Le marché des punaises de lit en plein essor

À l’instar de toutes les métropoles françaises, Lyon n’est pas épargnée par le fléau des punaises de lit, dont la propagation ne cesse de gagner du terrain. Corrélativement, jamais le marché de l’éradication des nuisibles, porté en grande partie par la prolifération de la punaise des lits, ne s’est aussi bien porté.

Photo d’illustration/stock.adobe.com

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Des entrelacs de literie des luxueux palaces aux “puciers” des hôtels miteux, la punaise des lits ne fait guère de différence. Jugulées pendant les années 1950, grâce notamment à l’utilisation massive de l’insecticide DTT, voilà une bonne décennie qu’elles prolifèrent à nouveau dans tous les recoins de l’Hexagone, à tel point que les pouvoirs publics ont récemment lancé une campagne de sensibilisation à l’endroit du citoyen. Car c’est un fait : ces dernières années, les infestations de maisons et d’hôtels ont explosé, la mobilité internationale croissante contribuant probablement à la propagation de l’insecte. Que ce soit chez vous, chez les autres, dans les hôtels, gîtes, métros, aéroports, avions, bateaux, cinémas, cités U, hôpitaux, cliniques… ces petites bestioles hématophages de la taille d’un pépin de pomme sont potentiellement partout. Et on forcerait à peine les mots en affirmant qu’une infestation, tant pour le particulier que pour une société ou une institution, peut rapidement virer au cauchemar.

Quasi impossible de s’en débarrasser soi-même !

Et souvent, entre affliction et dépression, le quidam, mû par le désespoir, se tourne vers la première société « googlisée », faisant fi de toute prudence élémentaire, de toute vérification préalable. Au risque d’accepter des conditions tarifaires parfois exorbitantes. Car très souvent, il est on ne peut plus ardu se défaire soi-même de ces vilaines bestioles et le recours à un professionnel s’impose.
Et depuis quelques années, profitant d’une spectaculaire hausse des demandes d’interventions partout dans l’Hexagone, de nombreuses sociétés se sont positionnées sur le créneau. Si la plupart officient avec professionnalisme, des entrepreneurs peu scrupuleux se sont aussi faufilés dans la brèche, n’hésitant pas à profiter de la détresse des clients pour proposer des prestations à la va-vite, bâclées, sans suivi…
Des prestations empreintes de dilettantisme – l’exercice de la profession ne nécessitant qu’une simple formation de trois jours sur l’utilisation des biocides- et tarifées au prix fort ! « Il faut se cultiver sur la question avant de faire appel à une société », préconise un expert du secteur.
Et nombreux sont les pros à demander davantage d’encadrement concernant l’exercice de la profession. Car, en matière de punaises de lit, l’unique résultat probant est l’éradication totale de l’insecte sur les lieux infestés. Sans quoi, la potentialité de récurrence est très élevée… Et le cauchemar de recommencer.

qUESTIONS à : Stéphane Bras, porte parole de la chambre syndicale des industries de désinfection et dératisation (CS3D).

Comment expliquer la prolifération des punaises des lits ?

« Dans les années 50, la punaise des lits avait été jugulée à grand renfort d’insecticides très puissants, à l’instar du DTT. Mais on s’est rendu compte, avec le temps, que l’usage de ces produits était dangereux pour l’environnement et l’être humain. Cela a laissé la place au retour des punaises, dont la prolifération s’est accentuée au gré des voyages des uns et des autres, vers la fin des années 90. Depuis ce temps, d’années en années, cela ne fait que croître. Depuis ces cinq dernières années, on constate une véritable explosion. »

Quelle est la typologie des entreprises intervenant dans ce domaine ?

« Le marché est principalement constitué des petites et moyennes entreprises, mais il existe des groupes nationaux voire internationaux. La principale différence réside notamment dans la typologie de services sur lesquelles elles interviennent, qui peut fortement varier. C’est un secteur qui recrute, et s’il fallait répondre à une demande préventive, il faudrait des techniciens en plus grand nombre, le niveau de prévention n’étant pas assez élevé. Etant face à un véritable envahissement, considérant le nombre de sites touchés, le marché ne fait que croître. »

Globalement, quelles peuvent être les conséquences ?

« L’impact des punaises des lits peut être considérable, notamment en termes touristiques. New York fut d’ailleurs un temps considéré comme ‘’la ville punaises’’, tout comme Montréal. Mais plus globalement, cela peut tomber sur la tête de n’importe qui, et il ne faut surtout pas considérer cela comme quelque chose de bénin, facile à traiter. Car pour le particulier, les conséquences peuvent aller jusqu’à l’insomnie, la dépression, le déménagement, etc., notamment pour les personnes qui ont la phobie des insectes. Il y a même eu des cas de suicides aux États-Unis. »

Quid de l’encadrement du secteur ?

« La vocation de la CS3D est notamment d’intervenir sur professionnalisation et l’encadrement du secteur. Nous avons passé à ce titre une convention avec le Ministère du logement afin de proposer des professionnels identifiés, identifiables et certifiés, qui ont signé un engagement sur une charte. Car le citoyen doit être averti pour éviter les dérives : il faut se renseigner, ne pas accepter les devis par téléphone, et ne pas aller au premier venu. »

Stéphane Bras. Photo DR

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Photo DR

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Les Lyonnais qui se sont lancés sur le créneau ont trouvé leur poule aux œufs d’or

A Lyon - où une bonne vingtaine de sociétés officient sur ce créneau - aucun arrondissement n’est épargné par le fléau, et le phénomène commence aussi à progresser sur les villes périphériques. Les professionnels du secteur l’assurent : naguère presque marginales, les interventions sur les punaises des lits se sont multipliées avec le temps, au point que l’insecte représente désormais, parmi toute la joyeuse gamme de nuisibles, la plus grande proportion de leur chiffre d’affaires.
Dans la métropole lyonnaise, chaque boîte a mis au point sa propre recette, ses propres techniques.

