Attaque de fourgons blindés : le Rhône, terre de braqueurs

De l'affaire Toni Musulin
au braquage à 9 M€ d'août 2020

Retour sur les plus gros braquages
du département

Photo Progrès/Joël PHILIPPON

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L’attaque spectaculaire du 28 août dernier à Lyon d’un transport de fonds, pour un butin estimé à 9 millions d’euros, rappelle que la région, bastion du grand banditisme, a conservé sa "tradition" de terre de braqueurs professionnels. La Suisse voisine constitue un nouvel eldorado pour le milieu.

Retour sur les braquages de fourgons qui ont marqué le département depuis la plus spectaculaire et la plus médiatique, en 2009 : l'affaire Toni Musulin.

A Lyon et en Rhône-Alpes s’est développée historiquement une culture du vol à main armée qui est persistante. Il y a peu d’endroits sur le territoire national où cette culture est aussi présente.

Yann Sourisseau, patron de l’Office central de lutte
contre la criminalité organisée,
en septembre 2020

Affaire
Toni Musulin

Le casse du siècle

Le 5 novembre 2009, le fourgon de la société Loomis conduit par Toni Musulin est retrouvé vide à Lyon. Il était censé contenir 11,6 millions d'euros. Photo Progrès/Philippe JUSTE

Le 5 novembre 2009, le fourgon de la société Loomis conduit par Toni Musulin est retrouvé vide à Lyon. Il était censé contenir 11,6 millions d'euros. Photo Progrès/Philippe JUSTE

Le 5 novembre 2009, le fourgon de la société Loomis conduit par Toni Musulin est retrouvé vide à Lyon. Il était censé contenir 11,6 millions d'euros. Photo Progrès/Philippe JUSTE

C'est par une froide journée d'automne que le plus gros braquage de ce début de XXIe siècle en France est commis. Le 5 novembre 2009, le convoyeur de fonds Toni Musulin fait sa tournée habituelle dans les rues de Lyon. Soudain, il fausse compagnie à ses deux collègues. Au volant du fourgon blindé, il prend la fuite avec 11,6 millions d'euros.

Un vol audacieux, vite baptisé le « casse du siècle ».

La photo de Toni Musulin diffusée pour son avis de recherche. Photo DR

La photo de Toni Musulin diffusée pour son avis de recherche. Photo DR

La photo de Toni Musulin diffusée pour son avis de recherche. Photo DR

Le camion de la société Loomis est retrouvé trois heures après sa disparition dans la banlieue lyonnaise. Vide. Les sacs de billets chargés à la succursale lyonnaise de la Banque de France se sont envolés…

9,1 millions retrouvés dans un garage

Suspect numéro un de ce vol sans violence, Toni Musulin, salarié de Loomis depuis dix ans, est aussitôt recherché dans toute l’Europe.

Deux jours plus tard, dans un box du 8e arrondissement de Lyon, la police judiciaire retrouve une grosse partie du butin, 9,1 millions d’euros. Le parking a été loué sous une fausse identité mais le propriétaire a reconnu Musulin grâce à sa photo largement diffusée dans les médias.

Une grosse partie du butin est retrouvée quelques jours après le braquage dans un box du 8e arrondissement. Photo Police judiciaire

Une grosse partie du butin est retrouvée quelques jours après le braquage dans un box du 8e arrondissement. Photo Police judiciaire

Une grosse partie du butin est retrouvée quelques jours après le braquage dans un box du 8e arrondissement. Photo Police judiciaire

Deux questions subsistent : où est le reste du magot ? Et surtout, où se trouve Toni Musulin ?

Le fugitif, alors âgé de 39 ans, demeure introuvable. Onze jours après le braquage, le 16 novembre, il se rendra finalement à la police monégasque, au terme d’une mystérieuse cavale, qui l'a notamment mené en Italie.

Remis le même jour à la police française et placé en garde à vue, il se mure dans le silence puis avoue le vol, tout en niant avoir conservé les 2,5 millions d’euros manquants.

