Au cœur du parc de la Tête d'Or

La vérité sur le trésor disparu

Si vous vivez à Lyon depuis suffisamment longtemps, on vous a forcément déjà conté l'histoire du parc de la Tête d'Or : Comment il est né, pourquoi on l'adore. Et surtout, comment un mystérieux trésor contenant une tête de Christ en or y aurait été enterré, des siècles plus tôt.
Par Paul Ganassali
Chapitre 1
Chevaliers et coffre maudit
Recette pour une bonne légende

C’était il y a longtemps. Bien avant que le parc n’existe. L'histoire parle de chevaliers et de coffre maudit. Tous les ingrédients pour une bonne légende.
Avec le temps, la rumeur d'un magot enfoui au beau milieu du parc a pris de l'ampleur. Des recherches auraient été organisées par des particuliers, et les autorités auraient même engagé une voyante pour indiquer l'emplacement exact.
Mais pas moyen de mettre la main dessus.

Archives de Lyon
Archives de Lyon
Aujourd'hui, le trésor perdu du parc de la Tête d'Or suscite toujours de nombreux fantasmes. Et l'histoire continue d'être narrée.
Mais qu'en est-il vraiment ? Nous avons cherché à savoir qu'elle était la part de mythe et celle de réalité.
A lire aussi : Dans les coulisses du parc de la Tête d'Or

Chapitre 2
Un jardin pour les Lyonnais qui n'en ont pas

Les masses de feuilles qui ondulent avec les oiseaux qui entrent et sortent en flèche, les roses au fil des floraisons, délavées, débraillées, mais belles, les gamins qui écrasent leur nez contre la vitre pour apercevoir la panthère au zoo. On a tant vu ces scènes que c'est un peu comme s’il avait toujours été là, ce fameux parc.

Avec ses arbres centenaires, ses animaux en semi-liberté et ses statues qui rappellent le passé gallo-romain de la ville, la centaine d'hectares de verdure du parc de la Tête d'Or, comme jaillis de terre au beau milieu de la métropole, est l’une des plus grandes fiertés lyonnaises.

Pourtant, il n‘y a pas si longtemps, il n’y avait absolument rien de ce côté-ci du Rhône. Toute la vie lyonnaise était concentrée sur la presqu’île et sur les bords de Saône. Jusqu’à la moitié du XXe siècle, le 6e arrondissement d’aujourd’hui n’était qu’un gigantesque marécage impraticable.

Vue du site avant le début des travaux\Archives de Lyon
Vue du site avant le début des travaux\Archives de Lyon
A l'époque, on parlait pourtant déjà du domaine de la Tête d'Or pour désigner le lieu où se situe le parc actuellement.
L'origine de ce nom remonte à des siècles plus tôt et implique un mystérieux trésor enseveli sur ces terres.
Chapitre 3
Même histoire, différentes versions
Part 1

Selon la légende, un coffre, dont la pièce maîtresse était une tête de Christ en or, a été enterré il y a bien longtemps dans les marais de l'actuel quartier des Brotteaux. En parler lyonnais, broteau (avec un seul "t") signifie d'ailleurs marécage.
Le magot aurait été caché par les membres d'un ordre secret de templiers, par des chevaliers revenus de croisades, des barbares ou encore par un riche marchand juif. Même histoire, différentes versions. Et elles sont toutes justes. C'est ça qui est beau avec les légendes, il suffit d'y croire pour qu'elles existent.
D'après Fabien Niuti, responsable pédagogique au pôle développement durable de la direction des Espaces verts et historien spécialiste du Moyen-âge, la théorie d'un coffre enfoui n'est pas impossible.
Mais selon lui, aussi loin que l'on puisse remonter dans les archives, le terrain a toujours appartenu aux Hospices de Lyon, donc à l'archevêché. Si un trésor contenant une tête de Christ en or a effectivement été enterré, il appartenait probablement à l’Église. Il aurait pu être caché pour éviter qu'il ne soit pillé lors d'une invasion à la fin du premier millénaire, de l'occupation sarrasine de Lyon en 725 ou encore à l'automne 1572 lors de la guerre de religion provoquée par le massacre de la Saint-Barthélémy.
Mais peu importe qui a bien pu le cacher, ce coffre. Son emplacement est resté secret. Et, malgré de nombreuses tentatives, personne n'a jamais pu remettre la main dessus.
C'était il y a si longtemps qu'aucune trace écrite ne peut l'attester. Mais au fil des siècles, la légende prenant de l'ampleur, le terrain qui sépare Lyon de Villeurbanne, là où repose supposément le trésor, est devenu le domaine Tête d'Or.
Mais l'histoire ne s'arrête pas là. Et le mystérieux trésor aurait refait surface au moment de la création du parc.

