3 septembre 1944 :

Retour sur une journée qui a marqué l'histoire de la ville.

3 septembre 1944

Lyon reprend son souffle après des années de lutte, asphyxiée par l’occupation nazie. De Klaus Barbie à Paul Touvier, en passant par les différents bombardements, la ville a souffert. L’arrivée de la 1re Division de la France libre, de la 1re Division blindée française, des Francs-Tireurs et Partisans et des Forces françaises de l’intérieur, dont beaucoup de soldats sont issus des colonies, est vécue comme un véritable soulagement, une renaissance. 

Les ponts de la ville dynamités 

La veille, les Allemands, au courant de l’arrivée des troupes alliées, se sont empressés de quitter le territoire. Avant de se reculer, ils organisent, sous les ordres d’Hitler, la destruction des ponts entre Rhône et Saône afin de retarder le passage des soldats français.

La ville tremble sous les multiples détonations. Seuls trois ponts résistent à l’attaque : la passerelle Saint-Vincent, le viaduc de chemin de fer de Saint-Irénée et le pont de l’Homme de la Roche, maintenu grâce aux résistants. Parmi les édifices qui se sont écroulés ce jour-là, certains n’ont jamais été reconstruits. 

 Johan Peter Schreinemacher en 2014. (Photo d'archives Le Progrès/ Cyrille SEUX)

Johan Peter Schreinemacher en 2014. (Photo d'archives Le Progrès/ Cyrille SEUX)

Johan Peter Schreinemacher en 2014. (Photo d'archives Le Progrès/ Cyrille SEUX)

Johan Peter Schreinemacher :
“J’ai fait sauter des ponts de Lyon” 

En août 2014, cet ancien soldat allemand avait accepté de se livrer au Progrès, et pour la première fois de sa vie, sur son implication dans la destruction des ponts, ce fameux 2 septembre 1944.

« On est allé chercher les bombes au fort Montluc. Il ne restait plus grand-chose. Il y avait un groupe pour les ponts du Rhône, un autre pour ceux de la Saône. Sur la Saône, on était douze. On plaçait deux bombes de 200 kilos pour une arche. » Il reste à surveiller, des heures durant, le pont Tilsitt, la peur au ventre, avant l’explosion. Dans la nuit du 1er au 2 septembre, les ponts sont détruits… Le jeune homme poursuit sa fuite vers le nord-est. Elle sera courte. Le lendemain, il est arrêté. « Dans la montée de Champagne par des maquisards », selon son fils Bertrand. Johan Peter Schreinemacher fête ce jour-là ses 19 ans. La fin d’un calvaire. « J’étais content », soufflait-il. Content d’être vivant après une lutte à laquelle il « ne croyait plus. Le Fuhrer ? C’était des imbécillités. On n’avait pas conscience de tout ce qui s’était passé… Je ne pensais qu’à sauver ma peau », insistait le grand-père lors de l'interview.

Il passe « 48 mois et 19 jours » en captivité, de Villefranche à Saint-Fons. « On nous crachait dessus. On nous traitait de sales boches… C’était normal. Ils nous avaient eus cinq ans sur le dos », se remémorait-il. Emprisonné jusqu’en 1948, il est resté ensuite dans la capitale des Gaules, grâce notamment à l’aide de la riche famille Devay. Il s’est éteint le 22 octobre 2014, à l’âge de 89 ans.

 Johan Peter Schreinemacher, le soldat entouré en noir

Johan Peter Schreinemacher, parmi les autres soldats

Johan Peter Schreinemacher, parmi les autres soldats

Le pont Kitchner sur la Saône. (Photo d'archives Le Progrès/DR)

Le pont Kitchner sur la Saône. (Photo d'archives Le Progrès/DR)

Le pont Kitchner sur la Saône. (Photo d'archives Le Progrès/DR)

Le pont de l'Université sur le Rhône. (Photo d'archives Le Progrès/DR)

Le pont de l'Université sur le Rhône. (Photo d'archives Le Progrès/DR)

Le pont de l'Université sur le Rhône. (Photo d'archives Le Progrès/DR)

Le pont Mouton sur la Saône. (Photo d'archives Le Progrès/DR)

Le pont Mouton sur la Saône. (Photo d'archives Le Progrès/DR)

Le pont Mouton sur la Saône. (Photo d'archives Le Progrès/DR)

Les libérateurs de Lyon passent devant l'hôpital de Grange-Blanche. (Photo d'archives Le Progrès/DR)

Les libérateurs de Lyon passent devant l'hôpital de Grange-Blanche. (Photo d'archives Le Progrès/DR)

La foule rue de la République pour la Libération de Lyon. (Photo d'archives Le Progrès)