Un train de vie luxueux

Le 18 novembre 2009, l’ex-convoyeur est mis en examen pour vol et tentative d’escroquerie. Ce dernier chef d'accusation se rapporte à une fausse déclaration à l’assurance pour le vol de sa Ferrari six mois plus tôt.

Car, en dépit de son salaire de 1 500 €, l’énigmatique convoyeur mène grand train, roule en voiture de luxe et possède une société civile immobilière.

Dans l’attente de son procès, il est écroué à la prison de Corbas à l’isolement pour éviter les pressions. Il encourt cinq ans de prison.

Lors du procès en appel de Toni Musulin, en septembre 2010. Photo Progrès/Philippe JUSTE

Lors du procès en appel de Toni Musulin, en septembre 2010. Photo Progrès/Philippe JUSTE

Lors du procès en appel de Toni Musulin, en septembre 2010. Photo Progrès/Philippe JUSTE

Son procès s’ouvre le 11 mai 2010 à Lyon. À la barre, Musulin justifie son acte en évoquant "un souci avec mon patron".

Se disant victime de brimades, d’humiliations, il assure que la rancœur envers son employeur a motivé son geste et jure ne pas avoir dissimulé les 2,5 millions disparus.

Musulin est condamné à trois ans de prison ferme. Le parquet avait requis cinq années. Il fait appel. Et, le 2 novembre 2010, voit sa peine alourdie à cinq ans de prison ferme.

Rebondissement en 2019

Musulin sort de prison en octobre 2013, après quatre années derrière les barreaux. Disparu des radars depuis sa libération, Toni Musulin voit même son histoire portée au cinéma dans le film 11,6 avec François Cluzet dans le rôle du convoyeur de fonds.

Il a fallu attendre le 25 juin 2019 pour un nouveau rebondissement. Ce jour-là, Toni Musulin est placé en garde à vue à Londres, puis relâché deux jours plus tard. Le convoyeur de fonds est interpellé alors qu’il tente de changer 50 000 € en espèces, dans un bureau de change de la capitale anglaise. Il effectue un premier change de 4 000 livres sterling (4500 €), en disant qu’il va revenir pour changer de nouveau 75 000 livres (84 000 €) contre des espèces. Ce qui attire l’attention de l’établissement financier. Aux enquêteurs anglais, il affirmé que cet argent liquide provient de la vente… d’une Ferrari. Mais son arrestation relance les interrogations sur la disparition des millions lyonnais.

Où est passé le reste du butin ? Volé et mis à l’abri lors de son périple à moto en direction de la Serbie ? Il a toujours nié. Le mystère reste à ce jour entier.

73 kilos d'or dérobés
dans une spectaculaire attaque

Le 12 décembre 2016,  un fourgon transportant 70 kg d'or est braqué, chemin du Dodin, à Dardilly. Les malfaiteurs incendient leurs véhicules avant de prendre la fuite. Photo Progrès/Richard MOUILLAUD

Le 12 décembre 2016, un fourgon transportant 70 kg d'or est braqué, chemin du Dodin, à Dardilly. Les malfaiteurs incendient leurs véhicules avant de prendre la fuite. Photo Progrès/Richard MOUILLAUD

Le 12 décembre 2016, un fourgon transportant 70 kg d'or est braqué, chemin du Dodin, à Dardilly. Les malfaiteurs incendient leurs véhicules avant de prendre la fuite. Photo Progrès/Richard MOUILLAUD

Un fourgon banalisé braqué. 73 kilos de poudre d’or volés. Une valeur marchande de 2,5 millions d'euros. Quatre voitures incendiées. Les convoyeurs bloqués, sauvés par les gendarmes. Récit d’une attaque hors norme, à la sortie de l’autoroute A6.

« C’est du haut niveau », glisse un enquêteur de la police judiciaire de Lyon. Renseignée, déterminée, nombreuse, une équipe chevronnée est à l’origine de l’attaque d’un fourgon banalisé, le 12 décembre 2016 à Dardilly avec, à la clé, un butin de 70 kilos d’or, d’une valeur de 2,5 millions d’euros.

