La rue Saint-Jean

pavée de bonnes intentions

Photo Joël Philippon

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Empruntée chaque jour par des milliers de passants -touristes et habitants de la ville- la plus célèbre artère du Vieux-Lyon compte quelques étapes dignes de ce nom. De nobles édifices en boutiques insolites, visite guidée au cœur d'une rue qui n'a pas toujours eu la cote.

Photo Joël Philippon

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Au n°4

Mandelines :

le savon dans la peau

Photo Joël Philippon

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Dans son laboratoire de poche, moins de 10 m2 tassés à l’arrière de sa boutique, Delphine Ortiz prépare ce jour-là un gommage corps et visage café-sucre. Tout en dosant avec une précision extrême les ingrédients (du café et du sucre donc, mais aussi des huiles de macadamia, de jojoba et d’amande douce), la gérante des savons de Mandelines garde un œil sur le magasin à peine plus grand qu’elle occupe depuis juin 2014. Et s’interrompt si un client franchit le seuil.

Photo Joël Philippon

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Jusqu’en juin dernier, cette ancienne salariée du journal de petites annonces Paru Vendu, fabriquait aussi ses propres savons sur place, dans cet espace réduit mais vitré qui permettait aux passants de la voir travailler. « Quand un client rentrait, j’étais parfois à un moment crucial du processus de fabrication mais je ne laissais pas apparaitre le stress » raconte cette quadragénaire qui a « profité » d’une vague de licenciement chez son ancien employeur pour entamer une deuxième vie professionnelle. Elle a du coup mis en place un nouveau mode d’organisation avant l’été. « J’ai déménagé en Ardèche et je loue un appartement de 70 m2 que j’ai pu transformer en laboratoire. En une journée de fabrication le mardi, je produis environ 300 savons, ce qui me prenait une semaine ici. Cela me permet de constituer un stock et de faire du démarchage pour vendre mes savons dans d’autres points de vente comme les magasins bio. Je continue en revanche de fabriquer rue Saint-Jean des baumes à lèvres et pour le corps, des huiles, et sans doute bientôt des déodorants».

Delphine Ortiz fabrique un gommage au sucre et au café dans son laboratoire, situé à l'arrière de sa boutique du Vieux-Lyon.

« Le lait d’ânesse donne ses savons hyper doux, très nourrissants pour les peaux sensibles »

L’Ardèche, c’est justement le lieu où cette Lyonnaise pensait s’installer après son licenciement économique. « Au départ j’avais un projet d’élevage d’ânesse vers Aubenas, avec tout un aspect autour de l’organisation de randonnées, j’ai passé un bac agricole dans cette perspective mais je n’ai pas trouvé de financement de banques. Du coup j’ai changé d’optique et j’ai trouvé cette boutique en 15 jours sur le Bon Coin en développant seulement une partie du projet initial : la fabrication de savon au lait d’ânesse ». Elle se lance donc après un passage par l’Université européenne des senteurs et des saveurs à Forcalquier (Alpes de Haute-Provence) qui lui délivre un certificat de formation de savonnier. Trouve un éleveur bio dans le nord de la Drôme qui lui fournit le lait d’ânesse et se lance dans la fabrication en suivant un processus de saponification à froid. « Le lait d’ânesse donne ses savons hyper doux, très nourrissants pour les peaux sensibles, c’est un super produit qui mérite d’être mis en valeur, à l’heure où beaucoup de savons sont faits à l’huile de palme et fabriqués en Malaisie » plaide Delphine Ortiz. « Quant à la saponification à froid elle donne un savon adapté au visage et au corps, qui ne va pas agresser la peau ».

Photo Joël Philippon

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Sa démarche éthique trouve un écho auprès d’une clientèle fidèle, en quête de conseils et d’explications. Et ses ateliers de fabrication de savon, les samedis matin, font le plein. « Je donne toutes les bases aux participants pour qu’ils soient autonomes chez eux » indique celle qui a entrepris depuis une nouvelle formation en naturopathie. « Ce que je vends ce n’est pas qu’un savon, c’est aussi un soin. Il faut prendre soin de sa peau, car tout ce qui vient sur la peau, rentre aussi dans le sang et peut perturber l’organisme ».

Les ateliers de fabrication de savon durent entre deux heures et demi et trois heures, dans le laboratoire à l'arrière de la boutique Mandelines. / Photo Maxime Jegat

Les ateliers de fabrication de savon durent entre deux heures et demi et trois heures, dans le laboratoire à l'arrière de la boutique Mandelines. / Photo Maxime Jegat

> Les savons de Mandelines, 4 rue Saint-Jean, Lyon 5e. Ouvert du mardi au dimanche. Site Internet : www.mandelines.com

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Au n°6

Tout pour Guignol

la mascotte lyonnaise

Photo Joël Philippon/Le Progrès

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A première vue c’est un magasin de souvenirs plutôt classique, avec son armada de « gadgets » (porte-clés, magnets, mugs, boules à neige…) prisés des touristes en quête d’un souvenir facile. La boutique Cardelli-Design parvient pourtant à se démarquer de la concurrence dans un secteur qui voit déferler des centaines de milliers de visiteurs chaque année.

