L'OL champion il y a 20 ans


LES SUPPORTERS REFONT LE MATCH

C'était il y a 20 ans. Le 4 mai 2002, les supporters de l'Olympique lyonnais ont sans doute vécu leur plus beau moment de foot. Après une première Coupe de la Ligue glanée en 2001, les joueurs ont remporté la saison suivante le premier championnat de France de leur histoire et ainsi marqué à l'encre rouge et bleu des générations de fans. Dans ce dossier, Le Progrès vous propose de revivre les dernières 24 heures de cet épilogue à suspense (Lyon-Lens, 3-1), sublimé par les souvenirs et anecdotes des supporters. Heure par heure, nous remontons le fil de cette journée unique, gravée à jamais dans les mémoires.

Par Thibaut DALEGRE et Hugo PONCET

Partie 1

Lyon - Lens: l'avant-match

4 mai 2002 : 4h du matin

"On a campé devant la billetterie en plein milieu de la nuit pour choper des places"

🔴🔵 En 2002, Martin a 22 ans, il est encore étudiant et vit dans le 5e arrondissement de Lyon.

"Je n’étais pas abonné, mais j’allais régulièrement au stade. Fan de l’OL depuis 1989, ayant connu l’ascension des années Aulas, je ne pouvais pas manquer ce moment historique.

Les jours précédant le match, il était devenu impossible de trouver une place. Et puis le club en a remis en vente le matin du match. Une occasion qu'il ne fallait pas manquer.

5 heures de patience pour obtenir
le précieux sésame

Alors avec des amis, on s’est levé en plein milieu de la nuit pour aller camper devant la billetterie. On a dû arriver sur place vers 4 heures du matin. Le pire, c’est qu’on n’était même pas les premiers. Il y avait déjà une petite queue devant nous. On a dû attendre 4 ou 5 heures avant l’ouverture de la billetterie pour obtenir le précieux sésame. Il fallait être motivé pour faire ça, mais c’était notre cas. Ce qui est sûr, c’est qu’on n’a pas regretté.

Ensuite, on a passé la journée dans les rues de Lyon. On était habillé comme il se doit. Je me souviens avoir rencontré pas mal de supporters lensois. J’avais été marqué par leur bienveillance, qui n’est pas une légende."

4 mai 2002 : 10h

"Dès le matin, j’installais les tifos dans le virage Nord"

🔴🔵 Emmanuel Lahaye a 22 ans en 2002. Il cherche du travail à l’époque. Une seule chose l’anime : l’Olympique lyonnais. Il est abonné en virage Nord depuis quelques années.

“C’était la semaine d’un potentiel titre, donc, nous, les Bad Gones, nous voulions marquer le coup. On a bossé sur les tifos toute la semaine. On s’est relayé jusqu’au vendredi soir. Et le samedi, dès 10 heures du matin, on était en train de les installer.

Ensuite, on a passé la journée au stade en attendant le match, à se raconter des anecdotes sur l'OL autour d'un verre pour faire face à la douceur de la météo. On se réchauffait comme on pouvait.

"Il ne pouvait rien nous arriver"

Il y avait un mélange de stress et d’excitation. Mais c’était un stress positif. On sentait qu’il ne pouvait rien nous arriver.”

4 mai 2002 : 15 h

"On a collé 6-1 aux Lensois dans un match des supporters"

🔴🔵 En 2002, Cyrille Frey vit à Rochefort, en Charente-Maritime. Il fait partie du groupe de supporters des Hexagones, des Lyonnais exilés. Il va voir l’OL dès qu’il le peut, à Gerland ou ailleurs. Il est aujourd’hui responsable de la Ligue pour la protection des oiseaux dans le Rhône.

“On avait organisé un OL-Lens entre supporters des deux clubs quelques heures avant le vrai match. D’un côté, nous, le groupe Hexagones, les supporters de l’OL qui ne vivent pas à Lyon, et les Lensois Online, nos équivalents. On avait noué des liens avec eux lors de la première journée de cette saison, au stade Bollaert.