Le fourgon détourné à la sortie de l'autoroute

Les malfaiteurs disposaient d’un renseignement précis. Ils savaient qu’un fourgon sans signe distinctif était parti de Besançon (Doubs), pour livrer à Lyon un stock de poudre d’or, destinée à l’industrie. Ils s’étaient préparés en conséquence.

Vers 9 heures, le fourgon a été détourné et immobilisé sur la bretelle de la sortie numéro 34 de l’autoroute A6. Là, un malfaiteur a pris le volant. Le fourgon a été transféré quelques centaines de mètres plus loin, chemin de la Brocardière. Un endroit situé en contrebas de l’autoroute, à l’écart, discret, sans caméra de surveillance. La scène a pris de l’ampleur avec l’arrivée simultanée de quatre voitures, disposées autour du fourgon et en travers de la route, pour empêcher toute arrivée intempestive.

Au moins six malfaiteurs

Les malfaiteurs ont transporté les sacs d’or qui étaient posés sur une palette à l’arrière du fourgon. Il s'agit de granules destinées à la fabrication de bijoux. Ils ont laissé les deux convoyeurs à l’arrière du fourgon. Puis ils ont incendié les voitures, pour éviter toute trace compromettante.

Grain de sable dans ce ballet huilé, un malfaiteur a pris feu en jetant un cocktail incendiaire dans un véhicule. Ses complices ont éteint les flammes avec une couverture. Ce contretemps a été vu par des témoins, depuis le lycée horticole situé tout près. Une fois le butin chargé et les voitures incendiées, les malfaiteurs ont pris la fuite, à bord de deux autres voitures.

Les faits se sont déroulés vers 9 heures, à proximité d'un lycée horticole. Plusieurs témoins ont assisté à l'attaque. Photo DR

Les faits se sont déroulés vers 9 heures, à proximité d'un lycée horticole. Plusieurs témoins ont assisté à l'attaque. Photo DR

Les faits se sont déroulés vers 9 heures, à proximité d'un lycée horticole. Plusieurs témoins ont assisté à l'attaque. Photo DR

Quatre véhicules utilisés pour barrer la route au fourgon ont été incendiés. Photo Progrès/Richard MOUILLAUD

Quatre véhicules utilisés pour barrer la route au fourgon ont été incendiés. Photo Progrès/Richard MOUILLAUD

Quatre véhicules utilisés pour barrer la route au fourgon ont été incendiés. Photo Progrès/Richard MOUILLAUD

Alertés et les premiers sur place, les gendarmes ont immédiatement déplacé le fourgon. Le feu menaçait de se propager. Une voiture incendiée était garée contre la porte arrière du fourgon. Les convoyeurs étaient bloqués à l’intérieur. La carrosserie commençait à noircir.

La gendarmerie a mis en place un dispositif de recherche avec de multiples barrages et contrôles. Une soixantaine de militaires ont été mobilisés. En vain.

La piste du banditisme régional

Les limiers de la police judiciaire, en charge de l'enquête, disposent de premiers éléments vus par les convoyeurs et témoins : des armes longues, dont un fusil de type kalachnikov, des tenues noires avec cagoules. Les malfaiteurs sont au moins six, compte tenu du nombre de voitures utilisées. Peut-être plus, beaucoup plus. « Une dizaine, c’est possible », avance une source proche de l’enquête.

Les voitures étaient volées. Dont une au moins dans la région lyonnaise, ce qui pourrait ouvrir une piste en direction du banditisme régional. « Il y a très longtemps qu’on n’avait pas vu une organisation aussi précise », commente un commissaire d’expérience. Un défi pour la brigade de répression du banditisme.

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Près de quatre ans après les faits, les braqueurs n'ont toujours pas été arrêtés et le butin n'a jamais été retrouvé.

