A Lyon,
Marseille a sa rue

La rue de Marseille est à l’image de son quartier de la Guillotière, dans le 7e arrondissement de Lyon. Fourmillante, cosmopolite, populaire.

Zone d’accueil des « nouveaux arrivés », à la « population plutôt fragile », la rue de Marseille ne présente pas d’immeubles bourgeois ou de standing, mais des constructions basses, typiques des bâtiments industriels et ateliers d’artisans présents au XIXe siècle.

Sur cette artère d’un kilomètre, que la rue de l'Université scinde en deux versants, les épiceries asiatiques côtoient les restaurants indiens et coiffeurs afro côté nord, les coffee shops se juxtaposent aux invasifs bars et boutiques tendance, côté sud.

Des voies ferrées côté Berthelot jusqu’à la place Gabriel-Péri (anciennement « place du Pont »), cœur de l’immigration lyonnaise, toutes les générations, communautés religieuses et classes sociales s’y croisent.

Monuments, commerces, restaurants... On vous emmène en immersion dans une rue historique de Lyon.

Au n°60

La miroiterie Targe, l’entreprise familiale incontournable

A l’angle des rues de Marseille et de l’Université, le bâtiment à la façade art-déco fait forte impression. Même face au paquebot Citroën.

La miroiterie Targe, c’est le « savoir verre ». Une affaire de famille transmise de père en fils sur quatre générations. L’arrière-grand-père Gabriel, cultivateur de la vallée du Gier dans la Loire, a acheté le fonds de commerce du 7, place du Pont (place Gabriel-Péri aujourd’hui) en 1907. Avant de délocaliser son commerce de miroirs et glaces au 60 de la rue de Marseille, à la place d’un café, en 1921.

«La rue de Marseille,
il faudrait la renommer la rue Targe»

Année après année, la famille a pris ses quartiers. Et grignoté sur les bâtiments alentours. L’entreprise occupe désormais cinq blocs d’habitation, sans compter les entrepôts dans les rues voisines. La rue de la Roche, tronçon qui reliait la rue de Marseille à la rue Pasteur, a disparu en 1935 au profit d’une extension d’atelier. Dans le quartier, les promoteurs immobiliers plaisantent à ce sujet : « La rue de Marseille, il faudrait la renommer la rue Targe ».

L’enseigne de la miroiterie est comme figée dans le temps. La façade est d’ailleurs protégée - la famille Targe est tenue de la conserver en l’état. « Miroiterie TARGE », lit-on en lettres blanches espacées sur la devanture vert laqué. Exposés en vitrine, des miroirs de toutes tailles et formes donnent l’illusion d’un magasin de vente au détail. Ce n’est que la partie immergée de l’iceberg, cette activité-là  n’occupant que 20% de la surface totale de l’établissement. Le gros de la superficie est réservé aux ateliers (2500 m²), arrière-boutique XXL où s’entassent des plaques de verre de 6 mètres sur 3 (24 tonnes sont livrées deux fois par semaine via des semi-remorques). Celles-ci seront ensuite découpées, polies ou gravées avant de partir sur les chantiers. Sur les différentes machines, un jeune travaille en doublette avec un salarié chevronné. Chaque année, la miroiterie accueille trois apprentis. Les anciens, en poste depuis 30 ou 40 ans, enseignent les rudiments aux nouveaux. Chez les Targe, tout est question de transmission.

La 3e génération s'émerveille des prouesses de la 4e

Bernard Targe, 80 ans, jamais loin de la miroiterie (il a toujours habité la rue de Marseille), propose une visite des lieux à quiconque se montre un tantinet curieux. Sous le vaste hangar baigné de lumière, les bouts de verre craquent sous les pieds des ouvriers. Il est 9 heures, une tournée viennoiserie s’impose chez les « compagnons » : c’est l’anniversaire du trésorier. Il a apporté les croissants – une tradition dans la boîte, que perpétuent les ouvriers comme les gérants.

A peine le tour fini, le patriarche à l’air malicieux s'empresse de rouvrir ses albums photos souvenirs. Passe en revue les clichés de la berline Citroën C4 de 1931, des fêtes d’anniversaires de la miroiterie, des séjours organisés pour les ouvriers (1200 personnes de 17 nationalités différentes sont passées chez les Targe en 111 ans)... Puis les gros chantiers, de la Halle Tony-Garnier du début XXe jusqu’à la tour Incity de 2015. Ou encore ce mur miroir abritant des écrans télé, récemment installé dans le quartier d'affaires de la Défense, à Paris. Un projet qu’ont mené Stéphane et Guillaume, les fils de Bernard. Ou quand la 3e génération s’émerveille des prouesses techniques de la 4e.

/ Photo Lara Priolet
/ Photo Lara Priolet
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Au nord de la rue de Marseille, des épiceries, supermarchés et restaurants asiatiques. / Photo Marion Saive

Au nord de la rue de Marseille, des épiceries, supermarchés et restaurants asiatiques. / Photo Marion Saive

/ Photo Maxime Jegat

/ Photo Maxime Jegat

AU N°28

Doshilack, la Corée n’a jamais été aussi près

Il est 11 heures, mercredi. Le rideau de fer du restaurant Doshilack, 28, rue de Marseille, est à moitié relevé, en prévision de notre visite fortuite. Sun, cheveux acajou coiffés en queue de cheval et yeux noisette, invite à prendre place autour d’une des tables déjà dressées pour le service du soir. Elle a préparé le thé. La propriétaire des lieux se tient droite, recroquevillée sur sa chaise, mains jointes rapprochées au plus près de sa poitrine. Elle s’empresse de servir un peu d’eau dans un verre en céramique, « au cas où ».