Dany Cardelli. Photo Joël Philippon/Le Progrès

Dany Cardelli. Photo Joël Philippon/Le Progrès

Sa gérante, Dany Cardelli, cultive ici depuis plus de 40 ans sa passion pour Guignol, une « petite mascotte » qu’elle décline certes en porte-clés mais aussi via de véritables marionnettes soigneusement ouvragées, certaines par son propre fils qui travaille dans un atelier dans l’arrière-boutique.

Photo Joël Philippon/Le Progrès

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Le lieu se distingue aussi par son « petit musée fantastique de Guignol » : l’entrée, payante, se fait par la boutique et donne accès à un espace en sous-sol il est vrai réduit mais plaisamment hors du temps. Ici les automates animés par des musiques dignes des attractions de fêtes foraines côtoient des marionnettes patinées par le temps et d’autres plus récentes dédiées aux célébrités locales, comme le cardinal Barbarin ou Gérard Collomb. Paul Bocuse est lui momentanément absent ce jour-là, mobilisé pour un spectacle au théâtre La Maison de Guignol que Dany et son époux Patrice ont repris en 2003 dans le quartier voisin de Saint-Georges.

Photo Joël Philippon/Le Progrès

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Depuis 1977

Les Cardelli font aujourd’hui partie des doyens de la rue où ils se sont installés en 1977 à la place d’un entrepôt de vêtements. Leur magasin abrite dans un premier temps les meubles imaginés par monsieur, architecte d’intérieur de profession, avant de se consacrer à la figure de Guignol. « A l’époque, la rue n’était pas piétonne, c’était très anonyme, les gens passaient en voiture et ne s’arrêtaient pas forcément » se souvient Dany, qui préside également l’association des commerçants du Vieux-Lyon. « Le quartier était très sombre et un peu en retrait par rapport à la ville. La rue est devenue beaucoup plus conviviale au fil du temps ». Notamment après la décision de rendre l'artère aux piétons, prise en conseil municipal quelques mois après l’arrivée du couple, et matérialisée en 1978.

Photo Joël Philippon/Le Progrès

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> Boutique Cardelli-Design, 6, rue Saint-Jean, Lyon 5e. Ouvert du lundi au dimanche. Plus d'informations : https://vieuxlyonsouvenirs.com

Photo Joël Philippon/Le Progrès
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Quand les Cardelli ont ouvert leur boutique, la rue Saint-Jean (ici en 1978) était encore ouverte aux automobiles, pendant quelques mois. / Photo archives Le Progrès

La rue Saint-Jean en 1978. Photo archives Le Progrès

Quand les Cardelli ont ouvert leur boutique, la rue Saint-Jean (ici en 1978) était encore ouverte aux automobiles, pendant quelques mois. / Photo archives Le Progrès

La rue Saint-Jean en 1978. Photo archives Le Progrès

A l'angle avec la place de la Baleine

Terre Adélices :

un glacier tout bio

Photo Joël Philippon

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Guillaume Rousselle montre la photo sur son téléphone portable, à la fois fier mais aussi impressionné par l’ampleur du succès. Une foule compacte patiente devant son glacier Terre Adélice, en quête d’une des 100 places assises ou d’un simple cornet à emporter. Une scène devenue banale lors des week-ends du printemps et de l’été. « Les volumes lyonnais sont colossaux » affirme celui qui possède désormais 30% de l’entreprise familiale, fondée au milieu des années 90 en Ardèche par son père et son oncle. « 15 à 20 % des 600 000 litres de glaces et de sorbets produits en 2019 seront écoulés dans le glacier lyonnais ».

Guillaume Rousselle, gérant du glacier Terre Adélice de Lyon. / Photo Joël Philippon-Le Progrès

Guillaume Rousselle, gérant du glacier Terre Adélice de Lyon. / Photo Joël Philippon-Le Progrès

Cet ancien étudiant de l’EM Lyon a eu du flair, en poussant les deux co-fondateurs de la société à ouvrir un glacier au cœur de la rue Saint-Jean en 2010. « Je suis allé voir mon père et mon oncle en leur disant : ‘vous avez des produits fabuleux, il faut les réorienter vers le grand public, il nous faut un glacier’. A l’époque on distribuait nous-mêmes notre production, essentiellement à des restaurateurs ».