"L’habit ne fait pas le moine"

On devait faire un pique-nique au parc de Gerland, finalement annulé à cause de la météo. Puis nous les avons affrontés au stade des Channées, vers 15 heures, dans une rencontre à 11 contre 11.

On était un peu juste. On a dû emprunter deux ou trois joueurs au FC Gerland. En face, ils avaient une équipe complète, avec tous le même maillot. Alors que nous, c’était beaucoup plus hétéroclite. Mais ça n’a pas suffi. On leur avait quand même collé 6-1. Comme quoi, l’habit ne fait pas le moine. 

Supporters lyonnais et lensois réunis sur une photo. Document fourni par Hexagones

Supporters lyonnais et lensois réunis sur une photo. Document fourni par Hexagones

Supporters lyonnais et lensois réunis sur une photo. Document fourni par Hexagones

Autour de nous, il y avait des locaux qui faisaient des bonds quand on marquait comme si c’était le vrai match. Dominique Blanchard (journaliste, ndlr) avait commenté : “Pour ce soir, la moitié, ça me suffit”. C’était bien vu ! 

Ensuite, on s’est séparé des Lensois. On a d’ailleurs plus eu de liens avec eux. Sûrement le goût saumâtre de la soirée qu’ils ont vécue ensuite.”

Cyrille Frey sur la pelouse de Gerland après le succès lyonnais. Photo fournie par Cyrille Frey

Cyrille Frey sur la pelouse de Gerland après le succès lyonnais. Photo fournie par Cyrille Frey

Cyrille Frey sur la pelouse de Gerland après le succès lyonnais. Photo fournie par Cyrille Frey

Alexandre et ses amis sous leur abribus fétiche. Photo fournie par Alexandre

Alexandre et ses amis sous leur abribus fétiche. Photo fournie par Alexandre

4 mai 2002 : 16 h

"Rosette, grattons... On s'est fait un gueuleton 100% lyonnais"

🔴🔵 En 2002, Alexandre a 27 ans. Avec ses amis, tous abonnés en virage Nord, ils ont coutume de se rejoindre quelques heures avant les matches devant un abribus de la rue de Gerland. Ils forment le KopAbribus.

"Habituellement, on se retrouve une heure et demie ou deux heures avant le match. Ce jour-là, on y était quatre heures avant. On s’est fait un gueuleton 100% lyonnais : de la rosette, des grattons, du fromage de la Mère Richard, des tartes à la praline…

Bouteilles ouvertes, bouteilles englouties

Pour accompagner tout ça : des bouteilles de Beaujolais. La personne préposée à apporter le tire-bouchon l'avait oublié. On a dû aller au bar d’en face pour en demander un. Pour ne pas les embêter toutes les cinq minutes, on a fait ouvrir toutes les bouteilles d’un coup. On a donc été obligés de les boire.

Ce jour-là, on sentait qu’il y avait une effervescence. Les bars autour du stade étaient bondés de monde."

Les tribunes du stade de Gerland se sont vite garnies. Photo Progrès/Richard MOUILLAUD

Les tribunes du stade de Gerland se sont vite garnies. Photo Progrès/Richard MOUILLAUD

Les tribunes du stade de Gerland se sont vite garnies. Photo Progrès/Richard MOUILLAUD

4 mai 2002 : 17h

"C'était le jour de mes 10 ans, on devait aller dans un bar mais mes parents m’ont fait la surprise d'aller au stade"

🔴🔵 Le 4 mai 2002, Alexandre Régal fête ses 10 ans. Il habite aujourd'hui à Aix-en-Provence où il réalise une thèse sur le droit du travail. Malgré la distance, il est toujours abonné au stade, mais ne revient que pour les grands rendez-vous.