Chapitre 3
Même histoire, différentes versions
Part 2

Au début du XIXe siècle, en pleine révolution industrielle, le visage de Lyon est sur le point de changer. Avec les avancées technologiques et l'arrivée des machines, de nombreux Canuts se retrouvent sans emploi et la tension monte. Une révolution gronde sur la ville.
À la même période, le maire de Lyon et préfet du Rhône (pas de problème de cumul des mandats à l'époque), Claude-Marius Vaïsse, souhaite s'inspirer de ce qui se fait à Paris avec les travaux du baron Haussmann : des rues plus larges, plus propres et mieux organisées. Le projet d'un parc, "afin d'offrir un jardin à ceux qui n'en ont pas", est lancé.
Avec les avancées technologiques, il y a de moins en moins de travail à la campagne et beaucoup de paysans venant de l'Isère et de la Bresse s'installent à Lyon. Le parc est un moyen de leur rappeler la verdure qu'ils ont quittée.
Une partie du terrain est alors rachetée à l’évêché par la municipalité et le maire convainc Villeurbanne de céder quelques hectares supplémentaires en assurant que la proximité du parc attirera de riches habitants dans la commune. En réalité, il n'en sera rien. La vue depuis Villeurbanne sera complétement obstruée par les murs et le chemin de fer. La totalité des grandes villas bourgeoises est donc construite sur la rive lyonnaise.
Le projet du parc, initié au milieu du XIXe siècle et basé sur le bois de Boulogne à Paris ou Hyde Park à Londres est très ambitieux. Les travaux imaginés sont gigantesques. Comme à cette époque, les Canuts en colère n'ont plus de travail, la main d’œuvre est toute trouvée : les tisseurs de soie qui avaient fait la renommée internationale de la ville vont piocher.
Un jour, alors qu'il creuse inlassablement pour créer le lac artificiel, l'un des canuts enrôlés sent son outil se heurter à quelque chose de dur. Et chaque coup de pioche éclate dans un bruit métallique. Alors qu'une pluie torrentielle s'abat sur le chantier, il se penche hâtivement, gratte la terre à deux mains, et tombe sur un vieux coffre rouillé. Après avoir brisé le loquet à coup de marteau, il découvre ce que beaucoup cherchaient depuis longtemps. Au milieu de piécettes et de vieux parchemins, une énorme tête de christ en Or brille, immaculée. Surprise et contemplation sur le chantier.
De part et d'autre, ses camarades de pioche observent la scène médusés. En découvrant que le précieux coffre a été retrouvé, ils sont soudain pris d'une jalousie incontrôlable. En silence, ils s'approchent alors du pauvre canut et, envoutés par une rage folle, le passent à tabac. Le sang gicle et la bagarre dégénère. Des coups de pioches sont échangés et finissent leurs courses contre des crânes. Des os sont brisés, des vies enlevées.
Finalement, l'un des ouvriers prend le dessus. Seul au milieu des corps inertes, il relève la tête en silence. Autour de lui, la désolation. Trempé par la pluie qui s'abat toujours sur le chantier, il s'empare alors du christ doré qui trainait maintenant dans la boue et part, laissant ses compagnons pour morts, gisants face contre terre.
Alors qu'il s'éloigne le trésor à la main, une larme se met à couler sur le visage du christ en or. Puis une deuxième et bientôt, ce sont des litres et des litres. Attristé devant une telle scène de violence, il pleure toutes les larmes du corps qu'il n'a plus. La terre creusée se remplit alors à toute vitesse, noyant le dernier canut qui s'accroche désespérément au trésor durement acquis.
Et c'est ainsi que naquit le lac du parc de la Tête d'Or.
Enfin, c'est ce que raconte la légende.

Chapitre 4
Un peu d'histoire
Assassinat et idées reçues

Un terrain cédé gratuitement ? Vraiment ?