96 parfums sont disponibles dans le glacier lyonnais. / Photo Joël Philippon

96 parfums sont disponibles dans le glacier lyonnais. / Photo Joël Philippon

A l’époque, Terre Adélice vient tout juste de relancer une gamme bio après une première tentative avortée au milieu des années 2000. « Le marché n’était pas assez mûr, nous n’étions pas assez préparés, on avait des problèmes d’approvisionnement » se souvient Guillaume Rousselle. « On s’est relancé en 2009 sur un marché plus mur, on a démarré doucement sur 5-6 références ». Dix ans plus tard, l’intégralité des 150 parfums de la gamme s’apprête à passer en bio (le chiffre de 100% sera atteint en 2020). Un choix qui nécessite quelques réorientations : si des produits typiques du terroir de l’Ardèche et de la Drôme (abricot, pêche blanche) sont naturellement privilégiés, d’autres matières premières sont importées. « On va faire du 100 % bio et on souhaiterait faire du 100 % local, mais ce n’est pas possible car on n’arrive pas à tout avoir, on fait par exemple venir de la Framboise de Serbie ou de la myrtille de Finlande » détaille Guillaume Rousselle.

Le glacier, dont la carte est traduite en anglais, attire de nombreux touristes mais aussi une clientèle locale. / Photo Joël Philippon

Le glacier, dont la carte est traduite en anglais, attire de nombreux touristes mais aussi une clientèle locale. / Photo Joël Philippon

Malgré sa croissance fulgurante (l’entreprise produisait 330 000 litres en 2014, pas loin du double 5 ans plus tard), Terre Adélice s’efforce de conserver un savoir faire artisanal. « Certains s’amusent à dire qu’on est devenus une petite industrie mais on travaille toujours à la turbine, comme le pâtissier du coin qui a une turbine, sauf que nous on en a 8. On soigne aussi le choix de la matière première avec des fruits cueillis à maturité et qu’on transforme nous-mêmes au lieu d’utiliser des purées pasteurisée. Par ailleurs, on ne cuit pas le fruit car cela casse l’arôme, et notre concentration en fruit est à 70% » résume Guillaume Rousselle. Le résultat se savoure une bonne partie de l’année du côté de la rue Saint-Jean et il y a l’embarras du choix : 96 parfums sont disponibles dans les bacs.  

Une journée calme à l'angle de la place de la Baleine et de la rue Saint-Jean. Aux heures de pointe, la file d'attente s'allonge. / Photo Joël Philippon

Une journée calme à l'angle de la place de la Baleine et de la rue Saint-Jean. Aux heures de pointe, la file d'attente s'allonge. / Photo Joël Philippon

Terre Adélice, horaires d'ouverture variables selon la saison.

Au n°17

Aux Azalées :

le petit paradis vert de Xavier 

Photo Joël Philippon

Photo Joël Philippon

« Je vais être obligé de revenir vous voir, ça fait tellement du bien d’être conseillé comme ça pour des plantes ». En face de cette jeune cliente emballée par son passage dans sa boutique, une frêle échoppe verdoyante où les plantes semblent faire leur loi, Xavier savoure le compliment depuis le siège qu’il n’a pas quitté le temps de la transaction.

Photo Joël Philippon/Le Progrès

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"A la marge"

A 81 ans, l’homme a passé l’âge de faire les 400 pas du matin au soir mais gardé un sens bien à lui de l’accueil et du conseil, à la fois bienveillant et exigeant. « Les plantes, c’est quelque chose de vivant, que je respecte, et je veux que la personne qui achète soigne la plante. Si je vendais un chien ou un chat et qu’on me dise au bout de 15 jours, écoutez il a crevé parce que je ne lui ai pas donné à boire, personne ne serait d’accord, là c’est pareil » explique celui qui fait figure de doyen des commerçants du secteur.

Ecoutez les conseils de Xavier à une cliente

Alors qu’il possédait déjà deux boutiques dans le 6e et à Bellecour, ce petit-fils de fleuriste s’est installé dans la rue il y a 58 ans. « Même si le quartier était beaucoup critiqué à l’époque, car il était sale, que les gens y vivaient les uns sur les autres, il m’intéressait car des galeries d’art ont commencé à s’ouvrir ici, or je voulais faire moi-même une boutique un peu à la marge en exposant notamment mes compositions. Je faisais aussi du bonsaï, qui n’existait pratiquement pas à l’époque, des plantes carnivores, beaucoup de fleurs que je teintais ».

Photo Joël Philippon/ Le Progrès

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Passé 60 ans, il laisse ses deux autres boutiques et conserve celle du Vieux-Lyon où il souhaite « passer sa retraite ». Dernièrement les hoyas, des plantes qu’il cultive parmi d’autres dans sa serre aux portes de Lyon, se sont fait une place dans son commerce aux côtés des pothos et des tillandsias, des plantes qui vivent dans les arbres. Tout ce beau monde attire une clientèle de fidèle mais aussi les nombreux touristes de passage, sans doute intrigués par cette étroite devanture envahie par les végétaux. Dès septembre, le sage de la rue Saint-Jean préparait aussi déjà la période de Noël, même si le prochain sera probablement le dernier. Car Xavier songe à fermer sa boutique, après 58 ans de bons et loyaux services.