"On était chez mes parents à Vernaison. Les places étaient introuvables, donc mes parents m’avaient promis de m’amener regarder le match en ville dans un bar. Pour l’occasion, je me suis paré de rouge et bleu des pieds aux cheveux. Ma mère étant coiffeuse, elle m’avait teint la tête.

Pendant la préparation, ma mère a fait une petite boulette que je n’ai pas relevée. Elle a dit : ''On ne peut pas prendre de bouteille car c’est interdit au stade.'' Avant d’enchaîner : ''Ah mais on ne va pas au stade, c’est vrai''. J’étais un gamin de 10 ans, je n’ai pas fait attention.

Cachées dans la poche de son père: quatre places pour le match

On part donc en voiture vers le centre-ville. On se gare assez proche du stade, je trouve ça un peu bizarre, mais je passe vite à autre chose. Une fois garés, est venu le moment qui restera gravé à vie dans ma mémoire. Mon père me demande ce qu’il a dans sa poche avec un air malicieux. Je cherche et trouve… quatre places pour assister au match avec mes parents et ma sœur.

Photo fournie par Alexandre Régal

Photo fournie par Alexandre Régal

Photo fournie par Alexandre Régal

Comme si cela ne suffisait pas, avant de nous rendre au stade, nous avons fait un passage par la boutique. Mes parents m'ont acheté mon premier maillot de l'OL, le blanc historique. Je me souviens que ma sœur avait choisi un maillot d’entraînement. Quelle idée !

Photo fournie par Alexandre Régal

Photo fournie par Alexandre Régal

Photo fournie par Alexandre Régal

Depuis, je n’ai pas vécu d’événement sportif aussi fort alors que j’ai vu tous les gros matches de l’OL qui ont suivi. Je ne sais pas comment j’aurais pu mieux commencer ma vie de supporter de l’OL. Je suis encore jeune, mais c’est un des plus beaux souvenirs de ma vie."

Tous les maillots de l'OL collectionnés par Alexandre. Photo fournie par Alexandre Régal

Tous les maillots de l'OL collectionnés par Alexandre. Photo fournie par Alexandre Régal

Tous les maillots de l'OL collectionnés par Alexandre Régal. Photo fournie par Alexandre Régal

Alexandre le jour de ses 10 ans. Photo fournie par Alexandre Régal

Alexandre le jour de ses 10 ans. Photo fournie par Alexandre Régal

Alexandre le jour de ses 10 ans. Photo fournie par Alexandre Régal

4 mai 2002 : 17h30

"Je fais un tonneau en voiture mais impossible de manquer le match"

🔴🔵 23 ans à l’époque. Abonné depuis des années avec ses frères, d’abord en Jean-Bouin puis en virage Nord, encore aujourd’hui. En 2002, il travaille dans les assurances. Désormais, il est responsable d’un camping à Mornant.

"J’avais mis ma moto en vente sur le 69, le Paru vendu d’aujourd’hui. Ce matin du 4 mai, une personne me contacte et veut la voir dans la journée mais ma batterie était un peu faible, il fallait que j’en trouve une autre. Je suis parti tambour battant pour en trouver une. Je me rappelle qu'il pleuvait des cordes ce jour-là.

La Saxo sur le toit

Je rentre sur l’A7 au niveau de Pierre-Bénite, je m’insère. Un ralentissement, ça freine. Devant moi, la voiture pile. Je mets un coup de volant, j’avais une Saxo, ma première voiture. Je suis parti en dérapage, j’ai tapé le mur, je me suis retourné et j'ai fini sur le toit. J’ai fait un petit tonneau.

Je suis sorti de la voiture tout seul. Très vite, les pompiers sont arrivés, ils voulaient m’emmener à l’hôpital car j’avais des coupures avec le verre cassé, un peu mal au cou. J’ai dit non, non, c’est impossible, je dois aller au match ce soir. Il était vers 17h30, 18 heures. Si je vais à l’hôpital, je ne serai jamais à l’heure pour Lyon-Lens. J’ai refusé d’aller avec les secours.

