Comment le lynx est préservé

Il existe un seul et unique centre en France qui accueille le lynx, le soigne et le relâche une fois prêt et il est basé dans le Jura.

Recueillir, soigner et réhabiliter

Depuis 1987, le Centre Athénas, au coeur du Jura, à l'Etoile, tout près de Lons-le-Saunier, a vocation à "recueillir, soigner et réhabiliter des spécimens de la faune sauvage européenne pour les relâcher dans le milieu naturel dans un souci de sauvegarde des espèces."
Ainsi, lynx, hérissons, rapaces, tortues ou encore chiroptères, sont accueillis par le centre, son directeur, ses deux employés et trois personnes en service civique.

Photo Marie Redortier

Le hérisson est l'animal le plus accueilli au Centre Athénas. Photo Marie Redortier

Depuis plus de 30 ans, le Centre Athénas a recueilli plus de 18 000 animaux blessés et couvrent un rayon de 11 départements. Si le lynx est le combat principal de l'équipe, il n'est pas l'animal qui est le plus représenté au cœur de leurs infrastructures. En effet, présent uniquement sur l'Arc Jurassien (Jura, Vosges, nord des Alpes, Haute-Savoie, de Belfort à Annecy), la population enregistrée et connue à ce jour est la même depuis plusieurs années, à savoir plus ou moins 120 adultes. Au centre, ce sont maximum une dizaine de spécimens qui sont amenés chaque année... Et pas toujours dans un très bon état...

Selon Gilles Moyne, directeur, soigneur et créateur du Centre Athénas, entre 2 et 10 individus par an sont amenés, 11 l'an dernier. "Souvent, c'est un cas de collision, ou des jeunes dont la mère est morte. La plupart du temps, quand ils arrivent chez nous, on ne peut plus rien faire. On essaye de sauver le maximum d'animaux, mais ce n'est pas toujours facile. "

Le centre a de plus en plus d'appels concernant les lynx. " On a mis en place une cellule de veille, surtout en automne et en hiver. Il y a aussi beaucoup de braconnage. En fonction des appels, on va sur place, et si on remarque le danger, on met en place une procédure avec piège photo, puis une cage si c'est nécessaire. "

Sur 23 alertes l'année dernière, "nous sommes intervenus 13 fois et nous avons récupéré ou capturé 11 spécimens." Depuis l'existence du centre, 52 lynx ont été accueillis. Quinze ont été relâchés avec un traceur GPS qui permet un suivi sur quelques mois, jusqu'à ce que la batterie lâche. "Après, on n'a plus d'informations. La nature suit son chemin."

Photo Marie Redortier

Photo Marie Redortier

Actuellement, le centre accueille, en pension prolongée, puisque qu'ils ne seront jamais relâchés, deux lynx de Sibérie, issus d'un trafic, ainsi qu'une femelle victime très jeune d'un trauma crânien. "Son rôle dans le centre est d'accompagner les plus jeunes que nous recueillons avant qu'on ne les relâche."

Afin de lutter au mieux pour la préservation de la race, en 2018, le Centre a financé, grâce à des partenaires privés et publics, l'extension de ses locaux. Ils ont créé un tout nouveau bâtiment pour accueillir les lynx. Plus de box, mais surtout plus de place. En 2015, accueillir plus de cinq de ces félins en enclos restait complexe. Aujourd'hui, suite à la construction du nouveau bâtiment de 774 m² fin 2018, "le lynxodrôme" comme l'appelle le directeur du centre Athénas, ils peuvent en héberger jusqu'à 15.

Ici, l'un des lynx accueilli par le centre actuellement dans un box du nouveau bâtiment créé fin 2018.

