Phazz,
le Lyonnais derrière
les derniers
succès d'Orelsan

Avec 138 000 exemplaires vendus en une semaine et une tournée 2022 quasi complète, Orelsan bat tous les records depuis la sortie de son dernier album « Civilisation » le 19 novembre. Derrière ce succès phénoménal, Phazz, beatmaker et musicien lyonnais de 29 ans, est devenu ces dernières années l’un des producteurs les plus en vue du rap français. Une collaboration « inattendue » avec le rappeur de Caen et une « exposition médiatique démente » qui lui ont ouvert « énormément de portes ».
Par Vincent GUIRAUD
«En l’espace de quelques semaines je suis passé de vacances avec ma maman au studio d’Orelsan pour produire quatre morceaux dans l’un des albums les plus attendus du moment. C’était fou. » Eté 2017. Phazz, beatmaker et musicien lyonnais reçoit un appel du rappeur de Caen qui est en train de finaliser son troisième album solo. « Orel m’avait déjà contacté quelques mois auparavant, il m’avait repéré sur un site américain qui parlait de ma musique » raconte le Lyonnais de 29 ans. « Au début, il voulait que je lui envoie des prods mais ça ne marchait pas trop, il avait du mal à rapper dessus ».
L’album, la tournée puis les premières parties
Quelques mois avant la sortie de « La Fête est finie », Orelsan demande donc au producteur rhodanien de le rejoindre en studio. « Il me dit : je suis avec Skread (le producteur historique du rappeur ndlr.), on aimerait essayer de nouvelles choses avant de finir l’album. »

Photo Yassine Taha
Photo Yassine Taha
Quelques semaines plus tard, Phazz signera plusieurs morceaux sur l’album désigné meilleur album de musique urbaine lors de la 33e cérémonie des Victoires de la musique en 2018. Embarqué dans cette aventure « un peu folle », Phazz part ensuite en tournée avec l’équipe d’Orelsan. « Tout s’est enchaîné très vite. Après avoir travaillé avec eux sur l’album, Orel a découvert que j’étais aussi pianiste. Il a donc voulu que je l’accompagne sur scène avant de me proposer de faire ses premières parties dans toute la France. »
Défaite de famille, l'un des morceaux produits par le Lyonnais sur l'album d'Orelsan sorti en 2017.
Cinq morceaux sur le dernier album d’Orelsan
Sur l’album « Civilisation », sorti il y a un mois, le producteur lyonnais a signé cinq morceaux, parmi lesquels « L’odeur de l’essence », premier single d’un album qui s’est vendu, en une semaine, à 138 000 exemplaires (un record) et dont le clip cumule déjà plus de 10 millions de vues sur Youtube. Si Phazz a conscience d’être « privilégié » de pouvoir travailler avec l’un des artistes le plus en vue du moment, il avoue ne pas trop y penser. « Quand ça m’est tombé dessus, je n’ai pas trop gambergé pour ne pas me rajouter du stress supplémentaire. Je savais qu’Orel et son équipe faisaient appel à moi car ils aimaient ce que je faisais, ils aimaient ma couleur sonore. »
Le clip de L'odeur de l'essence, sorti le 17 novembre dernier, comptabilise déjà plus de 10 millions de vue. Phazz est encore une fois à la prod du morceau.
Depuis cette collaboration, « une exposition médiatique démente », les grandes portes du rap français se sont ouvertes devant Phazz. « Avant, même si je mixais un peu partout à travers le monde, personne ne me connaissait en France. Ma musique était réservée à des initiés, c’était de la musique de connaisseur. Avec Orelsan, ça m’a ouvert plein de portes » reconnaît l’artiste lyonnais. Oxmo Puccino, SCH, Koba La D, Alonzo, Vladimir Cauchemar, Seth Gueko ou dans un tout autre registre Camélia Jordana, Burna Boy et Woodkid : aujourd’hui, l’artiste de 29 ans revendique travailler « avec 70% du rap français et pas mal du top 20 des plus gros vendeurs de disques ».
Des bancs de la fac aux plus grands clubs du monde
Pour apprécier le chemin parcouru par le Lyonnais, il faut revenir quelques années en arrière, en 2011. Le jeune Phazz, de son vrai nom Adam Preau, vient de débarquer à Lyon. Il a alors 19 ans et après une enfance passée au Maroc puis à Béziers, vient de s’inscrire à la fac de musicologie à Lyon 2. « J’avais eu une formation de musique classique, je jouais du piano. Puis je me suis rapidement tourné vers le jazz » témoigne-t-il.