"C’est le seul accident que j’ai eu dans ma vie, même en faisant du rallye"

J’ai appelé un pote et il est venu me chercher à la sortie de l’autoroute. Ils ont insisté, ils m’ont fait monté dans l’ambulance, les flics m’ont fait souffler. J’ai expliqué la situation à un pompier et il m’a laissé y aller, les autres ne voulaient pas. C’est le seul accident que j’ai eu dans ma vie, même en faisant du rallye."

Photo fournie par P.D.C

Photo fournie par P.D.C

Pierre-Dominique a bien assisté au match et a même fait partie des supporters ayant envahi le terrain. Il est d'ailleurs reparti avec un bout de pelouse.

4 mai 2002 : 19h15

"100 € la place au black, le meilleur investissement de toute une vie"

🔴🔵 En 2002, Alexandre Peyrat est un artisan de 23 ans. Il habite Monplaisir dans le 8e arrondissement de Lyon. Il vit aujourd’hui à Montréal au Canada et continue à suivre les matches de l’OL malgré le décalage horaire.

"J’étais abonné depuis deux ans avec ma copine. Quand je suis arrivé au stade, j’ai aperçu quelqu’un qui vendait des places au “black”. Un ami à moi n’avait pas réussi à avoir de billet pour le match. Je l’appelle directement et lui dis : “Seb, un type vend des places devant le stade. Elles sont un peu chères, elles coutent 100 euros, mais tu ne peux pas louper ce match”. Il a pris le métro en vitesse et nous a rejoints.

"Il n'a pas regretté une seule seconde"

Au final, ça a été les 100 euros les mieux investis de toute sa vie. On en reparle encore aujourd’hui. Il n'a pas regretté une seule seconde. Cette ambiance d’avant-match m’avait frappé. C’était électrique. Ça sentait le souffre."

Partie 2

Le match

Lyon 3 - Lens 1

"Sur les buts, on a senti une poussée incroyable. On n'avait pas besoin de courir vers le bas de la tribune, on était en lévitation. Malgré le fait qu’on faisait tous 90 kilos, on s’est fait emporter par la foule, c’était fou."
Martin, supporter de l'OL

Avant l'ultime rencontre du championnat, Lyon est deuxième, un point derrière son adversaire du soir Lens, en tête la majorité de l'exercice. L'OL est donc dans l'obligation de l'emporter pour être sacré.

Les Olympiens qui n'ont pas tremblé, bien emmenés par Sidney Govou, Philippe Violeau et Pierre Laigle, les trois buteurs. Score final : 3-1, synonyme de titre et de bonheur absolu. La consécration dans un stade de Gerland incandescent, porté tout au long de la rencontre par la transe de ses plus de 40.000 spectateurs.

4 mai 2002 : 20h

"On s’est retrouvé, à deux filles, au milieu du virage Nord"

🔴🔵 En 2002, Magali Theodose est une étudiante en marketing de 21 ans. Elle n’est pas une fan inconditionnelle de l’OL. Mais ce match, ce titre, va contribuer à lui faire aimer le club.

"J’étais au stade avec une amie, qui avait eu des places parce qu’elle était en stage à l’OL. Ce n’était pas ma première fois au stade, mais c’était impressionnant. On s’est retrouvé, à deux filles, au milieu du virage Nord.

"Ambiance électrique mais bon enfant"

Mon copain de l’époque n’avait pas réussi à avoir de places, je l’avais laissé à la maison. Il l’avait mauvaise.

Les souvenirs du match, j’en ai peu. C’est surtout l’ambiance qui m’a marquée. C’était à la fois électrique et bon enfant. C’était juste une grande fête, tout le monde savourait ce moment magique."

4 mai 2002 : 20h30

"Fumigènes, banderoles, chants... c'était l'euphorie sur la place Bellecour"

🔴🔵 Bertrand Leberche est un étudiant lyonnais de 19 ans en 2002. Il n'a pas réussi à avoir de places pour Gerland. Il s'est rabattu sur la place Bellecour, où la rencontre était diffusée sur un écran géant.

