bruno de Brosse, ingénieur dans le BTP.

Son épouse s’amuse encore de ses 22 ans : « Je ne me rendais pas compte. Il n’y avait pas d’eau courante, pas de WC, ni de salle de bains. Que de l’eau froide à la pompe à eau. » L’adjointe à la Famille et à la vie associative du 2e arrondissement ne compte pas ses heures. Si elle seconde son mari pour effectuer diverses tâches matérielles, elle a créé le site internet. Elle vient de s’inscrire à Coverre, association dédiée à l'apprentissage de fabrication de vitraux, qui seront destinés à la chapelle, récemment restaurée. L’œuvre a fait l’objet d’un reportage sur TF1.

| « Toute la vie tourne autour du château »

« Tous les jours, on est dedans. On aime ça. Et quand on voit qu’un projet avance, on a envie de le terminer. Toute la vie tourne autour du château. On a remporté une aide de 15 000 € de la part de l’association américaine French heritage society. »

Il n’y a pas de petits profits. Le couple se dépense sans compter pour que le château soit connu et reconnu. Il abrite les fêtes médiévales et communales, organise des visites, participe aux journées du Patrimoine, a créé une association d’amis. Il a aussi identifié des retraités, tel cet ébéniste bénévole qui a restauré la bibliothèque. Une étudiante de l’école lyonnaise s’est penchée gracieusement au chevet deux tableaux anciens. La société Imerys a offert 10 000 tuiles.

Le fils aîné, Tanguy (40 ans), sera le repreneur. Un détail qui a son importance pour viser l’inscription aux Monuments Historiques. «Mon rêve, c’est de participer à la restauration de Saconay avec mes petits-enfants», lance Alexandra, l’œil brillant dans l’attente du quinzième petit-enfant. Avec l’été, les cinq enfants et leurs conjoints vont défiler et toute la famille travaillera ensemble. «On a envie de se battre pour protéger tout cela. Notre rêve, c’est de restaurer toutes les toitures en mauvais état et terminer la galerie ornée de fresques du XVIe et XVIIIe!»

Nadine MICHOLIN

« Le cirque du Soleil,
c’est tout ce dont je rêvais petit »

Jérôme Sordillon était destiné à l’usine. Mais il a su la quitter et découvrir son rêve : les arts du cirque. Ce Caladois raconte son parcours, et surtout comment il a réussi à venir au bout de son rêve, qu’il n’envisageait même pas gamin.

Le rêve de Jérôme Sordillon commence lorsqu’il dit : « J’arrête. » En plein stage pratique de ses études de productique mécanique informatisée, le jeune homme de Belleroche quitte l’usine. «L’Éducation nationale m’a formé à appuyer sur un bouton. Moi, je voulais vivre du sport, avec mon corps. Et dans ma tête, c’était impossible. J’allais rester toute ma vie au quartier, à bosser à la chaîne, comme tout le monde là-bas.»

| « C’est le rêve qui est venu me chercher »

En quittant sa formation, le jeune homme entame la réalisation de son rêve. Qu’il ne connaissait pas à l’époque : «Je faisais de la gymnastique. Je ne connaissais rien aux arts du cirque. Un jour, un copain me dit “Viens, on va à Saint-Raphaël, faire du trapèze volant.” Je n’avais rien à faire donc j’y vais.» Et là, c’est une révélation. Moins militaire que la gymnastique, il découvre le côté artistique de la discipline. En fait, il s’agissait d’une audition pour devenir G.O. (Gentil organisateur) Club Med. Pour qui il fera trois saisons en Turquie, où il a créé des spectacles de cirque.