Daniel, 80 ans, s’est assis à sa gauche, contre le mur. Le vieil ami de la cheffe, a tenu à faire le déplacement. Il amorce le dialogue. Très proche de la communauté asiatique, l’ex-comptable retraité a aidé Sun à ouvrir son restaurant quand la mère au foyer a monté son affaire, il y a six ans et demi. «Toute la paperasse administrative, les termes juridiques, la fiscalité… C’est compliqué pour les étrangers », explique l’octogénaire bienfaiteur, qui donne des coups de mains occasionnels, se rémunérant en bières ou saké coréens.

Sun, en cuisine. / Photo Maxime Jegat

Sun, en cuisine. / Photo Maxime Jegat

Rue de Marseille, la communauté coréenne l'a accueillie

Originaire de Corée du Sud, Sun est arrivée il y a seize ans en France. D’abord fixée dans le Beaujolais, elle s’est installée à Lyon pour accompagner sa fille, inscrite en fac de médecine.

Rue de Marseille, la communauté coréenne l’a accueillie. Très vite mise en relation avec « Madame Lee, la mama des Coréens de Lyon », Sun a repris le restaurant « Doshilack » (casse-croûte en coréen), déjà tenu par une Coréenne avant elle. Et n’a pas souhaité changer son nom, pour « assurer la continuité ». C’est sa famille, restée en Corée, qui lui a apporté les fonds nécessaires pour ouvrir son commerce.

A Doshilack, on mange bien entendu coréen : boulgogui (viande marinée puis grillée), jéyuk (porc pimenté), dochji galbi (grillade de porc mariné à la sauce soja) ou koeh dup bap (saumon ou crevettes à la sauce pimentée), accompagnés des traditionnels banchans (petites préparations telles le « kimchi » ou chou chinois fermenté, courgette crue finement taillée, navet blanc, champignons, carottes ciselées, aubergines…) et de riz, « notre pain à nous ».

Les banchans, petites préparations qui accompagnent un plat de viande ou de poisson. / Photo Maxime Jegat

Les banchans, petites préparations qui accompagnent un plat de viande ou de poisson. / Photo Maxime Jegat

Un établissement familial et chaleureux de 32 couverts

Côté déco, tout est « fait-maison », toujours dans la tradition coréenne. Les paroles de l'hymne national sont peintes au mur, au côté de photos et tableaux de temples et paysages de Corée. Les menus, confectionnés à partir de papier recyclé aggloméré, sont ornés de feuilles de bambou. La carte des vins, de personnages en origami coréen, pour représenter les différentes classes sociales du pays.

Sun et sa fille (désormais interne en chirurgie ORL, en 7e année) ont fait de la gargote sombre et austère un petit établissement lumineux et chaleureux de 32 couverts – « Ma fille a supprimé six couverts pour que la salle soit plus aérée », confie Sun d’une voix douce. « Sa fille a surtout fait ça parce qu’elle s’inquiétait de voir sa mère trop travailler », souffle Daniel. Au départ ouvert du mercredi au samedi, midi et soir, le restaurant ne propose plus que quatre services les soirs, du mercredi au samedi, depuis quatre mois. « Je pourrais déléguer en cuisine mais je préfère travailler seule, garder mon savoir-faire », explique la maman. Elle interroge Daniel du regard, pour qu’il confirme le choix de ses mots.

«En Corée, on ne félicite pas le chef»

« Elle travaille dur. Elle est classée 126e sur 3077 sur Tripadvisor, enchaîne ce dernier, admiratif. Les gens viennent souvent l’embrasser en cuisine, ils lui offrent des chocolats… » - « Bah oui écoute, ton travail mérite d’être souligné », ajoute Daniel, qui s'aperçoit de la gêne occasionnée chez son amie. « En Corée, on ne félicite pas le chef. Ici, à la fin du service, je sors de mes cuisines, je vais en salle pour aller rencontrer mes invités, je veux les soigner, tente d’expliquer Sun. Ils me disent ‘’On a voyagé, c’était super bon’’. Et là, la fatigue, la douleur, tout s’envole. C’est dur, mais je suis récompensée, alors j’ai envie de faire encore plus », s’anime la jeune femme, qui passe 15 heures debout les jours d’ouverture du restaurant. « Même si ma fille voudrait que je réduise à 20 couverts », ajoute-elle, tenant l’épaule qui la fait souffrir.

En cuisine et en salle, des étudiants coréens aident Sun. / Photo Maxime Jegat

En cuisine et en salle, des étudiants coréens aident Sun. / Photo Maxime Jegat

Pour se faire épauler, Sun fait appel à de jeunes étudiants coréens. Deux assurent le service en salle, deux autres les commis en cuisine. Un coup de pouce rendu à la communauté. Grâce à leur travail chez Doshilack, les étudiants peuvent financer leurs études à Lyon. Et apprendre, au passage, quelques notions et expressions françaises auprès de Daniel.

/ Photo Maxime Jegat
/ Photo Maxime Jegat
/ Photo Maxime Jegat

/ Photo Bernard Gautheron © Région Rhône-Alpes, Inventaire général du patrimoine culturel © Ville de Lyon

/ Photo Lara Priolet

/ Photo Bernard Gautheron © Région Rhône-Alpes, Inventaire général du patrimoine culturel © Ville de Lyon

/ Photo Lara Priolet

Au n°35

L’ancien garage Citroën, le paquebot immobilier

C’est un emblème du quartier de la Guillotière, connu de tous les Lyonnais. A l’angle des rues de Marseille et de l’Université, l’immense bâtiment trapézoïdal érigé dans l’entre-deux guerres en lieu et place de l’ancienne vitriolerie de la Guillotière, en impose. Par sa stature, ses matériaux, son style art-déco.