Ici, l'un des lynx accueilli par le centre actuellement dans un box du nouveau bâtiment créé fin 2018. Photo Marie Redortier

Ici, l'un des lynx accueilli par le centre actuellement dans un box du nouveau bâtiment créé fin 2018. Photo Marie Redortier

Cette veille, sur un aussi grand territoire, est surtout possible grâce à un réseaux développé. L'association compte 900 adhérents, mais surtout plus de 300 correspondants, de la mère de famille en passant par le retraité ou l'amateur d'oiseaux. Ils sont repartis sur tout le territoire et suivent une formation auprès de l'équipe du centre.
Leur rôle, si on les contacte, est de récupérer des animaux blessés et de les amener à l'Etoile, ou de faire un relais jusqu'à une commune où une navette finira le trajet jusqu'à l'Etoile, afin que les soigneurs puissent prendre la bête en charge.

Carte Ferus

Carte Ferus

De plus en plus de lynx sur le territoire ?

C'est sûrement la question que Gilles Moyne entend le plus. Y a-t-il de plus en plus de lynx en France et plus précisément dans le Jura ? "Je dirais surtout qu'il y a de plus en plus de personnes qui possèdent un smartphone et qui postent sur les réseaux sociaux."
Ces vidéos de lynx qui se multiplient, les personnes se demandant si l'animal n'a plus assez à manger pour sortir de la forêt et se mettre ainsi à nu, sont un faux problème. "Le territoire n'a pas bougé depuis des années, la population, selon les derniers chiffres, est assez stable. Un lynx a un territoire bien défini et ne le partage pas. Un grand territoire même, long et large de plusieurs dizaines de km, il est donc possible de voir la même bête à plusieurs endroits. "

Les autres activités
du centre

Le lynx n'est pas le seul animal qui préoccupe
l'équipe du Centre Athénas

Soigneur et volontaires: jour après jour, ils luttent à la protection de la faune sauvage

Nina et Laura tiennent précautionneusement entre leurs mains deux jeunes hérissons. Ils sont à peine âgés d'une dizaine de jours. A l'aide de seringues, elles leurs font ingérer du sondalis, une denrée alimentaire hyperprotéinée et hypercalorique, pour une bonne croissance des bébés. Les petits mammifères ont probablement perdu leur mère, comme nombre de leurs pairs, suite à un accident de tondeuse, leur abri étant installé au cœur d'un jardin.

Photo Marie Redortier

Photo Marie Redortier

Le hérisson: animal le plus secouru

Avec 350 mammifères recueillis chaque année, le hérisson est l'animal le plus secouru par le Centre Athénas. "Nous devons les maintenir au chaud pour ne pas risquer l'hypothermie et être vigilants quant à leur nutrition", confie Laura en regardant l'un des nouveaux-nés.

A 24 ans, elle s'est engagée en service civique au Centre Athénas. Deux autres jeunes comme elle poursuivent leurs missions, dans le cadre du service civique, au sein de l'association. Durant plusieurs mois, entre 6 et 9 mois, ces amoureux de la nature vont pouvoir en apprendre plus sur la sauvegarde et réhabilitation de la faune sauvage.

Jusqu'à 2 500 animaux accueillis par an

Reconnu d'Intérêt général, le Centre Athénas est la seule structure en France à travailler à la protection du lynx, en soignant les bêtes, puis en les relâchant dans leur milieu naturel. Des lynx, des aigles, des hiboux, des tortues ou encore un jeune héron. Actuellement, 150 pensionnaires peuplent le lieu caché dans les hauteurs de l'Etoile. Chaque année, l'équipe recueille jusqu'à 2 500 animaux.

Des animaux qui ne sont pas domestiqués

Quentin vient de sortir de la nursery maintenant une drôle de boite. Lorsqu'il l'ouvre, apparaît une chauve-souris, à l'air apeuré. Il s'en saisit. "Vous voyez, elle est désorientée, car nous l'exposons à la lumière du jour. C'est un animal nocturne, elle se sent agressée." Là encore la manipulation d'animaux sensibles et non habitués à la détention s'avère délicate.

Photo Marie Redortier

Photo Marie Redortier

"C'est notre responsabilité à tous"

Soigner et nourrir ces bêtes blessées avant leur possible relâche dans la nature: c'est la mission des volontaires. Ils sont épaulés par Nina, seule employée de l'association, engagée au centre en qualité de soigneur. Ses gestes sont assurés, ses connaissances accrues, pourtant Nina, comme ses camarades, reste fascinée par le soin de ces animaux sauvages, qu'ici, au centre Athénas, ils côtoient au quotidien. "Agir pour réduire l’impact néfaste de notre mode de vie sur la faune relève pour moi de la responsabilité de tous," confie-t-elle.