Photo Joël Philippon Le Progrès

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> Aux Azalées, 17 rue Saint-Jean, Lyon 5e. Tél. : 04 78 37 17 84.

Au n°21

Hong Ha:

Une enclave vietnamienne au pays des bouchons

Photo Maxime Jegat/Le Progrès

Photo Maxime Jegat/Le Progrès

« La sauce, mettez de la sauce ». Entre deux allers-retours entre la salle et la cuisine, les bras chargés de bols et d’assiettes fumantes, Khanh Lê, jette un regard bienveillant sur les plats de ses clients. L’œil malicieux et l’éclat de rire facile, le patron du Hong Ha n’hésite pas à prodiguer quelques conseils à ses hôtes pour leur donner les « clés » d’une bonne dégustation. Les habitués de cette vénérable institution de la rue Saint-Jean, son père Khai avait ouvert la voie dès 1977, connaissent déjà sur le bout de la langue les classiques de la cuisine vietnamienne servis sur place depuis des décennies : les banh cuon (savoureuses crêpes de riz à la vapeur garnies de porc et de champignons noirs), le désormais populaire bo bun nem (qu’on ne présente plus ou presque), ou encore le My Xao, un plat plus surprenant à base de pâtes jaunes croustillantes. « On a des familles qui fréquentent les lieux depuis trois générations » signale celui qui gère l’établissement avec sa sœur Kim, mobilisée en cuisine.

Photo Maxime Jegat/Le Progrès

Photo Maxime Jegat/Le Progrès

Une cuisine de poche, à l’image de ce restaurant de 35 couverts à la disposition quasi martiale : les tables de six d’un côté, celle de quatre de l’autre. Et un patron qui n’hésite pas à placer ses clients côte à côte. Ce mardi de novembre, sur une table de 4 personnes, un retraité lecteur de La Croix déguste ses nems à un jet de fourchettes de deux étudiantes en pleine conversation. « Certains clients aiment beaucoup parler et  faire connaissance avec leurs voisins, d’autres n’aiment pas et demandent à changer de place voire quittent le restaurant» précise Khanh.

Le My Xao, une spécialité du Hong Ha. / Photo G.B

Le My Xao, une spécialité du Hong Ha. / Photo G.B

Pas de quoi déstabiliser ce quinquagénaire aussi discret qu’avenant débarqué à Lyon en 1981 pour rejoindre sa famille. Quelques mois plus tôt, il avait quitté le Viet Nam et son régime communiste en boat people et passé cinq mois dans un camp de réfugiés en Thaïlande. A Lyon, il envisage d’entamer des études mais prête rapidement main-forte à son père dans le restaurant de la rue Saint-Jean où il fera finalement toute sa vie professionnelle. « A l’époque mon père, qui ne conduisait pas, faisait toutes ses courses pour le restaurant à pied, en bus ou en métro, et il faisait parfois venir certains produits de Marseille ». Un père, décédé en 2013, qui les a toujours accompagnés, lui et ses deux sœurs investies dans cette affaire de famille. « Jusqu’au bout il passait en cuisine ou venait faire la vaisselle » se souvient Khanh. Quand il a du temps libre, Khanh se met au vert dans le Beaujolais ou dans les espaces naturels qui lui permettent de s’adonner à sa passion, la photographie. Il a justement exposé ses clichés en décembre à quelques encablures de son restaurant, au sein de la MJC du Vieux-Lyon.

>  Restaurant Hong Ha, 21, rue Saint-Jean, Lyon 5e. Plus d’informations : https://www.restaurant-hong-ha.fr/

Khanh Lê et sa sœur Kim. Photo Maxime Jegat/Le Progrès

Au n°29

Librairie Diogène :
un rayon à part

Un jeune étudiant cherche des auteurs maniant l’humour noir à la manière de Pierre Desproges. « Roland Topor, vous connaissez » lui répond du tac au tac un libraire. Un homme en costume cravate se renseigne sur le prix d’une édition originale de La Peste de Camus, soigneusement conservée derrière une vitre verrouillée. Pendant ce temps, une dame âgée se présente à l’accueil pour proposer à la vente deux biographies touffues de Beethoven et Mozart. « Ce sont des livres pointus mais j’en ai déjà en stock » lui répond Claire Dulac, la gérante. Voici quelques scènes de la vie quotidienne à la librairie Diogène, historique vendeur de livres (anciens et d’occasion) installé depuis 1974 dans un somptueux immeuble du XIVe siècle.