En plein boom des années folles, alors que l’automobile rentre peu à peu dans les mœurs françaises, André Citroën se dote d’un service architecture chargé de la réalisation de ses points de vente. A Lyon, le petit magasin de la rue de la République n’est plus en adéquation avec les ambitions du pionnier de l’automobile. La succursale lyonnaise, édifiée rue de Marseille en 1932, est le plus colossal des « palais » réalisés en France à l’époque.

Un pavillon de prestige en bordure de la Nationale 7

Pharaonique, le chantier dure deux ans et nécessite 12 000 m² de sable et gravier, 4000 tonnes de ciment, 1500 tonnes d’acier et le concours de 200 ouvriers. Le bébé d’André Citroën est né. 8300 m3 de béton armé, 40 000 m² de surface répartis sur 5 étages reliés par des rampes d’accès, un hall de 14 mètres de haut émaillé de huit colonnes en béton et d’un carrelage en damier noir et blanc, une façade de 6000 m² entièrement vitrée, une porte accordéon à douze vantaux, des cabines d’ascenseur en tôle pliée... Autant de prouesses signées des architectes Maurice-Jacques Ravazé (maître d’œuvre attitré de la firme Citroën créée en 1919) et Jean Prouvé. Les façades servent de vitrines d’exposition, le rez-de-chaussée est réservé à la commercialisation de voitures neuves, le 1er niveau à la vente d’automobiles d’occasion, les 2e et 3e niveaux aux ateliers de réparation, le 4e au stockage. Des rampes d’accès montantes et descendantes desservent les étages. Derrière les balustrades en ferronnerie, de multiples Rosalie, Trèfle, Traction, 2CV et DS trônent « au parterre, loges et balcons ». Le garage XXL abrite jusqu’à 1000 voitures.

Au-delà de l’exploit architectural, ce pavillon de prestige en bordure de la Nationale 7 – devenu une halte idéale pour les vacanciers avec l’arrivée des congés payés en 1936 - met en avant les progrès mécaniques de la marque aux deux chevrons. Représentatif des années 1930, ce palais de l’automobile (il occupe un pâté de maisons) est inscrit aux monuments historiques en 1992. Dans son intégralité.

Dans le hall d'honneur, la Citroën DS a laissé place à une sculpture dinosaure en tôle rouge. / Photo Lara Priolet

Dans le hall d'honneur, la Citroën DS a laissé place à une sculpture dinosaure en tôle rouge. / Photo Lara Priolet

Une cathédrale Citroën de 135 m de long sur 52 m de large

De cette station-service géante à l’esprit théâtral, le promoteur 6e Sens Immobilier a conservé toutes les fonctions initiales lorsqu’il a racheté les lieux, en 2011. Et préservé l’ossature en béton, les rampes d’accès, la grande verrière, les balustrades et huisseries métalliques de Jean Prouvé.

Rebaptisée « New Deal », la cathédrale Citroën de 135 mètres de long et 52 mètres de large (soit six terrains de foot empilés) a maintenu sa partie concession auto au rez-de-chaussée, jusqu'en 2016 (Leroy Merlin devrait bientôt prendre possession de ces 4600 m² pour y installer un showroom géant).
Depuis le hall d’honneur, éblouissant grâce à son puits de lumière, on admire les galeries et escaliers suspendus qui se superposent sur trois niveaux. Rue Reinach, la monumentale porte de 16 m² a été reconstruite avec plus de 16 tonnes de verre et d’acier. Dans les étages, des bureaux dernier cri, l’école de commerce privée Inseec au 3e, le leader français des assurances pour animaux Santé Vet, ainsi qu'un espace co-working de plus de 3000 m² au 5e. Le bâtiment, ceinturé d’une rampe à chevrons, permet de garer son véhicule à chaque niveau - pour 161 places de parking au total.

Au 5e étage, Now Coworking propose 83 petits bureaux et 19 salles de réunion sur plus de 3000 m². Petit bonus pour les 500 coworkers présents : la vue sur Fourvière côté rue de Marseille, ou sur les Alpes, coté Bechevelin. / Photo Lara Priolet

Au 5e étage, Now Coworking propose 83 petits bureaux et 19 salles de réunion sur plus de 3000 m². Petit bonus pour les 500 coworkers présents : la vue sur Fourvière côté rue de Marseille, ou sur les Alpes, coté Bechevelin. / Photo Lara Priolet

La réhabilitation aura coûté 35 millions d’euros de travaux, nécessité un an de désamiantage et mobilisé 19 architectes, 21 bureaux d’étude et 250 ouvriers. Près d’un siècle après sa création, le paquebot immobilier est toujours à la pointe du progrès, véritable passerelle entre les flancs nord et sud de la rue de Marseille.

/ Photo Lara Priolet
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/ Photo Marion Saive

/ Photo Marion Saive

AU N°19

Le théâtre de l’Uchronie, du spectacle vivant avec le cœur et les tripes                   

Il fait l’angle des rues de Marseille et Jangot. Le théâtre de l’Uchronie a ouvert en 2014, à deux pas de l’église Saint-André, entre une librairie et un salon de coiffure afro. Le Kollectif Mac Guffin, créé en 2003, a investi les murs de l’ancien local de la LMDE (La mutuelle des étudiants) pour y bâtir un lieu culturel à son image.