Photo Marie Redortier

Photo Marie Redortier

Aidés par les correspondants

Pour Christine Piotte et Christophe Dassonneville, ça fait 6 ans. Six ans qu'ils sont correspondants. "On est ornithologues et naturalistes. On fait partie de la LPO ( Ligue pour la protection des oiseaux ). On s'est toujours intéressé au centre et aux oiseaux plus précisément."
Le jour où nous les avons rencontrés, le duo d’ornithologues amenait d'ailleurs un nouveau patient à Gilles Moyne. La bête était seule, clouée au sol depuis plusieurs jours dans un champs, un rapace blessé à l'aile.

Soigneur, directeur et correspondants. Photo Marie Redortier

Soigneur, directeur et correspondants. Photo Marie Redortier

"On fait beaucoup de randonnée, on est attentifs. Et puis les gens, au fur et à mesure, savent que nous travaillons avec le centre, alors on nous appelle." Le sauvetage du jour, le rapace, se serait blessé, un gros choc selon les premières constatations, avant de rester immobilisé au sol, sans nourriture, pendant plusieurs jours. Sa chance ? "Cet animal, quand il est blessé, fait le mort. C'est une caractéristique de sa race."

Bien sûr, tous ses animaux ne survivent pas, c'est d'ailleurs pour cela que le centre a un taux de relâché brut et net. "Brut, ça comprend tous les animaux, même ceux qui arrivent morts au centre ou qui meurent dans les heures qui suivent suite à leurs blessures. Pour le taux net, par exemple, sur le hérisson, on est à 75 % ", explique Gilles Moyne.

Gilles Moyne, à l'origine de tout

Il fait partie du trio créateur d'Athénas. Aujourd'hui, il ne reste plus que lui.

A la tête du Centre Athénas depuis sa création dans les années 80

Plus de 30 ans après la création du Centre Athénas, Gilles Moyne reste fidèle au poste. En 1987, ils sont trois à fonder l'association. "Je suis le plus têtu je crois", s'amuse le directeur. Si les deux autres créateurs n'ont pas souhaité perdurer l'activité, lui a continué sa lutte pour la protection des espèces sauvages. En 1995, il présidait l'association. Trois ans plus tard, il quitte ce poste pour obtenir un statut d'employé au sein du centre.

"Ça a toujours été mon truc"
Gilles Moyne

L'homme a débuté sa carrière de conservateur au sein de la réserve naturelle nationale de l’île du Girard, dans le Doubs, dédiée à la protection des milieux naturels du département: de la flore aux plus de 120 espèces d'oiseaux qui peuplent cette zone fluviale. Gilles Moyne est alors âgé de 23 ans lorsqu'il décide de se lancer dans l'aventure Athénas.

A 55 ans, sa passion est toujours aussi vive. "La protection de la faune, ça a toujours été mon truc." Puis, il y a "ce sentiment d'urgence", qui l'anime. Car si dans les années 90 la chouette, premier animal accueilli par l'équipe associative, est l'étendard du centre, elle est vite remplacée par le lynx. "Une espèce menacée que l'on se doit de protéger." La protection du félidé a fait connaitre le centre à une échelle nationale. "Nous sommes les seuls à œuvrer directement pour sa réhabilitation dans l'hexagone. Puis le lynx a un bon capitale sympathie."

"Je ne me lasse pas"
Gilles Moyne

Avec un budget annuel de 185 000 euros (dons privés, Région Bourgogne-Franche-Comté, Départements du Jura, Côte-d'Or, Doubs, Territoire de Belfort, et Etat) Gilles Moyne espère bien pouvoir encore élargir le champ des possibilités. "Cette association c'est une manière saine de vivre ma passion. Même après plusieurs décennies, je ne me lasse pas de mon activité. Elle est importante et tellement diversifiée."