La foule rue de la République pour la Libération de Lyon. (Photo d'archives Le Progrès)

Les libérateurs de Lyon passent devant l'hôpital de Grange-Blanche. (Photo d'archives Le Progrès/DR)

La foule rue de la République pour la Libération de Lyon. (Photo d'archives Le Progrès)

La foule rue de la République pour la Libération de Lyon. (Photo d'archives Le Progrès)

L' arrivée des forces françaises

Ces destructions, pourtant méthodiques, n’ont pas empêché le Général Diego Brosset, commandant de la 1re Division de la France libre d’entrer dans Lyon ce 2 septembre après-midi, grâce au pont de l’Homme de la Roche, resté intact.

Il faut dire que les troupes allemandes, croyant à tort que les forces françaises sont nombreuses et allègrement armées, ont battu en retraite, facilitant ainsi leur accès à la ville. Wiesce, chef de la 19e armée allemande donne l'ordre à ses soldats de fuir et seuls quelques miliciens restent retranchés à Lyon.

Après un tour d'horizon, les Résistants comprennent vite que peu d'occupants persistent dans l'Ouest lyonnais. Le chef des unités FFI, le colonel Descour, en est informé et donne alors l'ordre d'entrer dans Lyon. Il est rejoint par le commandant Bousquet et ses troupes, venus de Bourgoin.

A 15 h 30, leurs groupes se réunissent devant la préfecture et dressent le drapeau français à croix de Lorraine. Les Allemands restés sur place ouvrent le feu en réaction à cet acte symbolique.

Yves Farges, nommé commissaire de la République pour la région par le Général De Gaulle, est présent lors de l'attaque. Dans son récit sur la Libération, il raconte :"Les fenêtres de la préfecture volent en éclats. Des rafales de fusil-mitrailleurs prennent en enfilade le grand escalier. Nous nous plaquons contre les murs; nous nous mettons à plat ventre. Notre entrée, si elle avait voulu revêtir d'une certaine solennité, est ratée."

Les troupes coloniales défilent le 3 septembre pour la Libération de Lyon.

Les troupes coloniales défilent le 3 septembre pour la Libération de Lyon. (Photo d'archives Le Progrès/DR)

Les troupes coloniales défilent le 3 septembre pour la Libération de Lyon. (Photo d'archives Le Progrès/DR)

Le Général Rilliard, Diego Brosset, le 3 septembre 1944. (Photo d'archives Le Progrès/DR)

Le Général Rilliard, Diego Brosset, le 3 septembre 1944. (Photo d'archives Le Progrès/DR)

Le Général Rilliard, Diego Brosset, le 3 septembre 1944. (Photo d'archives Le Progrès/DR)

Le Général Rilliard, Diego Brosset, le 3 septembre 1944. (Photo d'archives Le Progrès/DR)

Le Général Rilliard, Diego Brosset, le 3 septembre 1944. (Photo d'archives Le Progrès/DR)

Lyon libre

Il est neuf heures environ, ce dimanche 3 septembre, lorsque le Général Diego Brosset gagne l'hôtel-de-ville au volant de sa jeep.

Des miliciens retranchés sur le toit ouvrent le feu et tentent de disperser la foule réunie autour des libérateurs. Les Forces françaises libre (FFL), arrivées au petit matin, ripostent et mettent fin au règne des collaborateurs. Les FFL perdront une trentaine d’hommes ce jour-là, mais ont grandement participé à la libération de Lyon. Petit à petit, les drapeaux tricolores apparaissent et les voix s’unissent pour entonner la Marseillaise.

Chasser les derniers occupants

La vie reprend. Il faut dire que quelques jours plus tôt, il n'y avait plus de tramways, les usines et les magasins étaient fermés. Les rues subissaient la terreur de l'occupant, qui n'a pas hésité à tirer à l'aveugle sur les passants, mettre le feu à certains édifices et voler des vélos, avant de prendre la fuite.

Les jours suivant la Libération, les forces françaises s’attellent à faire partir les derniers occupants, secteur après secteur, jusqu'à les dernières fusillades, le 5 septembre.

Lyon, “capitale de la Résistance” 

Moins de deux semaines plus tard, le Général De Gaulle se rend à Lyon afin d’inaugurer sa tournée des villes libres. Une foule en liesse l’attend, impatiente, sur la place des Terreaux. C’est là qu’il prononcera un discours rendant hommage aux Résistants rhodaniens : “Comment dire à Lyon toute l'émotion, toute la gratitude que je ressens dans cette capitale gauloise qui fut ensuite la capitale de la Résistance française et qui est aujourd'hui une très grande ville de notre France, couverte de blessures.” 