Depuis quatre ans, un noyau dur de cinq bénévoles propose dans ce petit théâtre de 44 places des spectacles vivants mêlant théâtre, musique et danse. L’Uchronie se veut « un théâtre de proximité, populaire et exigeant », cadre d’emblée Manuel, grand blond à la peau claire et à la barbe parsemée. « Même si ça fait très discours politicien dit comme ça », convient le fondateur de la compagnie, installé au comptoir du théâtre, avec Florian et Marina.

Florian, Marina et Manuel, noyau dur de bénévoles. / Photo Lara Priolet

Florian, Marina et Manuel, noyau dur de bénévoles. / Photo Lara Priolet

Pourquoi l'Uchronie ? « Parce qu'on convoque des univers imaginaires de notre monde et des histoires théâtrales pour donner à voir l'envers de nos décors et de nos évidences. On pense qu'il faut réécrire les histoires pour les comprendre et ouvrir les perspectives, car réfléchir à l'improbable, c'est œuvrer pour le rendre possible. »

Les trois sociétaires dressent le portrait de leur structure associative. Issus du cinéma et de l’audiovisuel, les bénévoles s’occupent du théâtre sur leur temps-libre. Ici, chacun donne de son temps, est polyvalent. « On fait tout : le ménage, la billetterie, la programmation… Il n’y a pas de hiérarchie », résume Florian, jovial barbu à lunettes.

Ovni de la scène culturelle lyonnaise

Ensemble, ils essayent tant bien que mal de faire vivre ce lieu hors du temps. « Ovni de la scène culturelle lyonnaise », le théâtre de l’Uchronie ne bénéficie d’aucunes subventions. « Ce n’est pourtant pas faute d’avoir formulé des demandes auprès des instances culturelles et des municipalités... On nous répond toujours que c’est impossible de nous aider car on ne sait pas à quelle catégorie nous rattacher », explique Manuel. La compagnie doit donc faire appel à ses fonds propres, et l’image de "théâtre éphémère" leur colle (hélas) à la peau. « On ne sait pas si on sera encore là l’an prochain. On a une vision saison par saison, c’est dur de se lancer dans de nouveaux projets. » Avec leur théâtre, Manuel, Florian, Marina et les autres ne gagnent rien. « On essaye juste de perdre le moins de sous possible. » Mais les caisses, comme l’énergie des uns et des autres, commencent à s’épuiser.

Compter sur leurs deniers personnels pour colmater les dégâts

Les trois compères entament un petit tour du propriétaire, fiers de présenter leurs installations, réalisées par leurs soins (la maman de Manuel a cousu les rideaux, les bénévoles ont monté de toutes pièces le box de la régie, le cinéma Saint-Denis de la Croix-Rousse leur a fait don de ses sièges rouges rembourrés). « Oh non, la misère », s’écrie Manuel, perché sur un escabeau. En tirant le rideau, il s’est aperçu que l’étoffe était déchirée sur quinze centimètres. « Manquait plus que ça, une galère de plus ». La compagnie devra, une fois encore, compter sur ses deniers personnels pour colmater les dégâts - chaque semaine, le théâtre perd 220 euros. Pour stopper l’hémorragie budgétaire, le collectif a mis en place un service de location de salles et de résidence d’artistes d’une ou deux semaines avec représentations en soirée, des cours de théâtre, yoga, Pilates et danse.

Le combat financier n’est pas gagné, mais celui de la mixité semble remporté. Marina esquisse un sourire : « Là où on est satisfaits, c’est que les commerçants du coin, qui n’étaient jamais entrés dans une salle de théâtre, viennent et reviennent chez nous.... Les mêmes qui nous assuraient que le théâtre, ce n’était pas fait pour eux, quelques années auparavant. »

L'entrée se fait désormais rue Jangot. / Photo Marion Saive

L'entrée se fait désormais rue Jangot. / Photo Marion Saive

Au départ très étriqué, le théâtre de poche s’est agrandi il y a un an et demi (le collectif a repris le restaurant africain attenant) pour se doter d’une partie réception et accueil du public, rue Jangot. Un bien pour un mal. La billetterie volante, qui créait l’animation rue de Marseille (les bénévoles, équipés de panières tels des vendeurs de chouchous, se relayaient pour vendre les places depuis le trottoir) n’est plus. Les passants curieux ne peuvent plus non plus assister à quelques répétitions impromptues : les épais rideaux noirs, jadis ouverts coté rue, sont désormais fermés pour préserver la tranquillité des compagnies invitées. Le théâtre-vitrine a disparu.

Un théâtre de quartier accessible à tous

Pourtant, ce lieu culturel perdu dans le temps, à l’image des objets collector conservés en ses murs – un synthé des années 70 identique à celui de Vangelis, un manège en forme de poisson des années 80, un téléphone de la SNCF des années 60, des bancs d’un théâtre stéphanois de 1907 - gagnerait à être connu. Comme la ferveur des bénévoles, qui tentent de maintenir le navire à flots. Et continuent de croire en une scène culturelle à part, un théâtre qui serait « accessible à tous, qui ne créerait pas de clivages sociaux, intellectuels ou philosophiques, et qui n’exigerait pas un certain niveau social et culturel pour être compris et apprécié. » « On n’est pas un café-théâtre, on n’est pas les Subsistances. On ne fait pas que de la comédie, de la tragédie grecque, du contemporain, ni des spectacles hyper pointus réservés à une certaine caste. On prône un théâtre qui raconte une histoire. » Pas question de programmer les pièces classiques et contemporaines jouées des milliers de fois. Ici, ce sont « des créations 100%, écrites par des vivants ».

