Lyon Sud, la référence française en matière de changement de sexe et de reconstruction

Au sein du centre hospitalier Lyon Sud, le service d’urologie a un profil particulier : généraliste et pourtant hyper spécialisé. Il est notamment reconnu pour sa technicité en chirurgie de la reconstruction génitale. Près de 200 opérations sont pratiquées chaque année.
Lorsqu’on tape sur internet « changement de sexe », le nom du docteur Nicolas Morel-Journel apparaît très vite, tout comme celui de Lyon. Lui et son équipe, appartenant au service d'urologie dirigé par le professeur Ruffion, sont depuis plusieurs années la référence en la matière, même au-delà des frontières de l’Hexagone. « Dans le monde, il y a trois grands chirurgiens à mon sens. Le docteur Morel-Journel est l’un d’eux », explique Florence Varin, présidente de l’association lyonnaise de soutien aux personnes transidentitaires, le Jardin des T.
Rassembler les talents, les compétences
Les chiffres sont éloquents. En 2011, près de 56 % des chirurgies génitales de reconstruction pratiquées en France l’étaient au centre hospitalier Lyon Sud, selon un rapport de l’Igas ( Inspection générale des affaires sociales ). Quelles sont les raisons de cette prédominance ? Le peu de chirurgiens à s’être spécialisés est un élément de réponse. Mais le centre hospitalier Lyon Sud a surtout une considérable renommée qu'il doit à la qualité de ses équipes et notamment du docteur Nicolas Morel-Journel.
Avec Fabien Boucher, du CHU de la Croix-Rousse, ils travaillent régulièrement ensemble. L’un est urologue, expert en reconstruction génitale, l’autre est plasticien spécialisé dans la chirurgie de réassimilation sexuelle (phalloplastie, reconstruction mammaire, féminisation du visage). Cette collaboration, c’est la singularité, la force de ce service. « Nicolas Morel-Journel est le premier à avoir constitué une équipe de spécialistes aux compétences différentes : urologues, plasticiens en reconstruction, esthétique… », explique le docteur Boucher.
Des techniques rares
Autre atout majeur, le savoir-faire, avec sans cesse la volonté de s’améliorer en n’hésitant pas à aller voir ailleurs ce qui se fait de mieux. « Nous avons développé des techniques assez rares pour les personnes qui changent de sexe. Pour certaines, nous sommes les seuls à le faire en France. Par exemple pour la reconstruction d’une verge, nous sommes en mesure de prendre la peau du bras, du dos, de la cuisse ou du ventre pour avoir toutes les options possibles », détaille Nicolas Morel-Journel.
« C’est une autre spécificité de l’équipe : ne pas se fixer sur une seule technique pour laisser le choix au patient », ajoute Fabien Boucher. Une souplesse qui a un fondement humain, les deux chirurgiens ont pleinement conscience de l'impact de leurs compétences sur la qualité de vie future de leurs patients et s'adaptent le plus possible à leurs besoins.

Docteur Nicolas Morel-Journel. à gauche, urologue, expert en reconstruction génitale au CHU Lyon Sud et Fabien Boucher, plasticien spécialisé dans la chirurgie de réassimilation sexuelle (phalloplastie, reconstruction mammaire, féminisation du visage). Le Progrès / Emilie CHARREL
Docteur Nicolas Morel-Journel. à gauche, urologue, expert en reconstruction génitale au CHU Lyon Sud et Fabien Boucher, plasticien spécialisé dans la chirurgie de réassimilation sexuelle (phalloplastie, reconstruction mammaire, féminisation du visage). Le Progrès / Emilie CHARREL

Le docteur Morel-Journel et son équipe opèrent chaque année près de 200 personnes pour un changement de sexe. Photo Progrès /Emilie CHARREL
Le docteur Morel-Journel et son équipe opèrent chaque année près de 200 personnes pour un changement de sexe. Photo Progrès /Emilie CHARREL