Photo Yassine Taha
Photo Yassine Taha
Passé par le conservatoire, le jeune garçon ne veut plus se contenter d’être interprète. « Le classique apporte de la rigueur et de la technique mais pendant très longtemps, vous n’êtes pas formé à devenir compositeur » détaille-t-il. Le jazz, musique vivante par définition, lui tend alors les bras. « Il m’a permis d’avoir une certaine liberté mais surtout de comprendre comment je pouvais m’insérer au milieu d’autres musiciens. Ça a été très enrichissant musicalement ».
Après ce cursus multiple, qui lui apporte encore aujourd’hui « un rapport particulier avec la mélodie », et une fois ses valises posées à Lyon il se tourne vers la musique électronique, un peu par mimétisme de ce qu’il aime écouter à l’époque. Dans sa chambre d’étudiant il bidouille alors ses premiers sons sur son ordinateur.
« J’avais l’impression de mener une double vie »
C’est grâce à un remix de la chanson « Me and You » de Cassie, classique Rnb des années 2000, qu’il est repéré par Soulection, un label basé à Los Angeles. « C’est ça qui a véritablement lancé la machine » reconnait-il, 10 ans après. En l’espace de quelques jours, ses sons font des millions de lectures sur la plateforme Soundcloud. La machine s’emballe et ne s’est, depuis, jamais véritablement arrêtée.
C'est grâce à la plateforme Soundcloud que Phazz s'est fait connaitre alors qu'il était étudiant à Lyon.
Dans la foulée, le label lui propose de nombreux DJ-Set. Asie, Amérique, Europe : Phazz voyage et découvre la vie d’artiste. « A cette période-là j’avais l’impression de mener une double vie » rigole-t-il. « Je mixais dans le monde entier mais quand je rentrais chez moi, à Lyon, j’étais en caleçon et je mangeais des pâtes, comme n’importe quel étudiant ».
Un lien encore très fort avec Lyon : « je m’y sens comme à la maison »
Avec un groupe d’amis lyonnais, dont plusieurs rappeurs, ils fondent le True Lyon Crew puis animent pendant trois ans la True Lyon Radio, rendez-vous musical où, chaque semaine, un artiste est invité pour parler de son univers. De cette période il garde un lien fort avec la ville qui l’a vu grandir musicalement. « Encore aujourd’hui, Lyon c’est la ville où je me sens chez moi. J’ai beaucoup voyagé grâce à mon métier mais quand j’arrive à la Part Dieu ou à Saint-Exupéry, je me sens comme à la maison » avoue Phazz.

Capture d'écran Twitter
Capture d'écran Twitter
« Lyon est essentiel dans mon équilibre. Ça m’évite de péter un câble dans ce que je suis en train de vivre. Quand je rentre ici, je retrouve ma vie normale, c’est ma soupape de décompression » confesse-t-il. S’il poursuit sa collaboration avec plusieurs rappeurs lyonnais comme Jorrdee ou le collectif Lyonzon, Phazz rêve toujours plus grand. « Je rêverais de travailler un jour avec Kanye West. C’est un artiste qui, musicalement, m’a énormément inspiré ». En attendant de s’exporter auprès de rappeurs américains, c’est avec un rappeur de Caen qu’il retrouvera sa « maison » fin janvier. Le « Civilisation Tour » d’Orelsan fera étape à la Halle Tony Garnier.
Orelsan à Lyon le 28 janvier
Orelsan et sa bande poseront leurs valises à Lyon le 28 janvier prochain. Le rappeur normand se produira à la Halle Tony Garnier, moins de 15 jours après le lancement de sa tournée, à Caen. Déjà complet. Une date particulière pour Phazz, régional de l’étape. « Quand on joue à Lyon, ça me fait à chaque fois un petit quelque chose, j’ai une émotion particulière car c’est chez moi, c’est ma ville » explique le beatmaker lyonnais. « C’est vrai que je suis un peu la mascotte de l’équipe quand on vient ici » conclut-il, dans un sourire. Orelsan et son équipe investiront ensuite la scène mythique de l’Accor Arena pendant 4 soirs du 16 au 19 mars 2022.
Un rappeur normand en première partie
Si le Lyonnais Phazz s’était chargé des premières parties du rappeur lors de sa précédente tournée, il aura cette année, un rôle un petit peu différent. « Je ne ferais plus la première partie à proprement parler mais j’accompagnerais sur scène un groupe de Caen, 3Pour100, qu’Orel veut mettre en avant. » Le producteur lyonnais devrait également produire le premier album de ces trois rappeurs du Calvados.

Phazz le Lyonnais
Sa salle préférée à Lyon ?
« Le Transbordeur. J’ai des souvenirs de concerts mémorables là-bas. Aussi bien en tant que spectateur que sur scène. J’ai vraiment une affection particulière pour cette salle. »
Son quartier préféré de Lyon ?
« C’est très compliqué de choisir. Mais si je peux en sélectionner deux, je dirai d’abord le 7e arrondissement car c’est un quartier très vivant, très populaire. Ensuite, j’aime aussi beaucoup les pentes de la Croix Rousse. »