Le collectif veut briser les tabous, loin des salles rouge et or aux balcons superposés, au théâtre de l’Uchronie. « On n’a pas de définition officielle, et c’est tant mieux. On fait du théâtre, et ça s’arrête là. »

> A venir, "369BE Clowne immatriculée" (Compagnie Eau forte), du mercredi 27 février au samedi 2 mars à 20h30. Durée : 50min. A partir de 12 ans. Tarifs : 15 euros, réduit 10 euros. Plus d'informations sur leur site Internet.

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/ Photo Cie Mac Guffin
/ Photo Cie Mac Guffin

Photo Marion Saive

Photo Marion Saive

AU N°18

Cosmetex, le salon de coiffure afro où il fait bon papoter

Cosmetex, c'est un petit salon de coiffure afro qui a ouvert en 1997, 18 rue de Marseille. C'est aussi une sorte de cabinet privé où les clientes, habituées à s'y faire shampouiner et tresser les cheveux depuis des dizaines d'années, aiment passer une tête pour taper un brin de causette avec Aminata.

/ Photo Marion Saive

/ Photo Marion Saive

Certaines viennent de Paris, Genève, Saint-Etienne ou Grenoble, se faire coiffer, tresser ou poser des extensions. « Je rajoute plus de cheveux que je n’en coupe, donc je n’ai pas de déçues », plaisante la gérante, les mains occupées à dénatter la tête de sa cliente. La maman du petit Yannis (1) - bien agité sur son siège après déjà 45 minutes d’attente - est venue se faire retirer son tissage brésilien pour laver son crâne et se faire reposer sa coiffe extensible. Une opération qu’elle réitère tous les deux mois maximum. Encore une heure et Yannis sera libéré. « Allez beauté, on va rincer tout ça », lance Aminata, crayon bleu sur les yeux et créoles épaisses aux oreilles, qui a opté depuis quelques jours pour de longues nattes afro rouges et noires. « Tu finis jamais les cafés, toi, c’est incroyable », ajoute-t-elle en riant, à l’adresse de la jeune femme qui a délaissé son gobelet plastique près du miroir. Les deux femmes empruntent l’étroit escalier en colimaçon. Séance shampouinage au bac de rinçage. Le crâne est bien propre, retour au rez-de-chaussée pour sécher les cheveux, les tresser à nouveau et reposer le tissage à base de mèches naturelles. Il aura fallu deux heures de travail - « Tu comprends pourquoi je n'ai pas dix rendez-vous par jour... »

« Le bouche-à-oreille et le bon travail, y'a que ça de vrai, non ? »

Installée à Lyon depuis 29 ans, Aminata a ouvert son salon après un passage par la capitale et des études en comptabilité. « J'ai toujours aimé coiffer les gens, je me coiffe toute seule depuis que je suis petite, ça ne s’explique pas. » Avec vingt ans de pratique au compteur, de nombreuses têtes sont passées entre les mains expertes de la Sénégalaise.

/ Photo Marion Saive

/ Photo Marion Saive

« Elle fait tout pour t'arranger », « elle te dépanne toujours », « il n'y a qu'elle qui arrive à me satisfaire »... Les clientes présentes ce jour-là sont unanimes. « J'entame ma 22e année au salon. Le bouche-à-oreille et le bon travail, y'a que ça de vrai, non ? », s'esclaffe de rire Aminata.

Toutes les femmes, toutes les nationalités défilent ici

Elle passe un coup de balai furtif, avant de s’occuper de la cliente suivante, une jeune fille noire coiffée d’un foulard en wax. Venue sans moyen de paiement, la lycéenne appelle sa mère et tend le téléphone à Aminata, pour que les deux femmes s’arrangent entre elles. La maman passera plus tard dans la semaine régler la facture. Aminata fait confiance à ses clientes devenues des amies proches, comme Sarah, « une Arabe aux longs cheveux soyeux » qui se fait coiffer ici depuis qu’elle a seize ans. « Même quand j’ai déménagé en Allemagne, je venais en train pour continuer à me faire coiffer là. Aminata, c’est une présence, une chaleur, une oreille attentive à qui on aime se confier. »

Toutes les femmes, toutes les nationalités défilent ici. « Des blanches, des noires, des maghrébines... je coiffe aussi les petites Chinoises du magasin d'en face », indique la gérante, pointant son peigne en direction du trottoir voisin.

(1) Le prénom a été modifié

/ Photo Marion Saive
/ Photo Marion Saive
/ Photo Marion Saive

Au n°80

L’amour de nuit, le fromage comme madeleine de Proust

Ce qui fait le charme d’un commerce, c’est souvent la personne qui le tient. A voir s’activer la volubile Agathe Birglin derrière son comptoir, jongler entre ses Brillat-Savarin et sa cancoillotte (« le fromage le moins gras qui existe »), on ne peut qu’adhérer au concept. Double. Car l’Amour de nuit, c’est à la fois un bar à fromages, mais aussi une fromagerie.

La trentenaire aux boucles d’or s’est inspirée d’une boucherie-restaurant parisienne pour monter son affaire. « L’idée, c’est que même si on n’a pas trop de sous, on a quand même moyen de boire un verre de rouge et goûter à quelques fromages entre potes », résume Agathe, débarquée à Lyon il y a neuf ans.