En 2011, es hopitaux Lyon Sud ont réalisé 56% des opérations génitales de reconstruction. Le Progrès / Richard MOUILLAUD
En 2011, es hopitaux Lyon Sud ont réalisé 56% des opérations génitales de reconstruction. Le Progrès / Richard MOUILLAUD
3 à 5 ans d'attente pour certaines chirurgies
Aujourd’hui, plus de 200 chirurgies de réassignation sexuelle chez des personnes transgenre sont pratiquées chaque année à Lyon Sud. « Etre devenu un centre de référence, cela donne des délais énormes. Une vaginoplastie (2) , c’est 5 ans d’attente… Pour répondre à cette problématique, nous allons recruter deux jeunes et j’ai aidé Lille et Limoges à monter un centre. A Paris c’est en projet », indique le docteur Morel-Journel.
(2) L’intervention dans le cadre d’une réassignation génitale permet le changement du sexe masculin vers le sexe féminin.
Le service pratique également une centaine de reconstructions pour malformation ou maladie. Car les techniques hyper spécialisées développées dans le cadre des changements de sexe aident dans d’autres cas (lire par ailleurs). Ainsi le service est un des plus grands centres français pour le cancer de la verge. Ses chirurgiens collaborent avec des gynécologues, des chirurgiens viscéraux.
L'interview vidéo du docteur Morel-Journel
QUELLES SONT LES ÉTAPES AVANT DE CHANGER DE SEXE ?
• L’évaluation
Homme vers femme ou l’inverse, le parcours est le même : trois rendez-vous obligatoires avec un des psychiatres de l’équipe, un endocrinologue et un chirurgien. Lorsque la personne a déjà bien préparé sa transition, il y a six mois à 1 an d’observation/évaluation par un comité pluridisciplinaire qui valide ou non la possibilité d’aller plus loin.
Pas question de porter un jugement mais bien d’évaluer les aspects psychologiques et le bon état de santé.
• L’hormonothérapie
La deuxième phase commence, celle de l’hormonothérapie. Elle dure un an pour voir comment le traitement est supporté psychologiquement et physiquement. « Avant on exigeait deux ans d’attente mais on constate que c’est très difficile à gérer pour les personnes par rapport à leur famille, dans leur univers professionnel », précise le docteur Morel-Journel.
• La chirurgie
La troisième phase, pour celles et ceux qui le souhaitent, est la chirurgie. Les délais sont cette fois-ci uniquement liés au grand nombre de demandes et au peu de centres dédiés.
Pour une reconstruction génitale (phalloplastie pour une femme qui devient homme ou vaginoplastie pour un homme qui devient femme) le délai est de 3 ans et demi à 5 ans. A Lyon, les femmes peuvent aussi avoir recours à la métaidoioplastie (allongement du clitoris). Pour une hystérectomie (ablation de l’utérus), mastectomie (ablation des seins), mammoplastie (mis en place de prothèses mammaires) et féminisation du visage, un an d’attente. S’il est plus aisé pour une femme de devenir un homme côté silhouette, c’est l’inverse pour la reconstruction génitale. Cependant, les techniques ont beaucoup progressé et continuent de le faire grâce à persévérance de certains chirurgiens. L’ensemble de la transition est pris en charge par la sécurité sociale, hormis certaines interventions de chirurgie esthétique.
20 % des personnes entamant une transition vont jusqu’à la chirurgie
Transsexualisme, transsexuel, transidentitaire, autant de termes pour une même réalité : une personne qui se sent femme alors que son corps est celui d’un homme, ou inversement. Florence Varin est présidente de l’association lyonnaise Jardin des T. Une association dont la vocation est d’accompagner les personnes transidentitaires, notamment dans leur transition (changement de sexe avec ou sans hormonothérapie et chirurgie). Elle a achevé la sienne en 2014, lorsqu’elle a été opérée par le docteur Morel-Journel, pour son changement de sexe, autrement appelé réassignation.
Une femme dans un corps d’homme ou inversement
« La transidentité est un phénomène naturel, biologique et prénatal », explique Florence Varin. En faisant des projections sur la base d’études faites à l’étranger, l’association estime à près de 650 000 à 700 000 personnes concernées en France. Deux à trois fois plus d'hommes opèrent leur transition pour devenir des femmes que l'inverse. « Le nombre de suicides est 38 fois supérieur à la moyenne nationale. Et ce n’est pas la transidentité qui est en cause, mais la difficulté à être reconnu dans la société », assure la présidente. À l’heure actuelle, environ 20 % des personnes entamant une transition vont jusqu’à la chirurgie. Un long chemin, réglementé depuis l’instauration d’un protocole en 1999 (lire par ailleurs). Outre le rythme de ce dernier, les délais d’attente faute d’un nombre de centres suffisants vont de 3 à 5 ans pour une opération de réassignation. Une éternité pour ceux qui ont entamé le protocole et sont sous thérapie hormonale.
Des transformations physiques qui rendent l’attente difficile
« Le corps change beaucoup. J’avais toujours plusieurs tenues dans le coffre de ma voiture, notamment une d’homme pour aller chercher mes enfants à l’école. Mais quand on cherche du travail par exemple, comment se présenter ? Sur un homme, le traitement hormonal développe la poitrine, on perd 35 % de masse musculaire et le visage s’affine un peu. En revanche, aucun effet sur la pilosité, ni la voix qu’il faut travailler avec un orthophoniste. Sur une femme, les effets sont très rapides, les premiers apparaissent au bout d’un mois et demi. La voix mue, la masse musculaire augmente de 35 %, le système pileux se met en route », explique Florence Varin. Une transition très compliquée à gérer au quotidien. Si, à Lyon Sud, on n’a pas trouvé de recette miracle pour réduire le délai d’attente d’une chirurgie, le service hospitalier a su gagner du temps sur le protocole préopératoire, « la version simplifiée est généralisée. Là où il faut 3 ans minimum pour arriver à l’hormonothérapie, les gens arrivent à la démarrer en 6 à 7 mois parce que les choses sont organisées pour », constate la présidente du Jardin des T.
L’association milite d’ailleurs pour que le protocole simplifié devienne la norme en France.