Parmi elles, une grande majorité de petites sociétés, mais aussi quelques grosses structures, à l’instar de celle menée par David Kato, 37 ans, qui a monté le réseau de franchises DKM Experts en 2016 (trois agences en propre, 17 en franchise, un peu partout en France, avec 8 salariés à Lyon 9e). « Nous réalisons dans la périphérie lyonnaise environ 5 000 interventions par an, explique David Kato. Les punaises des lits représentent environ 70 % de notre activité, et nous connaissons chaque année entre 100 et 150 % d’augmentation sur la demande concernant les punaises des lits ».
Réalisant un chiffre d’affaires de 700 000 € en 2019 (pour 350 000 en 2018 !), David Kato ne manque pas d’ambition pour l’avenir : « Nous allons recruter quatre personnes à Lyon dans les trois prochains mois. En outre, je suis aussi en train de négocier, avec les pouvoirs publics, la mise en place des containers frigorifiques à titre gratuit où les gens peuvent congeler leurs effets. »

L’éradication avec les nouvelles technologies

Sur un autre modèle, Aymeric Bouxom, 38 ans, a lancé sa petite structure, Game Over, en 2011, à Amplepuis. Ancien éducateur spécialisé, il s’est jeté dans l’aventure après avoir découvert la punaise des lits lors d’un voyage à New York.
Avec son associé, il a misé sur l’utilisation de nouvelles technologies, en mixant tentes chauffantes et cryonite (projection de froid à – 78 degrés) pour immoler la bestiole. Après des débuts timides, sa société réalise aujourd’hui un chiffre d’affaires de 300 000 €. « Ça a explosé en 2017, et nous sommes désormais sur une croissance annuelle de 30 %, la punaise des lits représentant environ 80 % de notre activité. Je réalise une dizaine d’interventions par jour, avant, je devais en réaliser deux par semaine. »

Avec de la détection canine

D’autres sociétés ont misé sur le créneau de la détection canine des punaises des lits, comme la société SLDC, menée par Cédric Thenoz, 38 ans, et Audrey Defendi, 41 ans. Fondée en 2015, la société œuvre à 90 % en BtoB : « Nous ne faisons que de la détection canine, et ne sommes quasiment que sollicités par des professionnels pour des contrôles de fin de traitement », explique Cédric Thenoz. L’avantage du chien : un gain de temps considérable lorsqu’il faut inspecter de nombreuses pièces. « Notre carnet de commandes est blindé depuis la création de l’entreprise. Nous réalisons une croissance annuelle d’environ 14 % », conclut Cédric Thenoz.

Gilles REYMANN

    C’est, en 2018, le nombre de sites qui ont été infestés par la punaise de lits en France. Un chiffre en croissance de 35 % par rapport à l’année précédente, et dont la courbe devrait poursuivre son ascension.
    À titre de comparaison, le nombre de sites infestés et recensés en 2016 était de 180 000. Entre 200 et 800 euros.

    Bien que difficile à quantifier, c’est une estimation de la fourchette moyenne du prix d’une intervention visant à éradiquer les punaises de lits pour le particulier.
    Ceci étant, compte tenu de la nature casuistique des interventions, dont l’ampleur dépend de nombreux facteurs (superficie à traiter, niveau d’infestation, structure de l’immeuble, nature du mobilier, etc.) la fourchette de prix est extrêmement variable, et peut dépasser le millier d’euros dans certains cas.

    1 000

    C’est environ le nombre de sociétés spécialisées dans l’éradication de la punaise de lit en France. La plupart d’entre elles sont spécialisées 3D (dératisation, désinfection, désinsectisation) et luttent contre de nombreux nuisibles : frelons, guêpes, moustiques, rats, blattes, etc. Dans la métropole lyonnaise, on compterait environ une vingtaine de ces sociétés.

    400 000

    C’est, en 2018, le nombre de sites qui ont été infestés par la punaise de lits en France. Un chiffre en croissance de 35 % par rapport à l’année précédente, et dont la courbe devrait poursuivre son ascension. À titre de comparaison, le nombre de sites infestés et recensés en 2016 était de 180 000.

    900

    C’est en millions d’euros le chiffre d’affaires estimé du marché de la punaise de lits en France. Un chiffre en pleine croissance, sachant qu’en 2018, le marché ne pesait « que » 400 millions d’euros.

    Photo Jean Bouteille

    Photo Jean Bouteille

    Photo Progrès/Maxime JEGAT

    Photo Progrès/Maxime JEGAT

    Comment s'en débarrasser ?

    Une seule manière de désinfester un lieu : éradiquer la bestiole dans son intégralité, Cela étant, une intervention, même réalisée en bonne et due forme, ne garantit pas un taux de réussite à 100 %.
    De la taille d’un pépin de pomme, les punaises des lits profitent de votre sommeil pour se repaître de votre sang.