Les malfaiteurs ont abandonné le fourgon avec les convoyeurs à l'intérieur. L'incendie d'une voiture, utilisée par les braqueurs, commençait à se propager au fourgon à l'arrivée des gendarmes. Photo Progrès/Richard MOUILLAUD

Les malfaiteurs ont abandonné le fourgon avec les convoyeurs à l'intérieur. L'incendie d'une voiture, utilisée par les braqueurs, commençait à se propager au fourgon à l'arrivée des gendarmes. Photo Progrès/Richard MOUILLAUD

Les malfaiteurs ont abandonné le fourgon avec les convoyeurs à l'intérieur. L'incendie d'une voiture, utilisée par les braqueurs, commençait à se propager au fourgon à l'arrivée des gendarmes. Photo Progrès/Richard MOUILLAUD

Un fourgon rempli d'or
braqué à l'arme lourde

Le fourgon a été piégé dans une bretelle à la sortie de l'A89. Photo Progrès/Richard MOUILLAUD

Le fourgon a été piégé dans une bretelle à la sortie de l'A89. Photo Progrès/Richard MOUILLAUD

Le fourgon a été piégé dans une bretelle à la sortie de l'A89. Photo Progrès/Richard MOUILLAUD

Une camionnette contenant des métaux précieux braquée, quatre véhicules volontairement incendiés, plusieurs hommes très lourdement armés : ce spectaculaire scénario s’est joué le mercredi 12 avril 2017 à La Tour-de-Salvagny, en bordure de l’A89. Quatre mois plus tôt, un autre braquage, aux contours quasi similaires, s’était déjà produit tout près, à Dardilly, avec un vol de 73 kg de paillettes d’or à la clé.

Une attaque rapide

C’est à nouveau une équipe de malfaiteurs manifestement très expérimentés qui est à l’origine de l’attaque d’un fourgon ce mercredi matin. Selon des informations recueillies sur place, il transportait de la poudre d’or et des bijoux. Le montant du préjudice n’a pas été communiqué par les autorités.

L’attaque, très rapide d’après plusieurs témoins, a eu lieu vers 9h30, sur une bretelle de sortie de l’A89, dans le sens Lyon/Tarare.

L'incendie des véhicules des malfaiteurs et des fourgons était visible depuis l'autoroute. Photo DR

L'incendie des véhicules des malfaiteurs et des fourgons était visible depuis l'autoroute. Photo DR

L'incendie des véhicules des malfaiteurs et des fourgons était visible depuis l'autoroute. Photo DR

Un fourgon blanc banalisé, qui arrivait de Besançon avec deux convoyeurs à son bord, était engagé dans la sortie S24-S26 de l’autoroute, en direction de La Tour-de-Salvagny/Lozanne, lorsqu’il a été piégé par trois véhicules. Deux d’entre eux n’ont pas hésité à traverser un terre-plein central et à prendre un sens interdit pour arriver face au camion, l’obligeant à s’arrêter. Un troisième véhicule s’était, au même moment, positionné derrière le fourgon pour empêcher toute tentative de retrait.

Quatre malfaiteurs encagoulés

Bloqués au milieu de la bretelle de sortie, les deux convoyeurs ont été contraints de descendre de leur véhicule sous la menace d’armes, par au moins quatre malfaiteurs encagoulés et lourdement équipés. Ils possédaient en effet des fusils d’assaut.

Ils se sont emparés du butin, avant de mettre le feu au fourgon et à trois de leurs véhicules, pour ne pas laisser de traces compromettantes. Parfaitement organisés, ils ont ensuite pris la fuite à bord d’une quatrième voiture, en direction de Lozanne ou de La Tour-de-Salvagny. Les deux convoyeurs ont été choqués, mais aucun d’entre eux n’a été blessé.