A l'Amour de nuit, on peut y manger à l'heure du déjeuner ou du dîner. / Photo Marion Saive

A l'Amour de nuit, on peut y manger à l'heure du déjeuner ou du dîner. / Photo Marion Saive

Après des études dans la pub et la com’, des petits boulots dans la restauration « pour payer le loyer », différents postes dans l’événementiel et la vente (elle était responsable des magasins de bonbons Violette et Berlingot, passage de l’Argue dans le 2e), Agathe a ouvert L'Amour de nuit fin mai 2018 au 80 de la rue de Marseille. Un nom empreint de poésie et de romantisme, mais surtout tiré de l’amour de nuits (avec un « s »), un petit fromage frais au lait de vache, légèrement rosé et bien beurré, fabriqué à Gilly-lès-Cîteaux, en Bourgogne, près de l’emblématique commune Nuits-Saint-Georges, où vivent ses grands-parents. Cette douceur crémeuse et salée, c’est sa madeleine de Proust. « J’entends encore ma grand-mère me dire, à l’heure du goûter : il y a de l’amour au frigo ».

Agathe est seule à la manœuvre. « Quand on est une femme et qu’on est jeune, ce n’est pas facile. Le nombre de commerciaux qui se sont trouvés désemparés lorsqu’ils demandent à parler au responsable et que je leur dis que c’est moi… il faut voir leur tête. » La jeune femme a mis deux ans et demi à monter le projet. En partie pour se former auprès de la Fédération des Fromagers de France, et apprendre les rudiments du métier, la découpe, la conservation, le conseil à la clientèle…

Chaises, tableaux, cadres... Une décoration réalisée à partir d'objets chinés en dépôt-vente. / Photo Marion Saive

Chaises, tableaux, cadres... Une décoration réalisée à partir d'objets chinés en dépôt-vente. / Photo Marion Saive

Derrière les fourneaux, c’est Aude, une ancienne pâtissière, qui opère. A midi, on vient manger toutes sortes de créations fromagères comme cette salade épinards / fourme de Montbrison / champignons / figues / sauce à la fourme, ce cheesecake au Brillat-Savarin / Spéculoos / confiture de cerise noire, ou encore ce café-fromages - petit noir servi avec de la tomme de brebis, du comté, un confit d’ananas au poivre de Penja et de la truffe de chocolat. Le soir, c’est « grignotage convivial autour du fromage » avec planches mixtes, tapas et la fameuse « raclette de l’amour ».  

Adepte des bons produits et des longs repas en famille le dimanche, la Bourguignonne se fournit auprès de producteurs locaux : charcuterie artisanale, miel et cancoillotte du Jura, petits fromages aux laits de chèvre et vache du Beaujolais, tomme de Haute-Savoie, éclat et amour de Nuits, Brillat-Savarin de Bourgogne… Et vin du Beaujolais, pour la grande majorité.

Cantal, comté, cancoillotte, bleu de Gex, morbier... sans oublier le roi des fromages, le Brillat-Savarin ! / Photo Marion Saive

Cantal, comté, cancoillotte, bleu de Gex, morbier... sans oublier le roi des fromages, le Brillat-Savarin ! / Photo Marion Saive

De l’ancienne mercerie de 1981, Agathe a conservé la belle tomette au fond du magasin et une berthe à lait en aluminium, que l'ancienne propriétaire conservait depuis plus de trente ans dans sa boutique. Un symbole devenu emblème du magasin.
Les murs ont été repeints en kaki, parés de tableaux aux scènes champêtres et cadres dorés. Une quinzaine de tables et des chaises dépareillées meublent la pièce centrale. A l’étage, un coin boudoir à la tapisserie fleurie, qui lui a valu une parution dans un magazine féminin.

A l'étage, sur la mezzanine, un espace boudoir qui a valu à Agathe une parution dans un magazine féminin. / Photo Marion Saive

A l'étage, sur la mezzanine, un espace boudoir qui a valu à Agathe une parution dans un magazine féminin. / Photo Marion Saive

L’avantage d’une cave-épicerie-fromagerie comme la sienne ? « Elle est ouverte à des heures où tous les commerces alentours sont fermés. Le soir, quand t’as craqué sur un fromage ou sur un vin, tu peux l’acheter sur place et le ramener chez toi », résume Agathe, qui dépanne souvent d’un bout de pain et de fromage les médecins de l’hôpital voisin, à la fin de leur service.

>  L’amour de nuit, 80 rue de Marseille, Lyon 7e. Ouvert du mardi au samedi de 11 à 22 heures. Déjeuner (12 h – 13h45) : formule plat + dessert/fromage à 12,50 €.

Au n°86

Terre des livres, librairie libre et militante

On la remarque d’assez loin, avec ses murs vert citron, ses présentoirs dépliés à même le trottoir qui croulent sous les bouquins, sa devanture peinte façon encre chinoise.

9h45 vendredi 21 décembre, Fabien, lunettes fines, bonnet et chèche violine, ouvre sa librairie du 86 rue de Marseille. Ses collègues Gwenaëlle et Sarah le rejoignent.

Fabien (à droite), conseille une habituée de la librairie. / Photo Marion Saive

Fabien (à droite), conseille une habituée de la librairie. / Photo Marion Saive

«Le mythe du libraire qui dévore des livres dans sa boutique, ça n’existe pas»

Fabien, sorti de sciences po et un temps cadre chez Decitre, place Bellecour, a repris le local en 2004 quand l’ancienne libraire, qu’il connaissait et à qui il avait l’habitude de donner quelques coups de mains, a décidé de partir. « C’était un coup de folie. Etre patron, diriger un commerce, ce n’est pas dans ma culture », convient-il dans un sourire. «Tenir cette librairie, c’est ma manière de contribuer à changer le monde.» Depuis, l'équipe s'est élargie. Ils sont cinq à gérer la boutique. Pas un de trop. « Le mythe du libraire qui dévore des livres dans sa boutique, ça n’existe pas », plaisante Sarah. «Le plus clair de notre temps, on le passe à déballer des livres, les porter, organiser la vitrine, contacter les fournisseurs, conseiller les clients…»