Archives de Lyon
Archives de Lyon
Contrairement à une croyance populaire, le site du parc n'a jamais été cédé à la mairie par la propriétaire en échange d'une promesse de gratuité. La famille Lambert, qui occupait une petite ferme sur le terrain, n'était pas propriétaire et payait, en échange de l'exploitation, une taxe à l’évêché. " C'est le terrain du jardin des Chartreux, dans les pentes de la Croix-Rousse qui a été donné par la comtesse de Suffren, rétablie Fabien Niuti. Les gens font la confusion car il a été aménagé par les mêmes architectes (les frères Denis et Eugène Bühler) et le même commanditaire (Claude-Marius Vaïsse) que le parc de la Tête d'Or. Quatre ans plus tôt, le maire voulait tester les compétences de ses architectes avant de les engager pour de plus importants travaux".
De nombreuses évolutions
Depuis son ouverture en 1857, seulement un an après le début des travaux, le parc a beaucoup évolué. Et de nombreuses autres installations ont vu le jour.
- La partie zoologique et le jardin botanique ont été créés respectivement en 1865 et 1887.
- La roseraie, quant à elle, plus contemporaine, fut conçue en 1961.

Archives de Lyon
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Mais en fait, il mesure combien exactement ce parc ?
-Le site officiel lyon.fr, la box question/réponse de Google ainsi que le site de la métropole grandlyon indiquent tous les trois le chiffre de 105 ha
- Wikipedia et le site officiel du parc affirment de leur côté qu'il mesure 117 ha
-D'après nos propres recherches sur carte, le parc mesurerait à peine plus de 104 ha, lac compris, soit plus de 145 terrains de foot.
La porte des Enfants du Rhône

À son ouverture, il n'y avait pas encore de véritables portes pour accéder au parc. Rapidement, des lyonnais en ont profité pour voler des plantes, s'y retrouver le soir pour des ébats extra-conjugaux et pratiquer toutes sortes de larcins.
Pour mieux contrôler les horaires d'ouverture, les autorités ont fait construire des barrières et des portes, notamment celle des Enfants du Rhône.
Même s'il n'a jamais été question de faire payer l'entrée, les Lyonnais ont eu peur que cette fameuse porte leur coûte leur liberté dans le parc. Les travaux ont été maintes fois repoussés et, lorsqu'ils ont commencé, ont mis beaucoup plus de temps que prévu.
En effet, la nuit, des lyonnais détruisaient ce qui avait été construit dans la journée pour ralentir l'avancée des travaux.
Des forces de police en permanence sur les lieux ont été nécessaires pour les mener à bien.
L'exposition universelle
En 1894, l'exposition universelle, internationale et coloniale est organisée au parc de la tête d'Or.
Une gigantesque coupole métallique est installée, d'où le nom de pelouse de la coupolle pour désigner le premier jardin, en entrant par la porte des enfants du Rhône.
Un certain nombre de pavillons ont pour thématiques les colonies françaises dont un palais de l’Algérie, un palais de la Tunisie, un palais de l’Indochine, un palais de l’Afrique occidentale

Archives de Lyon
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L'évènement, qui devait faire la renommée mondiale de Lyon en recevant près de 4 millions de visiteurs, a malheureusement été entaché par des scènes de violences contre la population italienne dans l'exposition et dans la ville à la suite de l’assassinat du président de la République : Sandi Carnot.

Dans un contexte d'agitation syndicale et anarchiste, les lois restreignant les libertés individuelles et la presse venant d'être votées, Sadi Carnot est l'une des cibles du mouvement anarchiste. Il est mortellement blessé d'un coup de poignard par l'anarchiste italien Sante Geronimo Caserio le 24 juin 1894, alors qu'il quittait, par une issue secondaire pour éviter la foule, un banquet organisé à la chambre de commerce à l'occasion de l'exposition.
Chapitre 5
Fouilles marines
Enfin la vérité


En 2021, l'équipe de plongeurs Odysseus a organisé une importante opération au lac de la Tête d'Or. L'objectif était d’effectuer un référencement des espèces, faune et flore subaquatiques, de cartographier les fonds ou encore de mesurer la santé du plan d'eau.
C'était la première fois, depuis sa création en 1857 que quelqu'un plongeait dans le lac.
On allait enfin savoir. Si une énorme tête de Christ en or reposait au fond du lac, ils allaient forcément la trouver.
Mais rien. Pas une seule pièce d'un quelconque trésor.
Comme la vérité est décevante
Ci-dessous, le reportage vidéo sur les fouilles du lac pour terminer l'enquête