Les pieds à Stuttgart,
les yeux vers Tokyo

L’objectif premier des Françaises, qui compteront dans leurs rangs trois gymnastes du Pôle France de Saint-Étienne, est la qualification pour les JO 2020. L’occasion est également belle d’entrer dans l’histoire de la gymnastique tricolore en décrochant une médaille par équipe.
Sur le praticable de Stuttgart, les regards seront rivés à l’est. Attention tout de même à bien garder la tête froide lors de ces championnats du monde, qualificatifs pour les Jeux olympiques de Tokyo, l’an prochain. Pour voir l’Asie, les Françaises devront terminer dans les douze premières du classement par équipe (sur vingt-quatre) en Allemagne. Largement à leur portée. « Si les filles font leur travail et que ça se passe comme on le souhaite, la qualification olympique devrait passer », lance Éric Hagard, l’un des quatre entraîneurs tricolores, en compagnie notamment de son épouse, Monique. Emmenées par Mélanie De Jesus Dos Santos, les Bleues compteront également sur deux autres pôlistes stéphanoises, Lorette Charpy et Aline Friess. Marine Boyer (Insep) et Claire Pontlevoy (DRA Centre-Val-de-Loire) complètent la sélection. « On a vraiment confiance en cette équipe. Elle match ensemble depuis longtemps », assure le coach.
Le plein d’énergie et de confiance
Suffisant pour rêver à une médaille par équipes, ce que la France n’a jamais réussi à faire dans son histoire. Éric Hagard sent ses athlètes prêtent pour l’événement. L’entraîneur a en tout cas tout fait pour les mettre dans les meilleures dispositions. « La charge de travail a diminué avant les Mondiaux. Il faut que les filles arrivent fraîches, qu’elles aient de l’influx nerveux pour aborder la compétition. L’objectif est qu’elles puissent recharger en énergie et en confiance pour aborder la quinzaine avec un maximum de pêche. » Les Françaises devront également s’adapter au praticable allemand, différent de celui dans l’hexagone au niveau « des pivots et des réceptions. » Pour éviter la chute et une cruelle désillusion.



« Si les filles font leur travail et que ça se passe comme on le souhaite, la qualification olympique devrait passer »

À maturité
Mélanie De Jesus Dos Santos



À 19 ans, la gymnaste du Pôle France de Saint-Étienne tentera de décrocher sa première médaille dans un championnat du monde. La compétition démarre vendredi, à Stuttgart.
Sa voix fluette contraste avec sa détermination féroce. À 19 ans, Mélanie De Jesus Dos Santos va participer à ses troisièmes championnats du monde. Toujours placée (5e à Montréal en 2017, 6e à Doha en 2018 au concours individuel), jamais médaillée, la gymnaste du Pôle France de Saint-Étienne n’a qu’une obsession en tête. « Mon objectif personnel est de monter sur la boîte. Pour une fois », sourit-elle.
« Le titre ? Non, car il y aura Simone Biles »
Auréolée du titre de championne d’Europe à Szczecin (Pologne) en avril, la Martiniquaise arrive à Stuttgart avec plus de certitudes. « Avant, je n’avais pas vraiment le niveau pour faire un podium aux Mondiaux. Je suis plus mature aujourd’hui », assure-t-elle. Son entraîneur au Pôle France et en équipe de France, Éric Hagard, partage l’avis de sa protégée : « Je la sens très bien. Elle est déterminée et a envie de réussir. Sur les deux précédentes éditions, elle a fait des petites erreurs qui ne lui ont pas permis de faire un podium. Cette année, elle a annoncé la couleur. »
Sauf cataclysme, elle ne pourra être que d’argent ou de bronze. Car en gymnastique, l’Everest culmine à 1,45 m et semble pourtant impossible à renverser. « Le titre ? Non, parce qu’il y aura Simone Biles », rit Mélanie De Jesus Dos Santos, lucide. L’Américaine, invaincue au concours général depuis six ans, toutes compétitions confondues, est la reine incontestée de la discipline. « Elle a un programme fort. Elle peut se permettre de faire des erreurs, de tomber. L’an dernier, elle a chuté deux fois mais a été championne du monde », lance la Française. « La première place est impossible à aller chercher. Ce serait un miracle si cela se produisait. Il y a des notes de départ qui font la différence et Simone à 2.10 points d’avance sur Mélanie », explique Éric Hagard.

Derrière, les concurrentes se tiennent et la lutte s’annonce acharnée. « Le niveau est très relevé. Les Russes seront là, les Italiennes reviennent fort. Cela va se jouer à la réussite et il faudra faire le match parfait », analyse l’entraîneur. Malgré une récente entorse à la cheville, Mélanie De Jesus Dos Santos semble plus que jamais armée pour réaliser son rêve et entrer dans l’histoire : jamais une Française n’a été médaillée dans un concours individuel aux championnats du monde. Elle peut aussi espérer une breloque au sol, son agrès de prédilection.
Charpy contre elle-même
Elle a longtemps porté sur son visage les stigmates de son accident survenu à l’entraînement, un jour d’août 2018. « Oui, ça m’a marquée. Quand j’ai repris, je n’y pensais pas tellement. C’est venu plus tard », avoue Lorette Charpy. Pour chasser ses idées noires, la poliste stéphanoise s’entretient de temps en temps avec une préparatrice mentale. « Elle m’aide vraiment à aborder les grandes compétitions. On essaye ensemble de régler les petits soucis. Ça commence à partir », explique la jeune femme de 17 ans. « Depuis petite, elle fait parfois des blocages sur les rotations arrière. Sa chute l’a également marquée psychologiquement.
À l’approche des grosses échéances, elle s’en souvient même si c’est inconscient. C’est pour cela qu’on travaille son mental en profondeur », complète Éric Hagard. Cela a l’air de fonctionner puisque l’Ardéchoise a glané le bronze à la poutre, sa spécialité, aux derniers championnats d’Europe. Lorette Charpy espère faire aussi bien lors de ces mondiaux allemands. « Je serai prête au bon moment. Ma médaille m’a donné de la confiance mais je ne m’arrête pas sur ça. Je continue à travailler. » Et à se battre contre elle-même, son adversaire le plus redoutable.

Coup de Friess chez les Bleues



À 16 ans, pour sa première sur la scène internationale chez les seniors, Aline Friess a fait sensation. La pôliste stéphanoise a décroché la quatrième place du concours général des Jeux européens, en juin, manquant le bronze d’un cheveu. Sélectionnée avec l’équipe de France pour les championnats du monde, la jeune fille a « hâte de montrer que ce n’était pas un coup de chance ». La native d’Obernai (Bas-Rhin), pas épargnée par les blessures lors des deux dernières saisons, n’a jamais lâché, montrant une grosse force de caractère. « Je pense que ma blessure (à la cheville, NDLR) m’a rendue plus forte », assure-t-elle. Si elle ne pourra pas disputer la finale au saut de cheval (il faut deux sauts différents pour y entrer, elle n’en compte qu’un seul), elle sera précieuse pour l’équipe.
« C’est l’une des meilleures gymnastes françaises dans cette discipline. Grâce à la grosse note qu’elle va rentrer, elle rapportera des points. Ce n’est que du bonheur de la voir se battre avec tout son cœur, son enthousiasme et sa technique »
Il pourrait bien avoir un avant et un après Stuttgart pour Aline Friess si elle parvient à confirmer tous les espoirs placés en elle.