La libraire Diogène est spécialisée dans les livres d'occasion et les livres anciens. / Photo Joël Philippon/ Le Progrès

La libraire Diogène est spécialisée dans les livres d'occasion et les livres anciens. / Photo Joël Philippon/ Le Progrès

Sur les trois niveaux (rez-de-chaussée, sous-sol et à l’étage) copieusement garnis cohabitent près de 100 000 volumes classés par thèmes, des plus classiques (littérature, beaux-arts, philosophie, sciences, religions…) aux plus atypiques (corsaires, pirates et flibustiers, déserts, ophtalmologie…) « On a une clientèle très variée » indique Claire Dulac, « à la fois des bibliophiles qui cherchent des livres un peu précieux, des collectionneurs, des gens érudits qui cherchent d’autres livres dans leurs thèmes de recherche, des gens qui se promènent et qui sont contents de trouver autre chose que des restaurants dans le Vieux-Lyon ».

Claire Dulac est avec deux associés à la tête de la librairie Diogène. / Photo Joël Philippon Le Progrès

Claire Dulac est avec deux associés à la tête de la librairie Diogène. / Photo Joël Philippon Le Progrès

Ici, les six libraires travaillent eux aussi à l’ancienne : dans ce temple du livre ouvert du lundi au dimanche 363 jours sur 365, rien ou presque n’est informatisé. « Le classement représente une bonne partie du travail » admet Claire Dulac, qui n’envisage toutefois pas de rentrer dans une ère plus technologique. « On a trop de livres et c’est trop tard aujourd’hui et puis je n’ai pas envie de travailler dans un lieu où tout est informatisé, où on est tout le temps sur le dos des clients à leur dire, ‘attention où vous le rangez, où vous le posez, ça ne va pas là’. J’ai plutôt envie d’une librairie qui soit vivante avec des gens qui passent, qui se baladent, farfouillent et trouvent des choses qu’ils ne cherchaient pas forcément ».

Photo Joël Philippon Le Progrès

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Le lieu, étroit mais par endroit presque labyrinthique, invite d’ailleurs à la flânerie. Il abrite aussi d’authentiques trésors, telle cette « Histoire naturelle des oiseaux mouches ou colibris » éditée à Lyon en 1877. Les quatre volumes de cet ouvrage d’Etienne Mulsant, alors conservateur de la bibliothèque de Lyon, sont ornés de 121 somptueuses planches lithographiées, toutes coloriés à la main. Quatre ouvrages précieux dans tous les sens du terme, vendus 10000 euros.

121 planches lithographiées illustrent cette édition de l'"Histoire naturelle des oiseaux mouches ou colibris" d'Etienne Mulsant. / Photo Joël Philippon/Le Progrès

121 planches lithographiées illustrent cette édition de l'"Histoire naturelle des oiseaux mouches ou colibris" d'Etienne Mulsant. / Photo Joël Philippon/Le Progrès

Librairie Diogène, ouvert de 10 h à 19 h du lundi au samedi. De 11 h à 19 h le dimanche. Plus d'informations sur le site web

Photos Joël Philippon
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Au n°37

Maison du chamarier :

des nouvelles fondations

Photo Joël Philippon/Le Progrès

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Derrière sa belle façade Renaissance qui domine de sa splendeur le 37 de la rue Saint-Jean, la maison du Chamarier cache un intérieur déliquescent. Inoccupés depuis les années 80 et le départ des derniers habitants, les étages de cet édifice remanié au tournant des XVe et XVIe siècle attendent un nouveau départ.

Photo Joël Philippon/Le Progrès

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Celui-ci devrait être imminent : la société Vista, qui bénéficie d’un bail emphytéotique de 99 ans accordé par la ville de Lyon, a obtenu au cours de l'été l’ensemble des autorisations lui permettant d’entamer de longs et minutieux travaux de rénovation qui doivent durer 3 ans. « Le bâtiment étant inscrit aux monuments historiques depuis 1943, on ne peut rien faire à l’intérieur comme à l’extérieur sans l’accord de la DRAC » indique Yves Périllat, le gérant de Vista. La société qui a gagné l’appel d’offre lancé par la Ville s’est entourée de l’ancien architecte en chef des monuments historiques, Didier Repellin, pour piloter le projet.

L'intérieur de la maison en septembre 2019. / Photo Guillaume Beraud

L'intérieur de la maison en septembre 2019. / Photo Guillaume Beraud

A l’issue de la rénovation, 8 logements répartis sur 700 m2 seront disponibles, le rez-de-chaussée étant réservé aux activités commerciales (un caviste est notamment annoncé, il rejoindra la recommandable pâtisserie « A La Marquise », qui fait elle le bonheur des gourmands amateurs de tartes aux pralines depuis des décennies).