"Avec mon père et mon frère, on s’était demandé où on allait regarder le match. On penchait pour Canal + à la maison. Puis on a appris l’existence d’un grand écran. On est arrivé sur la place Bellecour relativement tôt, vers 18h30 je dirais, 1h30 avant le début du match. Il y avait déjà pas mal de monde. Ça commençait doucement à chanter.

On s’est vite perdu dans la foule avec mon père et mon frère. J’ai passé le match au cœur de la fosse. L’ambiance ressemblait à celle d’un stade ou d’un concert. Un fumigène a été craqué avant le début du match par exemple. Tout le monde était habillé. Certains avaient des banderoles. C’était sympa. Les gens étaient très serrés les uns contre les autres, et ils avançaient comme s'ils voulaient entrer dans l'écran.

"C’était pas facile d’apercevoir l’écran géant"

Par contre, on ne voyait pas grand-chose. Moi qui ne suis pas très grand, avec les gens qui sautaient, c’était pas facile d’apercevoir l’écran géant. Je me souviens avoir longtemps vu la nuque des personnes devant moi. Au premier but, ça sautait de partout, c’était la folie.

La place Bellecour en ébullition sur le premier but lyonnais, signé Sidney Govou. Photo Progrès/Joël PHILIPPON

La place Bellecour en ébullition sur le premier but lyonnais, signé Sidney Govou. Photo Progrès/Joël PHILIPPON

La place Bellecour en ébullition sur le premier but lyonnais, signé Sidney Govou. Photo Progrès/Joël PHILIPPON

Après le 2e, on a commencé à chanter, “on est les champions”. Pour être franc, le 3e but, je ne l’ai même pas vu tellement ça bougeait de partout. Et puis, la foule s’est excitée une 4e fois. J’ai cru que c’était un autre but, mais non, c’était le coup de sifflet final. On venait d’être sacré champion. 

"Les gens étaient tellement euphoriques, je ne sais pas s’ils sentaient la pluie tomber"

Une pluie fine tombait ce jour-là. Par contre, à aucun moment, ça n'a gâché la fête. Les gens étaient tellement euphoriques, je ne sais pas s’ils sentaient l’eau tomber.

La foule en délire place Bellecour. Banderoles et fumigènes sont de sortie. Photo Progrès/Joël PHILIPPON

La foule en délire place Bellecour. Banderoles et fumigènes sont de sortie. Photo Progrès/Joël PHILIPPON

La foule en délire place Bellecour. Banderoles et fumigènes sont de sortie. Photo Progrès/Joël PHILIPPON

Un journaliste anglais m’a interrogé à la fin du match avec un microphone. Je n’avais plus de voix, je sais pas s’il a compris ce que je lui ai dit. Il m’a demandé si j’avais douté lors de la réduction du score, si j’avais eu peur de ne pas être champion. “Pas du tout”, je lui avais répondu. J’étais tellement à l’aise."

4 mai 2002 : 21h50

"J'avais 13 ans, j'ai échangé mon écharpe avec un supporter lensois grâce à un CRS"

🔴🔵 A l'époque, il a 13 ans et vit à Lyon 5e et jouait au Lyon ouest sporting club (Losc). Aujourd'hui à Fréjus, il travaille comme électricien.

"J’étais avec mon père et un ami. J'avais un maillot floqué Anderson, et mon écharpe, qui a fini échangée avec un supporter lensois.

L'écharpe du supporter lensois récupérée par Mikhail. Photo fournie par Mikhail

L'écharpe du supporter lensois récupérée par Mikhail. Photo fournie par Mikhail

L'écharpe du supporter lensois récupérée par Mikhail. Photo fournie par Mikhail

Ils ont été très sympathiques car ça s’est passé vers la fin, quand on gagnait 3-1. Ce moment-là, il est resté bien ancré. Malgré qu’ils aient perdu le championnat, ils ont été très courtois.