Au fil des rencontres, de sacrifices et de travail, il intègre l’École nationale de cirque de Montréal au Québec. La crème de la crème pour les arts du cirque dans le monde. Mais tout n’a pas été facile : « Je n’avais pas beaucoup d’argent, c’est un de mes potes qui s’est porté garant pour mon prêt à la banque, car ma mère ne pouvait pas m’aider. Parfois, je ne mangeais pas à ma faim, alors que je m’entraînais huit heures par jour et qu’il faisait - 40 degrés. »

Intuition, bluff et soutien

Maintenant, il pratique les sangles aériennes, une discipline exigeante, de Las Vegas à Paris pour le prestigieux Cirque du Soleil : «Avoir un solo dans ce cirque… Il y a peut-être quatre ou cinq personnes au monde qui ont cette chance. Jamais je n’aurais rêvé ça. Mais j’ai réussi. C’est pour ça que mon but, c’est de passer le flambeau aux gamins. Personne ne croit en toi ? Moi, je te donne mon expérience, mes contacts. Mais bouge-toi !»
Ses seuls conseils pour réaliser son rêve tiennent en trois points : l’intuition, le bluff et savoir demander de l’aide à ses proches. «L’intuition, explique Jérôme, c’est savoir se dire “Je ne suis pas heureux dans ce que je fais, j’arrête” ; le bluff, c’est se savoir capable de réaliser quelque chose sans l’avoir fait avant.»

Jérôme, l’enfant qui est passé de Belleroche aux scènes de Las Vegas, termine en se livrant : «En fait, mon rêve c’est de faire voyager ma maman qui n’était jamais sortie de Villefranche. D’aller faire les magasins, avec elle, sans regarder les prix. Et ça nous fait du bien.»

Tanguy LYONNET

A show poster of Kellar and 3 red devils
A poster of Kellar levitating a woman in a red dress
A poster of Kellar levitating a woman in a pink dress
A photo of Kellar

De reine de beauté à Tarare
à baroudeuse au bout du monde

La Tararienne Joanna Carton, 28 ans, a été élue reine de quartier et 2e dauphine de la reine des Mousselines en 2010. Depuis, elle est devenue professeur des écoles. Elle a aussi décidé, accompagnée de son conjoint Boris, de partir à l’autre bout du monde, en Amérique du sud pendant six mois.

Depuis quand avez-vous ce projet incroyable en tête ?

« L’idée de ce grand projet de voyage est née il y a environ un an et demi. Mais je ne savais pas encore si j’allais pouvoir partir. Tout allait dépendre de l’Éducation nationale. Nous sommes partis le 6 février et rentrons le 16 août. J’ai pris un mi-temps annualisé. J’ai souhaité faire profiter mes élèves de mon expérience. Il était inconcevable de partir du jour au lendemain. Avec mon collègue, nous avons fait un projet de classe autour de l’Amérique du sud. Je tiens un blog pour ma classe, afin de partager mes aventures avec eux. Nous faisons aussi des Skype régulièrement. »

Quel est votre programme ?

« N’ayant que six mois, nous avons décidé de nous limiter à l’Amérique du sud. Nous préférons nous concentrer sur cette partie du continent plutôt que de faire un tour du monde en accéléré et de tout survoler. Après la Patagonie, nous avons décidé de remonter toute la cordillère des Andes, jusqu’en Colombie. Nous resterons donc essentiellement à l’ouest de l’Amérique du sud. »

Qu’avez-vous déjà visité et combien de pays allez-vous traverser ?

« Nous allons traverser sept pays, l’Argentine, le Chili, la Bolivie, le Pérou, l’Équateur, la Colombie et pour finir, la région de Rio, au Brésil. Nous allons faire environ 15 000 kilomètres. »

Ce qui vous a le plus marqué ?

« Tout d’abord, l’ascension du volcan Villarrica au Chili, le plus actif d’Amérique du sud. C’était hors du commun, difficile physiquement et émotionnellement. Il y a eu aussi le trek W, au sud de la Patagonie chilienne, un trek de cinq jours. Je me dois également de citer le plus grand désert de sel au monde, le Salar d’Uyuni, en Bolivie. Lorsqu’il est recouvert d’eau, l’horizon disparaît, tout se reflète dans l’eau. »

Comment devient-on baroudeur après avoir été reine ?