A l'intérieur, les murs recèlent quelques trésors, comme ces armoiries du chamarier. / Photo Guillaume Beraud

A l'intérieur, les murs recèlent quelques trésors, comme ces armoiries du chamarier. / Photo Guillaume Beraud

Historiquement, la demeure est étroitement associée au quartier de la cathédrale Saint-Jean. Au XIIe siècle, un mur d’enceinte (dont un segment constitue aujourd’hui une partie du mur nord de la maison du Chamarier) est érigé pour protéger ce secteur occupé par les chanoines. La porte Froc, adossée à la maison, donne accès à la partie nord du périmètre et le chamarier détient les clés de l’enceinte, exerce des pouvoirs de justice et de voiries. Le chanoine-comte François d’Estaing, qui occupe la fonction à la fin du XVe siècle, marque en particulier les lieux de son empreinte : il redonne une unité aux lieux en initiant la construction de trois corps de logis reliés par des galeries extérieures. L’édifice est fermé au public mais les portes qui donnent accès à sa cour intérieure, rénovée au début du XXIe siècle, sont en général ouvertes. Et il y a amplement de quoi se rincer l’œil, en contemplant le somptueux puits, attribué à l’architecte Philibert Delorme (1514-1570) et en admirant la fresque peinte sur une des galeries extérieures du 1er étage.

Photo Joël Philippon/Le Progrès

Photo Joël Philippon/Le Progrès

La pâtisserie A La Marquise, au rez-de-chaussée, est ouverte du mercredi au dimanche de 9h à 19h30, la cour de la maison est généralement accessible à ces mêmes horaires.

Photo Joël Philippon/Le Progrès
Photo Joël Philippon/Le Progrès
Photo Joël Philippon/Le Progrès

La maison du chamarier photographiée par Jules Sylvestre (1859-1936) à une date inconnue. / © Fonds Jules Sylvestre - Collection Bibliothèque municipale de Lyon

La maison du chamarier photographiée par Jules Sylvestre (1859-1936) à une date inconnue. / © Fonds Jules Sylvestre - Collection Bibliothèque municipale de Lyon

Au n°50

Renaissance du Vieux-Lyon:

la sentinelle du quartier

Photo Joël Phillippon

Photo Joël Phillippon

Le danger s’est éloigné au fil des années, mais l’association Renaissance du Vieux-Lyon (RVL) a conservé son rôle de vigie dans le quartier. Il semble en effet loin le temps où ses membres devaient donner l’alerte parce que le maire de la ville en personne envisageait un projet urbain prévoyant de raser purement et simplement une partie des immeubles du quartier. C’était peu de temps après l’élection de Louis Pradel, en 1957, l’élu renonçant finalement à cette voie express devant relier la Saône à Fourvière depuis l’actuel pont du maréchal Juin.

Laurence Ordan, secrétaire de la Renaissance du Vieux-Lyon, montre le plan d'axe routier qui prévoyait d'éventrer une partie du quartier pour relier les quais de Saône à Fourvière. / Photo Joël Philippon

Laurence Ordan, secrétaire de la Renaissance du Vieux-Lyon, montre le plan d'axe routier qui prévoyait d'éventrer une partie du quartier pour relier les quais de Saône à Fourvière. / Photo Joël Philippon

En 1964, la messe est de toute façon officiellement dite : le Vieux-Lyon devient le premier quartier sauvegardé de France en application d’une loi initiée par le ministre de la Culture André Malraux deux ans plus tôt. La RVL poursuit ainsi avec un surplus de légitimité son action de préservation du secteur, jusqu’à son fait de gloire au milieu des années 90 : c’est à l'initiative de son ancien président Régis Neyret (alors chargé de mission auprès de l’adjoint au patrimoine de Raymond Barre, Denis Trouxe) que la ville propose de soumettre l’inscription du Vieux-Lyon sur la liste du patrimoine mondial de l’Unesco. Le président de la RVL de l'époque, Denis Eyraud, et le photographe Yves Neyrolles, constituent alors avec la municipalité le dossier.

Régis Neyret, ancien président et membre actif de la Renaissance du Vieux-Lyon, a joué un rôle prépondérant dans l'inscription de la ville de Lyon sur la liste du patrimoine mondial de l'Unesco. Il est décédé le 13 septembre 2019 à l'âge de 92 ans. / Photo archives Philippe Juste

Régis Neyret, ancien président et membre actif de la Renaissance du Vieux-Lyon, a joué un rôle prépondérant dans l'inscription de la ville de Lyon sur la liste du patrimoine mondial de l'Unesco. Il est décédé le 13 septembre 2019 à l'âge de 92 ans. / Photo archives Philippe Juste

Avec le résultat heureux que l’on sait : l’inscription, finalement élargie à un ensemble beaucoup plus large comprenant les collines de Fourvière et de la Croix-Rousse ainsi que le cœur de la presqu’ile,  officialisée le 5 décembre 1998 à Kyoto. « Aujourd’hui le gros du quartier est sauvé mais on insiste vraiment sur le petit patrimoine : des heurtoirs de portes qui disparaissent, des statues endommagées lors de travaux de rénovation, des impostes à restaurer » indique Frédéric Auria, président de l’association depuis l’an dernier.