Un fonds en littérature africaine et arabe

Terre des Livres a conservé le fonds en littérature africaine et arabe de l’ancienne librairie - « Il y a un intérêt certain à conserver ce pan-là, surtout dans une ville comme Lyon, terre d’accueil de l’immigration ». Et a renforcé l’offre généraliste, BD, mais aussi sciences humaines et sociales – une ressource indispensable étant donné la proximité avec la faculté Lyon 2. « Il en faut pour tous les âges et tous les goûts », résume Sarah, calée en littérature africaine. « On a chacun nos marottes, on se complète bien. Sur un petit pays comme le Bénin, on peut vous sortir 2-3 livres », avance Fabien en guise d’exemple. « Et on les aura lus ! »

«Trouver les mêmes livres d’une librairie à une autre, c’est pénible»

Le Prix Goncourt des Lycéens 2018 « Frère d’âme » de David Diop, « Vernon Subutex » de Virginie Despentes, « Les métropoles barbares » de Guillaume Faburel, « L’Empire de l’or rouge » de Jean-Baptiste Mallet… En tête de gondole, les dernières sorties d’auteurs connus, mélangées aux écrits sur la décroissance, l’écologie, le féminisme, le communisme, sont assortis d’un « p’tit mot du libraire ». « C’est arrivé qu’on nous traite d’islamo-gauchistes, mais c’est ridicule, ça ne veut rien dire, déplore Fabien. On défend une présence culturelle. Trouver les mêmes livres d’une librairie à une autre, c’est pénible. »

L'escalier mène à un espace dédié aux livres d'occasion et coin lecture. / Photo Marion Saive

L'escalier mène à un espace dédié aux livres d'occasion et coin lecture. / Photo Marion Saive

Un escalier en bois, saturé de bouquins côté tapisserie, mène à l’étage réservé aux ouvrages d’occasion. Un coin lecture pour les étudiants qui révisent sur un bout de table, ou de lieu de débats lors des rencontres auteurs/lecteurs organisées toutes les semaines.

Il est 10 heures tapantes. Les premiers clients affluent, serrent la main de Fabien, lui tapent une bise. « Salut, comment tu vas ? Ça faisait un moment que je ne t’avais pas vu, tu deviens quoi ? »

/ Photo Marion Saive

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AU N°19

L’église Saint-André, la résistante

Les étudiants occupent les marches de son parvis, pour y engouffrer leur sandwich, à l’heure du déjeuner. L'église Saint-André se fond tellement dans le décor qu’on pourrait passer à côté, sans même la remarquer, cachée derrière la station de tramway éponyme. Il faut dire qu’on la trouve souvent portes closes (elle n’est ouverte que les jeudis et dimanches soir, pour la messe). Une mesure que la paroisse de la Guillotière a prise après les multiples dégradations que l'église a subies ces dernières années.

Peu fréquenté, le troisième lieu de culte catholique de la Guillotière (avec l’église Notre-Dame Saint-Louis, rue de la Madeleine et l’église Saint-Michel, avenue Berthelot), mérite pourtant le coup d'oeil.

Il faut monter dix marches pour y accéder - l’église fut bâtie au-dessus du niveau de la chaussée pour prévenir des fréquentes inondations dans le quartier.

Une construction longue, liée aux ressources financières de la paroisse

Une première église de style byzantin fut érigée en 1845 par l’architecte Jean-Baptiste Ballet (les terrains avaient été acquis par André Combalot, propriétaire et brasseur à la Guillotière, en 1807). Mais mal construite et trop petite, elle fut remplacée par un nouvel édifice : l’église Saint-André que l’on connait dans sa forme actuelle de 47 mètres de long sur 22 mètres de large, bâtie par les architectes Tony et Paul Desjardins de 1860 à 1901. Une construction néo-gothique sur plus de quarante ans, irrémédiablement liée aux ressources financières de la paroisse et au soutien de la ville de Lyon pour réaliser les travaux.

/ Photo Lara Priolet

/ Photo Lara Priolet

Aussitôt entrés, « on est frappé par la masse imposante des énormes piliers qui, à l’entrée, soutiennent le clocher », raconte René Janin en 1989, en fin connaisseur de la paroisse. « L’église, par son plan, accuse la forme d’une croix latine », avec ses trois nefs et sa travée centrale.

Des vitraux réalisés sur 76 ans

Dans les nefs latérales, des vitraux sur six verrières, dessinés par le Lyonnais Emile Begule et réalisés par le verrier grenoblois Louis Balmet de 1866 à 1942. Tous représentent des scènes de vie issues de la Bible : le sermon sur la montagne, Jésus enfant prêchant dans le temple, la Nativité, la Résurrection, la Crucifixion, la Sainte Cène.

Le Sermon sur la Montagne, 1942, Bégule et Balmet. / Photo Lara Priolet

Le Sermon sur la Montagne, 1942, Bégule et Balmet. / Photo Lara Priolet

Faute de financements, deux verrières restent vides, des deux côtés de la porte d’entrée. Il faut dire que la paroisse manque cruellement de deniers. Dans l'église Saint-André, pas de chauffage, l’orgue est abîmé, les plâtres du plafond s’effritent, et la plupart des bancs ont été retirés, au vu de la baisse de fidèles. Bondée au XIXe siècle, la paroisse n’accueille plus que 80 à 90 personnes grand maximum les soirs de messe.