Les malfaiteurs ont incendié les véhicules avant de prendre la fuite. Photo Progrès/Yoann TERRASSE

Les malfaiteurs ont incendié les véhicules avant de prendre la fuite. Photo Progrès/Yoann TERRASSE

Les malfaiteurs ont incendié les véhicules avant de prendre la fuite. Photo Progrès/Yoann TERRASSE

"J'ai aperçu plusieurs hommes avec des armes"

« C’est allé très vite, a confié un automobiliste, témoin direct de la scène. J’ai aperçu plusieurs hommes avec des armes et de l’agitation autour du fourgon. Après, tout s’est embrasé. » Au vu des circonstances de ce braquage, les malfaiteurs semblaient donc disposer de renseignements très précis, avec une connaissance de l’itinéraire de ce fourgon appartenant à la société Témis.

Dans la foulée, d’importants moyens ont été déployés par les forces de l’ordre avec la mise en place d’une trentaine de patrouilles pour tenter d’arrêter le véhicule en fuite. Un hélicoptère a également sillonné le secteur. Sans succès. Les gendarmes et l’identification criminelle sont restés un long moment sur la scène du braquage pour dénicher d’éventuels indices. L’enquête a été confiée à la police judiciaire de Lyon.

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Si la piste du grand banditisme a été très vite privilégiée par les enquêteurs, les malfaiteurs restent à ce jour introuvables.

Spectaculaire braquage raté
sur l'A43 :
le fourgon était vide

Photo Progrès/Joël PHILIPPON

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Des malfaiteurs puissamment armés ont bloqué un fourgon vide, sur la bretelle en direction de l’aéroport de Lyon Saint-Exupéry, le 10 juillet 2019 au matin. Trois convoyeurs ont été légèrement blessés, et les braqueurs ont incendié les véhicules.

Ils ont attaqué un fourgon vide. Les braqueurs avaient pourtant déployé les grands moyens, mais le butin se trouvait dans un autre véhicule : conformément au protocole de sécurité de la société de transport de fonds.

Armés de fusils d'assaut

À 10 h 40, un piège se referme sur un fourgon blindé de la société Prosegur, sur la bretelle entre l’A43 et l’A432 qui conduit à l’aéroport. Deux fourgons le prennent en tenaille, et les convoyeurs se retrouvent bloqués. Plusieurs individus, armés de fusils d’assaut et équipés de gilets pare-balles, surgissent des véhicules et braquent les trois convoyeurs.

La tentative de braquage a eu lieu sur la bretelle d'accès à l'autoroute A432 depuis l'A43, à Saint-Laurent-de-Mure. Photo Progrès/Joël PHILIPPON

La tentative de braquage a eu lieu sur la bretelle d'accès à l'autoroute A432 depuis l'A43, à Saint-Laurent-de-Mure. Photo Progrès/Joël PHILIPPON

La tentative de braquage a eu lieu sur la bretelle d'accès à l'autoroute A432 depuis l'A43, à Saint-Laurent-de-Mure. Photo Progrès/Joël PHILIPPON

Les braqueurs, entre cinq et sept selon différents témoignages, menacent, semble-t-il, de faire sauter la porte du fourgon avec un explosif. Mais la présence d’un explosif n’est toutefois pas avérée au début de l’enquête.

Les malfaiteurs ont-ils compris qu’ils n’ont pas attaqué le bon fourgon ? Toujours est-il qu’ils ne s’éternisent pas. Ils incendient leurs deux fourgons et prennent la fuite à bord d’une voiture, au moins : une Audi A4 noire retrouvée avant midi, brûlée sur un chemin de terre à Villette d’Anthon (Isère).

Les braqueurs brûlent leurs fourgons

L’alerte est donnée rapidement et, à l’arrivée des pompiers et des gendarmes, les fourgons des braqueurs sont embrasés. Celui des convoyeurs, dont l’avant touche l’un des véhicules, commence à prendre feu. Les trois convoyeurs, légèrement blessés et choqués, sont pris en charge par les pompiers et évacués vers un hôpital.

Le parquet de Lyon a saisi la Juridiction interrégionale spécialisée (JIRS) de Lyon, et l’enquête pour « tentative de vol à main armée en bande organisée et association de malfaiteurs » a été confiée à la police judiciaire.

Une fois les véhicules incendiés éteints, les enquêteurs de la PJ et les techniciens de la police scientifique ont investi les lieux pour procéder aux premières auditions et aux relevés des traces et indices.