« Pour faire ce voyage, j’ai troqué mes talons pour des chaussures de rando. Il y a neuf ans, en tant que reine de quartier des Mousselines, j’étais bien loin de tout ça. Depuis, j’ai fait quelques voyages qui m’ont donné le goût de l’aventure et de la découverte. »

Recueilli par notre correspondante,
Cécile TASONIERO

La Mère Brazier,

un rêve devenu réalité pour Mathieu Viannay

Ce rêve, Mathieu Viannay l’a réalisé en mars 2008, quand il achète le restaurant La Mère Brazier, rue Royale, à Lyon.
« Pour en arriver là, j’ai dû franchir les étapes une à une », explique-t-il. Né à Versailles le 14 juillet 1967, il vient travailler à Lyon et achète son premier restaurant Les Oliviers, en 1998, à 31 ans. « Ce fut la première marche de mon rêve un peu fou. » En 2001, deuxième marche : il remplace Les Oliviers par un restaurant portant son nom, Mathieu Viannay. En 2004, il devient Meilleur ouvrier de France, puis obtient une étoile au Michelin, en 2005. « Petit à petit, je me rapprochais de mon rêve avec un restaurant et une étoile. » En 2008, quand Mathieu apprend qu’il y a une opportunité d’acquérir La Mère Brazier, il sait qu’il peut atteindre le rêve de ses 18 ans. « La Mère Brazier est un restaurant mythique, où se sont succédé hommes politiques et personnalités lyonnaises et étrangères. C’était un honneur et une fierté de reprendre cette adresse renommée, c’était aussi un challenge. » Un an à peine après avoir investi les lieux, la deuxième étoile vient couronner le travail de Mathieu, désormais à la tête d’un restaurant doublement étoilé avec… une histoire !
Gisèle LOMBARD

Il est parti à Mayotte
construire son propre voilier

« J’ai les poissons, les tortues et les dauphins à mes côtés quand je fabrique mes meubles. » À bientôt 55 ans, Nicolas Hilly, a réalisé son rêve : construire son propre bateau. Ce menuisier vit aujourd’hui à bord de son voilier, sur les eaux de l’océan Indien. Un rêve d’enfant. Il quitte l’agglomération lyonnaise à l’âge de 26 ans pour s’installer à La Réunion. Une étape avant de faire escale quelques années à Madagascar, sur l’Île Sainte-Marie, pour finalement rejoindre Mayotte. « J’ai réussi à construire mon premier bateau en 2000, il s’appelait le Nomade. Ce n’était pas encore le bateau de mes rêves, mais il m’a permis de bosser. J’emmenais les touristes voir les baleines ! »

Un voilier de 60 tonnes et 18,50 mètres de long

C’est à Brest, en 2004, qu’il trouve le modèle parfait. « C’est un dundee langoustier de Camaret des années 1900, un voilier de travail », précise Nicolas Hilly. Il débute la construction du bateau, en 2006, à Mayotte, sur la plage du village M’Zouazia. Nom qu’il donne à son voilier. «C’est un hommage au village et à tous ses habitants qui m’ont accueilli et aidé.» Il construit globalement seul ce voilier. Un chantier titanesque de 60 tonnes, 18,50 mètres de long et de hauteur. Pour les 113 m3 de bois utilisés, il choisit lui-même, dans la Creuse, 120 chênes et 30 mélèzes ! M’Zouazia est enfin mis à l’eau en 2011 après six tentatives. «Mon rêve était de vivre à bord d’un bateau, mais certaines fois, je me demande ce que j’ai fait !» Aujourd’hui, s’il a repris son métier de menuisier, ce père de sept enfants espère bientôt pouvoir se rapprocher des siens. «J’aimerais rejoindre l’Europe pour voyager avec mes plus jeunes enfants et leur faire l’école à bord du bateau afin de découvrir le monde autrement.»

Alexis TAYEB