Florence Varin est présidente de l’association lyonnaise Jardin des T. Photo Progrès /Vincent VOIGNIER
Florence Varin est présidente de l’association lyonnaise Jardin des T. Photo Progrès /Vincent VOIGNIER

Photo d'illustration Progrès /Maxime JEGAT
Photo d'illustration Progrès /Maxime JEGAT
Un savoir-faire au secours de pathologies rares
Le docteur Morel-Journel ne pratique pas que des chirurgies de changement de sexe. Il met son savoir-faire au service de patients aux pathologies rares. Lucie* a aujourd’hui 39 ans et mène une vie normale. Si elle n’avait pas croisé le chemin du docteur Morel-Journel et son service, son quotidien serait sans doute tout autre aujourd’hui…
« Cela faisait deux ans que j’avais des douleurs et personne n’en trouvait l’origine. On a fini par comprendre que c’était d’ordre urologique, un diverticule de l’urètre, c’est-à-dire une fissure. Je suis allée voir un chirurgien à Grenoble. Il n’avait jamais pratiqué ce type d’opération, même chose pour trois autres de ses collègues de clinique. Il m’a proposé une première intervention qui a donné lieu à des complications, c’était en 2014. Je suis allée voir un confrère grenoblois qui travaillait avec un robot. Cela lui paraissait possible, il n’avait, lui non-plus, jamais eu ce type de cas. Même résultat que la première intervention, une récidive une semaine après. Je ne voulais alors plus qu’on m’opère, qu’on me touche. L’urètre étant très petit et très fin, les perspectives, avec les conséquences des opérations en plus, n’étaient pas très réjouissantes… Potentiellement, une poche à urine à vie, je n’avais que 35 ans… »
Innovant dans les suites opératoires et équipements
Lucie se rapproche alors du service du docteur Morel-Journel, « cette opération, il ne l’avait jamais faite mais il pensait pouvoir réussir. Il proposait de passer par un autre chemin et pensait une greffe nécessaire pour que cela ne se déchire pas à nouveau. Son approche est différente, y compris pour les suites opératoires et les équipements de son service. Il s’est montré très humain, à l’écoute, très rassurant sans pour autant vendre du rêve… Et quelle humilité… Vu son niveau, il pourrait travailler en clinique avec des honoraires exorbitants et au lieu de cela, il est en centre hospitalier. L’intervention a réussi, il m’a sauvé la vie ».
*Prénom d’emprunt