Photo Joël Philippon

Photo Joël Philippon

La RVL peut justement compter sur un budget tombé du ciel pour assurer cette mission. « On a touché un héritage d’une dame qui nous a légué ses biens, on ne la connaissait pas, elle n’était pas adhérente de l’association, on a appris ça par le notaire au printemps 2018, et on va avec cet argent, pratiquement 200 000 euros, créer une aide pour les gens qui veulent restaurer du petit patrimoine » signale Frédéric Auria. Une petite pierre de plus à l’édifice du quartier.

Renaissance du Vieux-Lyon, permanence du lundi au vendredi de 14 h à 18 h. Plus d'informations sur le site web

Au n°60

Musée miniature et cinéma

plus vrai que nature

L'effrayante Reine Alien. / Photo Joël Philippon/Le Progrès

L'effrayante Reine Alien. / Photo Joël Philippon/Le Progrès

En sortant d'un ascenseur, deux pimpantes touristes russes tombent nez à nez avec Dan Ohlmann, le reconnaissent et lui demandent illico une séance de selfie. L'affable fondateur du musée miniature et cinéma ne boude pas son plaisir. Il semble heureux de tisser des liens avec le public toujours plus nombreux foulant chaque jour les portes de la somptueuse maison des avocats, cette imposante bâtisse du XVIe siècle qui abrite depuis 2005 les collections du musée. L'histoire de cette institution entièrement privée est atypique : elle doit son existence au soutien d'une mécène suisse qui a acheté le bâtiment après avoir eu un coup de cœur pour le travail de miniaturiste de Dan Ohlmann. Une partie du musée permet ainsi d'apprécier le fabuleux sens du détail de ce Strasbourgeois d'origine, formé à l'ébénisterie. A son arrivée à Lyon en 1989, il tombe amoureux de la ville et conçoit au gré du temps plusieurs œuvres magistrales inspirées par sa cité d'adoption : l'intérieur d'un bouchon lyonnais, un atelier de tisseur ou encore l'ancienne prison Saint-Paul avant sa transformation en université. "Chaque fois que je fais une miniature, je fais une enquête sur les lieux, prend des milliers de photos et de mesures. Il y a une partie un peu besogneuse : dans l'exemple du bouchon lyonnais, il faut multiplier les tables et les chaises. Mais la partie décoration est un vrai plaisir, restituer tous les petits ingrédients qui font la vie d'un bouchon comme la cochonnaille ou le Beaujolais, puis mettre en place les lumières qui donnent une sensation de réalisme".

La prison Saint-Paul vue par Dan Ohlmann. / Photo MMC Lyon

La prison Saint-Paul vue par Dan Ohlmann. / Photo MMC Lyon

Son musée ayant multiplié par quatre sa fréquentation en moins de 15 ans (de 60000 entrées à 240000), le sémillant sexagénaire a aujourd'hui beaucoup moins de temps à consacrer à sa passion. D'autant que le volet dédié au cinéma (des maquettes, décors, masques, robots utilisés dans des films souvent illustres comme Star Wars ou Batman) et les liens tissés avec les grands studios américains occupent désormais le plus clair de son temps. Sans parler de l'atelier de restauration d'objets usés par les tournages, que l'équipe du musée réhabilite pour obtenir le droit de les intégrer temporairement à ses collections.

Dan Ohlmann présente quelques "bêtes" en cours de restauration au sein de l'atelier du musée

Le musée développe enfin une intense politique d'expositions temporaires : après les secrets de fabrication du film d'animation "Ma vie de courgette" ou les trésors réunis par le tandem de réalisateurs Jeunet et Caro, c'est l'univers de Wes Anderson qui devrait faire son retour dans le Vieux-Lyon. Après "Grand Budapest Hotel" et "Fantastic Mr. Fox", le musée doit héberger en 2020 les décors de l’Île aux chiens, le dernier long-métrage en date du cinéaste américain.

> Musée miniature et cinéma, 60 rue Saint-Jean, Lyon 5e. Ouvert tous les jours de 10h à 18h30 (plus d'informations sur le site Internet du musée).