Les premiers défilés de la Libération. (Photo d'archives Le Progrès)

Les premiers défilés de la Libération. (Photo d'archives Le Progrès)

Le défilé lors du 70e anniversaire de la Libération de Lyon, le 3 septembre 2014. (Photo d'archives Le Progrès/ Frédéric Chambert)

Le défilé lors du 70e anniversaire de la Libération de Lyon, le 3 septembre 2014. (Photo d'archives Le Progrès/ Frédéric Chambert)

Les premiers défilés de la Libération. (Photo d'archives Le Progrès)

Le défilé lors du 70e anniversaire de la Libération de Lyon, le 3 septembre 2014. (Photo d'archives Le Progrès/ Frédéric Chambert)

Le défilé lors du 70e anniversaire de la Libération de Lyon, le 3 septembre 2014. (Photo d'archives Le Progrès/ Frédéric Chambert)

 Emile Brémond, directeur du Progrès à l'époque de la Seconde Guerre mondiale. (Photo d'archives Le Progrès)

Emile Brémond, directeur du Progrès à l'époque de la Seconde Guerre mondiale. (Photo d'archives Le Progrès)

Emile Brémond, directeur du Progrès à l'époque de la Seconde Guerre mondiale. (Photo d'archives Le Progrès)

Hélène Brémond, fille de Léon Delaroche, un des pères fondateurs du journal et épouse d'Emile Brémond. Egalement dirigeante du titre.

Hélène Brémond, fille de Léon Delaroche, un des pères fondateurs du journal et épouse d'Emile Brémond. Egalement dirigeante du titre.

Hélène Brémond, fille de Léon Delaroche, un des pères fondateurs du journal et épouse d'Emile Brémond. Egalement dirigeante du titre.

Le retour du journal Le Progrès

En novembre 1942, Le Progrès sait que les troupes allemandes arrivent en zone non occupée, en réaction au débarquement allié en Afrique du Nord. Que ce soit à l’étage de la direction ou à celui de la rédaction, l’ambiance y est, en effet, lourde. À la douleur de voir le pays encore plus asservi s’ajoutent des interrogations sur le devenir même du journal. Pour avoir rechigné à appliquer les mesures de censure édictées par Vichy, Le Progrès a déjà enduré deux interdictions de paraître.

Avec, maintenant, l’omniprésence de l’occupant, la situation ne peut s’améliorer. Désormais, l’alternative qui se présente est simple. Soit se soumettre et entrer dans le jeu de la collaboration. Soit prendre le risque de disparaître, peut-être définitivement, mais conserver l’honneur. C’est ce choix second qui sera celui de la direction, en plein accord avec la rédaction. À savoir celui du sabordage. 

Au petit matin du 12 novembre, les lecteurs tiennent, sans le savoir, le dernier numéro du quotidien (n°30 037) dont la suite ne paraîtra que deux ans plus tard. En effet, ce n’est que le 8 septembre 1944, après la Libération, que sortira le numéro 30 038. 

R. R

Le 3 septembre 1944, Lyon fête sa libération. Ici, lors d'un défilé devant le siège du Progrès, situé à l'époque rue de la République à Lyon. (Photo d'archives Le Progrès)

Le 3 septembre 1944, Lyon fête sa libération. Ici, lors d'un défilé devant le siège du Progrès, situé à l'époque rue de la République à Lyon. (Photo d'archives Le Progrès)

Le 3 septembre 1944, Lyon fête sa libération. Ici, lors d'un défilé devant le siège du Progrès, situé à l'époque rue de la République à Lyon. (Photo d'archives Le Progrès)

Les rotatives sont de nouveau lancées mais ce n'est pas vraiment un journal qui paraît. Il s'agit d'une feuille, tout au plus. Après le départ des Allemands et des derniers Vichystes, il n'est pas aisé de trouvé du papier et ce sera le cas pendant longtemps. Si les pages ne fluctuent pas, le symbole, lui, est bien présent. Le retour du journal, créé en 1859, marque cette liberté retrouvée après les difficultés imposées par l'Occupation.

Parmi les quelques lignes de ce nouveau numéro on peut lire : "Le Progrès a tenu jusqu'à la Libération. Avec la liberté reconquise, Le Progrès reprend sa place et se remet au service de la liberté".

Liesse sur le pont de la Guillotière pour la Libération. (Photo d'archives Le Progrès)

Liesse sur le pont de la Guillotière pour la Libération. (Photo d'archives Le Progrès)

Liesse sur le pont de la Guillotière pour la Libération. (Photo d'archives Le Progrès)

Liesse sur le pont de la Guillotière pour la Libération. (Photo d'archives Le Progrès)