/ Photo Lara Priolet
/ Photo Marion Saive
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AU N°69

Zü, la déco à la douceur enfantine

L'un des p'tits derniers de la rue de Marseille a fait son apparition le 8 novembre. Dans cette échoppe étroite à la bordelaise, Juliette Collet détourne des renards, zèbres, koalas, tortues et autres animaux aux couleurs menthe à l’eau, rose bonbon ou bleu ciel pour orner des cartes de naissance, agendas, carnets, affiches, crayons, calepins, coussins, pin’s, bracelets ou mobiles en bois. La maman de deux enfants de 5 et 8 ans propose une gamme de 200 objets textiles, décoratifs ou de papeterie, imaginés d’après son quotidien - « mon fils et ma fille sont mes premiers testeurs » -, comme ce carnet de liaison parents/nounous qui consigne les heures de sieste et repas des enfants, ce livre alphabet animalier pour appréhender en douceur la lecture, ou encore ces albums photos de classe aux imprimés doux et enfantins pour se remémorer ses meilleurs souvenirs scolaires.

Juliette Collet détourne des renards, zèbres, koalas, tortues et autres animaux aux couleurs menthe à l’eau, rose bonbon ou bleu ciel / Photo Marion Saive

Juliette Collet détourne des renards, zèbres, koalas, tortues et autres animaux aux couleurs menthe à l’eau, rose bonbon ou bleu ciel / Photo Marion Saive

Tout est parti d'un coussin, brodé main

La Parisienne, Lyonnaise depuis six ans, a créé sa marque alors qu’elle était graphiste illustratrice dans la com’ à Marseille - « Un chouette clin d’œil vu la localisation de mon magasin ». Enceinte de sa fille, Juliette s’était lancé un petit challenge couture pour décorer la chambre de son futur bébé. Elle avait imaginé un coussin, brodé main, décoré de deux yeux fermés aux longs cils. Fans du concept, ses amies l’avaient convaincue de revendre ses créations dans quelques boutiques de déco. Une parution dans le magazine Cosmopolitan et la marque décollait.

Des petits objets pastellisés éco-responsables

Depuis, Zü (le surnom de Juliette, « Ju », prononcé par un enfant) rencontre un beau succès. Un showroom, une boutique en ligne, 200 revendeurs dans le monde, 80 000 abonnés sur Instagram, 40 000 fans sur Facebook. Les petits objets pastellisés sont voulus les plus éco-responsables possibles. Juliette fait appel à des fournisseurs français pour la majeure partie de ses matériaux : du bois PEFC – issu de forêts gérées durablement, des gommes en caoutchouc naturel, des cahiers d’école en papier recyclé, des encres végétales. Et recourt à un atelier de couture de réinsertion marseillais pour ses créations textiles.

/ Photo Marion Saive

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A quelques centaines de mètres des écoles Berthelot et Saint-Michel, Zü a déjà conquis le cœur de nombreuses mamans du quartier.

/ Photo Marion Saive
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Au n°39

Le Labo, coffee-shop pour laborantins branchés

Il fallait bien que la rue de Marseille ait le sien. A proximité des facultés, le coffee shop Le Labo accueille flopée d’élèves en quête d’un lieu où potasser tout en buvant un bon café, depuis bientôt trois ans.

Derrière les vitres embuées du 39 de la rue de Marseille, des têtes sont penchées sur des écrans d’ordinateur. La porte franchie, le cadre est chaleureux. Murs en pierres végétalisés, tables et chaises en bois de palette, sol en béton ciré, menu inspiré du tableau périodique des éléments, fioles Erlenmeyer sur les tables en guise de carafes d’eau... Une déco digne d’un laborantin, froid de l’officine en moins.

Le tableau périodique des éléments en guise de menu. / Photo Marion Saive

Le tableau périodique des éléments en guise de menu. / Photo Marion Saive

Côté restauration, des pancakes et granolas pour le petit-déjeuner, des buddha bowl (sorte de gros saladiers remplis de légumineuses, céréales, légumes verts, salade, œufs, fruits secs…) à l’heure du midi, des carrot cakes, cheese cakes et autres brownies au goûter. Du fait-maison, assorti des traditionnels matcha et chaï latte, capuccino et espresso… Le samedi, une formule brunch complète le tableau.

Pour plus d’originalité, il faut passer en été pour déguster le fameux « cold brew » concocté par Frantz Bonnet, le propriétaire des lieux. Un café frappé, à boire frais, obtenu après de longues heures d’infusion. Un savoir-faire et des techniques que le trentenaire sorti de l’école d’ingé de Nancy cursus mécanique, a appris sur le tas.

Frantz Bonnet, le propriétaire des lieux. / Photo Lara Priolet

Frantz Bonnet, le propriétaire des lieux. / Photo Lara Priolet

Frantz a avalé quantité de shots d’espresso avant d'être calé en caféine. Il s’est perfectionné chez le torréfacteur lyonnais Mokxa, a suivi une formation Greta de serveur de 2 mois puis des stages dans divers coffee-shops. Après deux ans de pratique, il ouvrait le Labo. Seul au départ, Frantz compte désormais trois employées : Sophie en cuisine, Sarah au bar et Camille, en charge des brunchs le samedi.

Mobilier en bois de palette et murs végétalisés. / Photo Marion Saive

Mobilier en bois de palette et murs végétalisés. / Photo Marion Saive

Le jeune homme à l’âme bricolo a réalisé tous les travaux. Et inventé sa propre cafetière à extraction à froid avec des ballons en verre et des ampoules à décanter. Chapeau le mécano !

/ Photo Marion Saive
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