Quand les gens du voyage posent leurs valises

Les conditions d’accueil des gens du voyage sont encadrées par la loi. Dans chaque département, un schéma est établi par le préfet et le président du Département. Les communes de plus de 5 000 habitants doivent abriter les aires d’accueil prévues dans ce plan.
Dans la Loire et la Haute-Loire, le nombre de terrains répond bon an mal an aux attentes. La problématique aujourd’hui porte davantage sur les conditions de sédentarisation des gens du voyage.

Gens du voyage, qui sont-ils ?

Il s’agit d’une catégorie administrative qui concerne les personnes vivant plus de six mois par an en résidence mobile terrestre. L’immense majorité sont des citoyens français dont le nombre est estimé à 300  000 personnes par la Cour des Comptes pour qui « la France est l’un des rares pays à avoir défini une politique publique pour l’accueil et l’accompagnement des gens du voyage ».
Une loi de 2017 a supprimé l’obligation de détenir un « livret de circulation » sous pression de l’ONU.

« L’offre est suffisante quand on regarde les taux d’occupation »

Christian Abrard, sous-préfet de Roanne, est en charge du schéma départemental d’accueil des gens du voyage. Dix-huit  aires d’accueil et de grand passage composent la Loire. Pour lui, la principale problématique à régler pour cette population est la sédentarisation

Comment se répartit l’offre d’aires pour les gens du voyage dans le département ?

« Quatorze aires d’accueil se répartissent dans le département. Nous avons en tout 256 places. Il existe aussi deux aires de grand passage à Andrézieux-Bouthéon et à Mably. »


L’offre est-elle suffisante ? Avez-vous beaucoup de campements sauvages ?

« Globalement, c’est suffisant quand on regarde les taux d’occupation. Ils sont de 64 % à Loire Forez, 62 % à Saint-Étienne Métropole, 37 % à Roannais Agglomération et 31 % à Forez-Est. Ils sont tout à fait corrects et montrent qu’il y a de la place. Concernant les campements sauvages, la plus grande partie va sur les aires d’accueil. Les expulsions peuvent arriver mais c’est relativement rare. »


Que proposez-vous en termes de sédentarisation pour les gens du voyage ?

« Dans la Loire, le principal enjeu réside dans cette sédentarisation. Un nombre important de personnes souhaite se sédentariser : soit avec un terrain familial soit un logement adapté. Nous recensions, il y a 5 ans, 235 ménages à sédentariser. Depuis, un certain nombre d’actions ont débouché comme dans le quartier de La Chaumassière à Saint-Étienne où 31 ménages ont été sédentarisés, mais aussi six ménages à Sury-le-Comtal et quatre à Saint-Marcellin-en-Forez. »


« Le schéma datant de 2013
a plutôt bien fonctionné »


Y a-t-il d’autres projets concernant
la sédentarisation ?

« Nous avons des opérations en cours comme à Andrézieux-Bouthéon, Roche-la-Molière ou au Chambon-Feugerolles. Il existe un campement depuis plusieurs années en accord avec le maire. Cela n’a pas d’existence juridique, mais ils y sont installés, ont leur vie et leur travail.
Ce campement pourrait devenir un terrain adapté. Aussi à Saint-Chamond, nous sommes en train de scinder une aire d’accueil en deux avec une partie en terrain familial et l’autre toujours en aire d’accueil. »


Vous êtes chargé du dossier gens du voyage pour la préfecture de la Loire et notamment du schéma départemental d’accueil pour les gens du voyage, à quoi sert-il et quand va-t-il être mis à jour ?

« La révision du schéma est prévue pour la fin de l’année. Le schéma est un état des lieux avec une formalisation de ce qui existe comme équipements d’accueil dans le département. Il fixe aussi les futurs axes et les pistes d’évolution et d’amélioration.
Nous en sommes à la phase ultime de rédaction, avec bientôt la consultation des quatre intercommunalités puis la signature à la fin de l’année. Le schéma datant de 2013 a plutôt bien fonctionné donc il n’y aura que quelques petites évolutions à la marge. »

Charles-Antoine JAUBERT

256

256 places sont à disposition dans le département de la Loire pour 14 aires d’accueil.

À Saint-Étienne Métropole, il y a l’aire d’accueil de La Talaudière (19 places), Roche-La-Molière (11), Saint-Chamond (15), Rive-De-Gier (10), Saint-Jean-Bonnefonds (25) (actuellement fermée pour cause d’incendie), Firminy (15), Saint-Genest-Lerpt (15) et Sorbiers (10).

À Loire Forez, il existe l’aire de Montbrison (20), Saint-Just-Saint-Rambert (31), Saint-Cyprien (10) et Sury-le-Comtal (15).

À Forez-Est, il en existe une, celle de Feurs (20) et à Roannais Agglomération, celle de Roanne (40).

Les aires de grand passage sont au nombre de deux : l’une à Andrézieux-Bouthéon qui couvre le sud et le Forez et l’autre à Mably qui couvre le nord.

Onze logements vont voir le jour sur le site des Volons, à Andrézieux-Bouthéon. Le bailleur social Bâtir et Loger gère ce projet d’habitat adapté à des gens du voyage désormais sédentarisés. La livraison est prévue au printemps 2020.