Il y avait deux plexiglas entre les tribunes. On parlait avec le supporter lensois avec des gestes, avec les CRS entre nous. Du coup, c’est le CRS qui a fait l’échange d’écharpes. Il a été sympa, il s’est déplacé pour échanger. C’était juste avant qu’on descende sur la pelouse."

4 mai 2002 : 21h55

"J'étais stadier et pour ce genre d'envahissement de terrain, on ne peut rien faire"

🔴🔵 En 2002, Djamel Serrour est agent de sécurité. Il a 28 ans à l'époque. "J'étais jeune et mince" se souvient-il. Le 4 mai, il fait partie des 500 stadiers à Gerland.

"Je travaillais pour une société privée en charge de la sécurité de l’Olympique lyonnais. On s’occupait de sécuriser les matches à Gerland, mais aussi les entraînements, les soirées privées… tout ce qui était en rapport avec l’équipe professionnelle. Le 4 mai, je m'occupais des abords de la zone vestiaires, mais pas que.

Du cordage était prêt à être déployé

Toute la semaine avait été particulière. Plusieurs entraînements avaient été organisés à huis clos. C’était toujours assez tendu. Il ne fallait pas qu’il y ait une tête qui dépasse. Personne ne devait rien voir à ce que préparait Jacques Santini. On sentait une sacrée tension.

Djamel Serrour, à gauche, en charge de la sécurité du Brésilien Edmilson. Photo fournie par Djamel Serrour

Djamel Serrour, à gauche, en charge de la sécurité du Brésilien Edmilson. Photo fournie par Djamel Serrour

Djamel Serrour, à gauche, en charge de la sécurité du Brésilien Edmilson. Photo fournie par Djamel Serrour

On avait prévu un envahissement de la pelouse. Un petit “V” avait été préparé pour éloigner un peu le public. Notre travail, c’était surtout de récupérer les joueurs sur la pelouse. Du cordage était prêt à être déployé. Tout était prévu en amont, on avait des consignes.

"Quand ça pousse trop, ça pousse trop!"

Pour ce genre d’envahissement, on ne peut rien faire. Quand ça pousse trop, ça pousse trop ! Mais, c’était bienveillant.

Les stadiers assurent la sécurité des joueurs lors de la fin de la rencontre. Photo Damien LEPETITGALAND

Les stadiers assurent la sécurité des joueurs lors de la fin de la rencontre. Photo Damien LEPETITGALAND

Les stadiers assurent la sécurité des joueurs lors de la fin de la rencontre. Photo Damien LEPETITGALAND

L’ambiance, c’était le feu ! Il n’y a pas de mots qui peuvent qualifier cette magie. Après la rencontre, je me souviens de l'abattement des Lensois qui contrastait avec toute la joie de Gerland. Le défenseur du RCL Valérien Ismael était en larmes, inconsolable dans les vestiaires."

Dès le coup de sifflet final, énormément de supporters ont envahi la pelouse pour célébrer ce premier titre. Photo Damien LEPETITGALAND
Photo Progrès/Damien LEPETITGALAND

Filets découpés, pelouse arrachée... Ils ont envahi la pelouse

Les trois coups de sifflets retentissent dans le stade de Gerland. Il est à peu près 21h50. Les fans peuvent exulter, l'OL est officiellement champion, pour la première fois de son histoire.

"On a vu que la grille pour aller sur le terrain s’ouvrait, on a suivi, on est allé sur la pelouse, comme tout le monde, se remémore Mikhail. Des mecs montaient sur les poteaux et sur la transversale pour couper des morceaux de filets."

Parmi eux, Alexandre du KopAbribus : "On avait ni ciseau, ni couteau, c’était pas évident, raconte-t-il. Alors, on a brûlé les filets au briquet. Ce bout de filet, je l’ai conservé. Il trône dans mon petit local dédié à l’OL avec l’article du Progrès du lendemain. L’idée, c’était d’essayer de ramener un souvenir. Certains arrachaient des bouts de pelouse."