Les braqueurs ont loupé
un fourgon à 8 M€

Un fourgon blindé peut en cacher un autre. C’est une hypothèse que cette équipe de malfaiteurs n’avait pas envisagée, et la cause de leur cuisant échec : les 8 M€ en or convoités leur sont passés sous le nez.

Car ce jour-là, deux fourgons Prosegur se suivaient à quelques minutes d’intervalle. Le premier fourgon répondait à une commande passée par une société basée à l’aéroport le matin même. L’équipe devait récupérer de l’argent à l’aéroport. C’est donc ce fourgon que les malfaiteurs ont pris en filature depuis le dépôt Prosegur situé dans le 8e arrondissement de Lyon. Et qui a été la cible de leur attaque.

Des rapprochements avec une attaque à Lausanne

Quelques minutes plus tard, un deuxième fourgon sortait de ce même dépôt, et prenait lui aussi la direction de l’aéroport où l’attendait un avion à destination de l’Espagne. Mais apprenant le sort que venait de subir le précédent fourgon, la seconde équipe a immédiatement rebroussé chemin. Les trois agents, dont deux ont été légèrement blessés, étaient pris en charge par les sapeurs-pompiers. Ils ont, depuis, repris du service.

Les investigations n’ont pas cessé à la DIPJ de Lyon, en charge de l’enquête. Des rapprochements sont envisagés avec l’équipe qui, dans la nuit du 19 au 20 juin 2019, a attaqué un fourgon dans la région de Lausanne (Suisse), faisant main basse sur plusieurs dizaines de millions de francs suisses. Le scénario est similaire. Une seconde enquête a été ouverte après l’attaque avortée du 10 juillet, visant notamment le chef de bord du fourgon.

Photo Progrès/Joël PHILIPPON

9 millions d'euros dérobés

Une attaque éclair pour un butin colossal

Photo Progrès/Joël PHILIPPON

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C’est le plus gros braquage commis en France depuis l’affaire Musulin en 2009, et à nouveau à Lyon. Vendredi 28 août 2020, un fourgon de la société Loomis qui venait de sortir d’une succursale de la banque de France a été attaqué et vidé de son contenu. Il fallait oser. Butin : 9 millions d’euros.

Pas un seul coup de feu, pas de blessés et un butin colossal. La région lyonnaise n’avait pas connu une attaque d’un fourgon blindé sur ses terres depuis plus de trois ans. Là, les malfaiteurs ont agi à Lyon même, en plein jour, et ont pris la fuite sans encombre. Il était à peine 9 heures ce vendredi quand un panache de fumée noire visible des kilomètres à la ronde s’est dressé dans le ciel.

A Gerland, rue Pierre-Sémard dans le 7e arrondissement, la femme du gardien du cimetière israélite entend un bruit violent. Elle craint le pire mais comprend que ce sont des pneus qui viennent d’exploser sous l’effet de la chaleur. A une cinquantaine de mètres de là, plusieurs véhicules brûlent. « La fumée était impressionnante », confie-t-elle.

Plusieurs malfaiteurs lourdement armés ont bloqué le fourgon peu avant 9 heures rue Pierre-Sémard. Photo Progrès/Joël PHILIPPON

Plusieurs malfaiteurs lourdement armés ont bloqué le fourgon peu avant 9 heures rue Pierre-Sémard. Photo Progrès/Joël PHILIPPON

Plusieurs malfaiteurs lourdement armés ont bloqué le fourgon peu avant 9 heures rue Pierre-Sémard. Photo Progrès/Joël PHILIPPON

Une rue peu fréquentée

Elle n’a pas été témoin de la scène qui s’est jouée à cinquante mètres. Ni elle, ni les ouvriers qui travaillent sur le chantier du cimetière, ni un employé d’une société, ni une riveraine dont les fenêtres donnent pourtant sur la rue. Les passants ? Ils sont peu nombreux dans cette rue empruntée le plus souvent par ceux qui se rendent à la fourrière municipale. C’est là pourtant qu’est installée une succursale de la Banque de France.