Photo archives Stéphane Guiochon

Au cœur des traboules

La traboule du 27 de la rue Saint-Jean. / Photo Joël Philippon

La traboule du 27 de la rue Saint-Jean. / Photo Joël Philippon

Un mardi matin automnal, dans les traboules du Vieux-Lyon. On y entend parler français naturellement, mais aussi anglais, russe ou espagnol. Ces passages couverts permettant de relier à pied une rue à une autre en passant par des immeubles chargés d'histoire sont une des attractions majeures du quartier. Comme ces allées parfois bien cachées, l'origine de ce mot si typiquement lyonnais garde encore quelques mystères. Mais la version de l'estimé archéologue lyonnais Amable Audin (1899-1990) retient l'attention. Ce spécialiste de la cité à l'époque antique évoque des racines latines pour expliciter le terme : "trans-ambulare" pouvant signifier "aller à travers".

Au 54 de la rue Saint-Jean. / Photo Joël Philippon

Au 54 de la rue Saint-Jean. / Photo Joël Philippon

De nombreuses cours et traboules sont accessibles durant la journée grâce à des conventions spécifiques passées entre la Ville de Lyon et les copropriétaires des immeubles concernés. Ceux-ci s'engagent à rendre possible le passage des visiteurs (en général de 7-8h jusqu'à 19h-20h) en échange d'une aide de la municipalité lorsque des travaux (d'entretien, de nettoyage, d'éclairage...) doivent être engagés. Au 22 mars 2019, 48 conventions (concernant à la fois des cours et des traboules) ont été signées sur l'ensemble du territoire lyonnais, dont 26 dans le Vieux-Lyon. La rue Saint-Jean concentre à elle seule 8 cours et 3 traboules conventionnées. Le chiffre permet de constater que de nombreux trésors restent encore cachés aux yeux du public, puisque dans son ouvrage "Lyon, les 210 plus belles traboules" publié en 2015, Gérald Gambier comptabilise près d'une centaine de lieux remarquables répartis entre Saint-Georges, Saint-Jean et Saint-Paul (dont une vingtaine pour la seule rue Saint-Jean) et 200 traboules au total pour le secteur du Vieux-Lyon.

Au 27 de la rue Saint-Jean. / Photo Joël Philippon

Au 27 de la rue Saint-Jean. / Photo Joël Philippon

Ce photographe de formation a visité près de 400 traboules pour les besoins de son ouvrage. Attendant parfois patiemment qu'une porte s'ouvre pour pénétrer au sein d'un immeuble. Ses coups de cœur dans la rue Saint-Jean ? Il y a le 9, l"apothéose de la rue avec ses croisées d'ogives dans la traboule", dans un immeuble datant de 1516. L'auteur évoque aussi l'immeuble situé au 3 de la place du Change, dont la façade donne au début de la rue Saint-Jean. "Derrière la pharmacie, il y a une petite merveille, surtout la cour. Architecturalement, on est en plein gothique mais on a déjà les premiers signes de la Renaissance, c'est ce qui est intéressant dans beaucoup de traboules, on part du gothique, on bascule dans la Renaissance et quelquefois on arrive même au 17e siècle. Ici au dessus de la voûte, du côté de la cour, il y a un petit chapiteau avec deux spirales sculptées de chaque côté qui se rejoignent, on dirait un oiseau" indique celui qui arpentait déjà le quartier au début des années 1960, quand il visitait enfant les traboules avec son oncle ("il y avait des endroits tellement mal famés qu'il n'osait pas entrer").

Au début de la rue Saint-Jean, l'entrée se fait au 3, place du Change. / Photo Guillaume Beraud

Au début de la rue Saint-Jean, l'entrée se fait au 3, place du Change. / Photo Guillaume Beraud

Quelques vestiges de ce Vieux-Lyon pas encore prisé des touristes subsistent ici où là. Mais leur découverte n'en est pas moins saisissante. Derrière la porte du 11, un couloir mène à une cour étroite et sombre comme le quartier en compte des dizaines. L'ambiance est toutefois ici beaucoup plus fantomatique qu'ailleurs et le visiteur repère au loin une entrée dotée d'un somptueux décor gothique notoirement marqué par l'usure du temps. Le lieu n'étant pas accessible, il faut miser sur le hasard pour se mesurer à cette grandeur passée et éprouver cette sensation grisante d'avoir débusqué un trésor -mal en point certes mais un trésor quand même- en partie caché.

La cour gothique du 11 de la rue Saint-Jean, photographié par Jules Sylvestre (1859-1936) à une date inconnue. / Photo Fonds Jules Sylvestre – Collection Bibliothèque municipale de Lyon

La cour gothique du 11 de la rue Saint-Jean, photographié par Jules Sylvestre (1859-1936) à une date inconnue. / Photo Fonds Jules Sylvestre – Collection Bibliothèque municipale de Lyon

Photo Joël Philippon
Photo Photo Joël Philippon
Photo Joël Philippon