En haut à gauche, le bout de filet conservé par Alexandre, avec la Une du Progrès au lendemain du titre lyonnais. Photo fournie par Alexandre

En haut à gauche, le bout de filet conservé par Alexandre, avec la Une du Progrès au lendemain du titre lyonnais. Photo fournie par Alexandre

En haut à gauche, le bout de filet conservé par Alexandre, avec la Une du Progrès au lendemain du titre lyonnais. Photo fournie par Alexandre

"Presque l'impression d'être un joueur"

Magali a aussi récupéré son carré d'herbe : "On savait que ce n’était pas bien, mais cette euphorie qu’on ne connaissait pas nous a fait faire des choses qu’on ne fait pas tous les jours."

"Entrer sur le terrain, c’est un souvenir incroyable, se souvient Martin. Dans l’euphorie, avec la lumière des projecteurs, devant 45 000 personnes, on avait presque l’impression d’être un joueur".

"Fumer un cigare, couché sur la pelouse"

Un moment rare, privilégié qu'Alexandre Peyrat a immortalisé à sa manière: "Fumer un cigare, couché sur la pelouse de Gerland, ça restera gravé dans ma mémoire à vie. Ensuite, on a perpétué la tradition après chaque titre. On l’a même fait au stade de l’Abbé Deschamps à Auxerre, en 2008, lors du 7e titre. Mais on nous avait virés rapidement cette fois-là."

Partie 3

La fête

4 mai 2002 : 23h30

"Les gens dans la fontaine des Terreaux, c’était impressionnant"

🔴🔵 En 2002, Rémy a 10 ans. Il vient au stade depuis déjà quatre saisons. Ce soir de printemps-là, il a vécu le plus grand moment de sport de sa vie.

"J’avais 10 ans à l’époque. J’avais été au match avec ma mère et mon frère. Pour avoir les places, c’était l’enfer, je me souviens. On les avait eues par téléphone. Il fallait rester en ligne toute une journée pour espérer en choper.

Après la fête au stade, nous étions partis vers les Terreaux. Je me souviens du métro qui était blindé. Il tremblait au rythme des chants de supporters comme « Qui ne saute pas n’est pas Lyonnais ».

"Jamais ça ne sera aussi intense"

Une fois arrivé aux Terreaux, j’avais été scotché par l’ambiance. Il y avait énormément de monde, la place était pleine à craquer. Les Lyonnais chantaient à tue-tête.

Les Lyonnais, en furie, grimpent sur la fontaine Bartholdi de la place des Terreaux. Photo Progrès/Joël PHILIPPON

Les Lyonnais, en furie, grimpent sur la fontaine Bartholdi de la place des Terreaux. Photo Progrès/Joël PHILIPPON

Les Lyonnais, en furie, grimpent sur la fontaine Bartholdi de la place des Terreaux. Photo Progrès/Joël PHILIPPON

Quand les joueurs sont arrivés sur le balcon, il y avait des fumigènes, des gens dans la fontaine, c’était impressionnant. Ça m’a vraiment marqué.

C’était le premier titre, quoi qu’il arrive aujourd’hui, ça ne sera jamais aussi intense. Le scénario était insensé."

Maillot, journal, ticket, bout de filet récupéré... Rémy a conservé précieusement tous les souvenirs qu'il lui reste de ce 4 mai 2002. Photo fournie par Rémy

Maillot, journal, ticket, bout de filet récupéré... Rémy a conservé précieusement tous les souvenirs qu'il lui reste de ce 4 mai 2002. Photo fournie par Rémy

Maillot, journal, ticket, bout de filet récupéré... Rémy a conservé précieusement tous les souvenirs qu'il lui reste de ce 4 mai 2002. Photo fournie par Rémy

4 mai 2002 : 23h59

"Je devais travailler à Paris, alors j'ai enregistré le match sur VHS et l'ai regardé à minuit"

🔴🔵 Originaire de l’Ain mais habite à Paris, supporter exilé. 35 ans à l’époque. Il fait partie d’une association de Lyonnais exilés qui vont voir les matches ensemble dans des bars.