Pris dans un étau entre deux camionnettes

Il était donc à peine 9 heures quand un fourgon de transports de fonds de la société Loomis a été coincé par deux camionnettes, une devant, une derrière. Il venait de sortir de la Banque de France pour poursuivre sa tournée. Dans la cabine, les convoyeurs ont très vite compris que leur route s’arrêterait ici. Plusieurs malfaiteurs lourdement armés, de six à huit selon les témoignages recueillis par les enquêteurs, ont surgi devant eux, les ont contraints à ouvrir les portes avant de s’emparer des sacs de billets. Le butin est énorme : selon le parquet de Lyon, le préjudice s’élève à neuf millions d’euros.

Le fourgon a été pris en étau. Photo Progrès/Joël PHILIPPON

Le fourgon a été pris en étau. Photo Progrès/Joël PHILIPPON

Le fourgon a été pris en étau. Photo Progrès/Joël PHILIPPON

Les braqueurs ont fui en direction de Solaize

Les braqueurs incendient les deux camionnettes puis prennent la fuite dans deux voitures, une puissante Audi A6 et un Volkswagen Touareg. La Police judiciaire fait appel à l’hélicoptère de la gendarmerie pour pister les fuyards. Les deux véhicules seront retrouvés à Solaize, aux abords de la route du Rhône sur l’île de la Table ronde. Une barrière a été forcée pour cacher l’Audi et le Touareg et les brûler à l’abri des regards.

Les deux voitures ont été retrouvées à proximité de la D36 qui traverse l’île de la Table Ronde entre Solaize et Vernaison.  Photo Progrès/Maxime JEGAT

Les deux voitures ont été retrouvées à proximité de la D36 qui traverse l’île de la Table Ronde entre Solaize et Vernaison. Photo Progrès/Maxime JEGAT

Les deux voitures ont été retrouvées à proximité de la D36 qui traverse l’île de la Table Ronde entre Solaize et Vernaison. Photo Progrès/Maxime JEGAT

Ce butin en billets de banque est le plus important en France depuis le fameux vol d’un fourgon Loomis à Lyon en 2009 commis par l’un des convoyeurs. Toni Musulin s’était volatilisé avec 11,6 millions d’euros.

« On est arrivé alors qu’ils chargeaient les sacs »

Si l’attaque du fourgon s’est déroulée presque incognito, elle aurait pu tourner au drame si les malfaiteurs n’avaient pas gardé leur sang-froid. Car il y a eu des témoins directs. Alors qu’ils étaient en pleine action, les braqueurs ont vu arriver un groupe d’adolescents et leur professeur de sports.

Un face-à-face qui n’a duré que quelques secondes dans un silence glacial.

« Moi, je n’ai pensé qu’à mettre mes élèves à l’abri »

« On arrivait de la rue Massimi, perpendiculaire à la rue Pierre-Sémard, et on est tombé sur des mecs armés de fusils d’assaut qui chargeaient des sacs dans des voitures. Ils étaient cagoulés, ils nous ont braqués sans rien dire », déclare leur entraîneur encore secoué au Progrès. « On était à 30 mètres d’eux. Les gars sont restés à distance et n’ont pas ouvert le feu. Moi, je n’ai pensé qu’à mettre mes élèves à l’abri et j’ai à peine regardé. On est passé très vite et on s’est réfugié dans le club. L’important c’est qu’on soit sain et sauf. »

Choqués par la scène, les adolescents, membres d’un club de sports, ont été entendus dans la matinée par des adultes pour évacuer ces images traumatisantes.

« Une attaque audacieuse », selon Loomis

Le PDG de Loomis France, Michel Tresch, s’est déclaré surpris par cette « attaque audacieuse ». « L’essentiel, c’est que les convoyeurs soient sains et saufs », a-t-il ajouté.

Les trois employés sont extrêmement choqués, selon le délégué CGT Loomis, Kader Bengueche. Ils seront reçus par une psychologue de l’entreprise, afin « de pouvoir absorber ce choc moral ». Les transporteurs suivent des « formations assez poussées pour s’extraire de guet-apens […] et là, ce qui est particulier, c’est qu’ils ont ouvert la porte aux braqueurs », a-t-il souligné. «De ce que je crois savoir, tous n’étaient pas forcément rompus à l’exercice du transport de fonds en Banque de France», exercice «qui demande une certaine dextérité», a-t-il ajouté. Le syndicaliste a aussi demandé l’ouverture d’une enquête interne.

Les zones d'ombre d'un braquage pas ordinaire

Après l’attaque éclair, l’apparente facilité avec laquelle les malfaiteurs ont pu opérer en étonne plus d’un.

Le matin du 10 juillet 2019, un fourgon blindé Proségur avait été attaqué sur une bretelle de l’A43 qui conduit à l’aéroport. Il avait été pris en tenaille entre deux camionnettes blanches qui avaient été ensuite incendiées. Comme ce vendredi 28 août à Lyon, les braqueurs avaient déployé les grands moyens mais le fourgon était vide . Un raté spectaculaire.

Est-ce la même équipe qui est passée à l’action cette fois ? Seule l’enquête menée par la division criminelle la Direction interrégionale de la police judiciaire (DIPJ) de Lyon pourra le dire. Pour l’heure, la facilité avec laquelle les malfaiteurs ont pu opérer étonne.

« Ce n’est pas logique ce qui s’est passé à Lyon »

À commencer par les professionnels du transport de fonds. « Ce n’est pas logique ce qui s’est passé à Lyon, s’interroge Denis, délégué CFDT chez Loomis. Il n’y a pas eu de coups de feu, le butin est parti comme une lettre à La Poste ! J’ai trouvé bizarre que les braqueurs aient pu ouvrir les portes du fourgon. Un équipage ne peut pas ouvrir toutes les portes en même temps. C’est impossible. On ne peut les actionner qu’une par une. » Ce syndicaliste s’étonne aussi du peu de résistance des vitres du fourgon blindé. Les flammes ? Pas suffisant, estime-t-il.

En cas d’attaque, la consigne est de déclencher le système de balisage situé dans le compartiment du chauffeur et du responsable, ce qui a été fait, et c’est ce qui a permis d’alerter la police.

Une vingtaine de sacs de billets

Les malfaiteurs ont-ils usé de moyens suffisamment persuasifs pour se faire remettre le butin et bloquer toute tentative de riposte ? « Qu’est-ce qu’ils avaient en face d’eux pour qu’ils ne se risquent pas à les retenir ? », s’interroge un bon connaisseur du milieu. « Les convoyeurs sont armés et peuvent en faire usage mais en même temps, ils sont très peu payés, ils ne sont pas là pour mourir », relève un spécialiste du grand banditisme.

Ancien truand et auteur de plusieurs braquages de transporteurs de fonds, Alain Chémédikian ne cache pas non plus sa stupéfaction après ce casse. Il connaît cette rue dépourvue de caméras de vidéosurveillance. « Je n’ai jamais vu ça : pas un seul coup de feu ! Personne n’a résisté, ils n’ont pas essayé non plus de reculer ou de tirer de l’intérieur du camion. Le butin leur a été servi sur un plateau ! »

Pour rappel, le fourgon avait été pris en étau entre deux camionnettes une centaine de mètres seulement après avoir quitté la succursale de la Banque de France et cerné par six à huit individus.

Ce matin-là, les malfaiteurs sont tombés sur le « gros lot » : une vingtaine de sacs en plastique contenant 9 millions d’euros. « Tous les camions ne se baladent pas avec une telle somme, remarque le syndicaliste de Loomis. À la Banque de France, il arrive que certains repartent vides. Il fallait choisir le bon fourgon. »

L'attaque a eu lieu à la sortie d'une succursale de la Banque de France. Photo Progrès/Maxime JEGAT
Photo Progrès/Maxime JEGAT