"Je travaillais dans le métro à Paris donc j’avais des horaires atypiques, de matin, de nuit… Ce soir-là, je bosse, je n’ai pas réussi à faire autrement donc j’enregistre le match sur VHS. Comme ça, quand je rentre vers minuit, je le regarde comme si j’étais en direct. J’ai un bon copain Denis, supporter de l’OL, je l’avais interdit de m’appeler quoiqu’il arrive, tu me dis rien. Au boulot, je savais que personne n’allait en parler, dans les rues de Paris, j’avais peu de chance de voir des gens crier. Le seul truc, c’était Denis : il va jamais tenir ! Il va craquer, il va m’appeler forcément.

C'était le gros stress pendant le boulot. Ça peut être le plus beau jour de ma vie de supporter, après la remontée en D1. J’essaye de ne pas trop y penser mais c’est impossible, je me fais le match dans la tête…

"Ma femme va me retrouver raide mort le lendemain"

Je rentre chez moi, tout le monde dort. Je regarde le match comme si c’était en direct. Jusqu’à la 83e minute. Là, j’en peux plus, je vais tomber par terre devant ma télé, ma femme va me retrouver raide mort le lendemain. Je commence à accélérer sur le magnétoscope, une minute, deux minutes… Et après, j’ai craqué, j’ai accéléré pour voir la fin et pour voir qu’on était champion. J’ai tenu 83 minutes quand même !

Mon grand regret, c’est que je n’appelle pas mon pote car il est très tard et qu’il travaille tôt le matin. Je n’ai pas vraiment pu partager ça avec d’autres personnes. Je n’ai rien fait de spécial mais j’étais excité et après je suis allé me coucher. C’est le petit bémol, je vis ça tout seul. Le lendemain, dès que je me suis réveillé, j’ai appelé Denis et on est allé boire un coup ensemble pour fêter ça."

5 mai 2002 : 1h du matin

"On était vraiment dans l'intimité": nos photographes au plus près de la fête

🔴🔵 En 2002, Richard Mouillaud et Damien Lepetitgaland sont tous les deux photographes pour Le Progrès, en charge de raconter cette finale en images. Ils vivent le titre aux côtés de l'équipe. Des instants uniques qu'ils racontent en vidéo.

La nuit a été un mélange de folie et de moments de retour à la réalité. Le club avait réservé une discothèque sur les quais du Rhône. La fête fut totale sur fond de danseuses brésiliennes.

Avant ça, nos photographes Richard Mouillaud et Damien Lepetitgaland étaient au bord du terrain pour la délivrance. Ils expliquent comment ils se sont répartis le travail. "Je me rappelle que très vite, la foule a envahi le terrain et après, il n'y a plus rien à faire, les joueurs, on ne les voit plus."

"Même Gérard Collomb fume le cigare"

Les photographes ont également eu la chance de pénétrer dans les vestiaires et ont assisté à des scènes surréalistes : Jean-Michel Aulas et Jacques Santini lancés dans le grand bain de Gerland, des joueurs en feu...

Attendus sur le plateau de Téléfoot le dimanche matin

La suite de la soirée s'est poursuivie en boîte de nuit, sur la péniche Le Fish. Les photographes ont capturé des images de Jean-Michel Aulas lançant les pas de danse, avec ses copains dirigeants, au milieu des danseuses brésiliennes.

Au bout de la nuit, les joueurs affichèrent une endurance de champions. Il le fallait car les plus « valides » devaient répondre à l’invitation de « Téléfoot », le dimanche matin à Gerland. Dure la vie d’artistes.