Gérer le pélerinage
aux Saintes-Maries-de-la-Mer

Des dizaines, voire des centaines de caravanes qui s’installent brusquement sur un terrain privé, des échanges plus ou moins sereins entre gens du voyage élus et forces de l’ordre…

Le scénario est devenu un classique des débuts d’été. Chaque année, la communauté pentecôtiste des gens du voyage se dirige aux Saintes-Maries-de-la-Mer, en Camargue.

À chaque fois, les gens du voyage indiquent que les aires de grand passage sont saturées ou qu’elles ne répondent pas aux besoins en nombre pour certains groupes...

À Bas-en-Basset : ils sont là depuis « au moins 50 ans »

L’histoire est longue entre Bas-en-Basset et les gens du voyage. Cette année, elle a été mise en stand-by. Pour le maire, une solution adaptée et durable doit être trouvée à l’échelle du département de la Haute-Loire. Une réflexion s’est justement enclenchée.

« J’ai toujours connu ça, ça fait au moins 50 ans qu’on les voit. […] Mais généralement, ça se passe bien. »
Gilles David, le maire de Bas-en-Basset les connaît bien.


Chaque année, les caravanes investissent les abords de la commune et boudent ainsi les aires d’accueil qui leur sont réservées. « Ça peut aller jusqu’à 60 à 80 caravanes. »

Le maire bassois pense savoir pourquoi : « Il y a une aire à Monsitrol-sur-Loire où il y a dix  emplacements de deux caravanes donc vingt places. Alors , c’est surpeuplé, il y a même des gens qui s’installent sur le parking extérieur. » Idem à Yssingeaux.

Le seul site conséquent se trouve à Eycenac, dans la commune de Saint-Christophe-sur-Dolaison. C’est une aire dite « de grand passage », elle a été conçue pour permettre à une centaine de caravanes de prendre place. Reste ensuite les aires de Brioude et Langeac pour une vingtaine de véhicules également. L’offre semble inadaptée.

Dans le département de la Haute-Loire, les aires d'accueil sont répertoriées sur une carte.

Les aires d’accueil sont la compétence de l’intercommunalité. « Certains élus des communautés de communes ne veulent pas en entendre parler, mais ce n’est pas vrai que chez nous », avoue le maire bassois qui estime le coût de l’aménagement d’un emplacement à 30 000 euros.


« C’est cher pour ce que c’est. Surtout quand vous avez des groupes qui séjournent une semaine ou moins, qui sont juste présent l’été. Je comprends qu’on hésite. »

L’avancement est donc extrêmement lent, voire inexistant. En 2018, les élus des Marche du Velay-Rochebaron ont décidé à l’unanimité d’interpeller l’État pour qu’il pousse des communes voisines à faire des aménagements.

Cette compétence s’inscrit aussi dans un schéma départemental. « Il a été au point mort pendant près de douze ans, mais il redémarre. Il y a eu des réunions avec la sous-préfète d’Yssingeaux », explique Gilles David. Un recensement des gens du voyage a même été fait pour savoir combien souhaitaient se sédentariser.

« Ils ont une sorte
d’attachement territorial »


Une partie des gens du voyage souhaitent en effet « se fixer » pendant la mauvaise saison et les périodes scolaires. À ceux-là, il faut ajouter ceux qui prennent la route en période estivale et qui reviennent régulièrement. « Ils ont une sorte d’attachement territorial. » Pour finir, il y a une marge non prévisible de gens du voyage.

Si généralement les caravanes s’installent à proximité du stade, elles n’y ont plus accès et pour cause : les travaux de la nouvelle station d’épuration ont commencé. « On a utilisé le terrain. »

L’été dernier, les gens du voyage ne s’y sont donc pas installés. En revanche, ils ont posé leurs valises sur des terrains communaux de Beauzac d’où ils sont partis après quelques jours seulement, le 31 août.


Emma JOUVE

A photo of Kellar

30 000 euros

Le maire bassois estime le coût de l’aménagement d’un emplacement
à 30 000 euros.

Loire Forez Agglomération :
76 places sont à disposition

Sur le territoire Loire Forez Agglo, les aires des gens du voyage sont situées dans les communes de Montbrison, Sury-le-Comtal, Saint-Just-Saint-Rambert (mutualisée avec Bonson) et Saint-Cyprien. « Cette dernière n’était pas une obligation mais une volonté de l’Agglo », précise Claudine Court, vice-présidente déléguée à l’habitat et à l’accueil des gens du voyage.

Un budget de 200 000 euros par an

Au total, ce sont 76 places qui sont à disposition des gens du voyage. « Nos aires sont gérées par l’entreprise Vago ». Au fil des années, les services de l’Agglo ont constaté une évolution du mode de vie de ces populations. « Depuis une vingtaine d’années, on observe une sédentarisation progressive des familles. Elles ne font plus de grands voyages. Et de plus en plus d’enfants suivent une scolarité. Certains sont même collégiens. »

Après une première approche des familles souhaitant se sédentariser en 2018, Loire Forez Agglo va lancer en 2020, une première phase de diagnostic et d’état des lieux, « afin de connaître les besoins des occupants. Sur l’aire de Sury-le-Comtal, il existe déjà des maisons évolutives permettant de garer une caravane, première étape de la sédentarisation. En fonction des besoins des personnes concernées, il faudra réfléchir soit à des terrains familiaux soit à des logements adaptés avec les instances concernées ».

Claudine Court ( à droite), vice-présidente déléguée à l’habitat et à l’accueil des gens du voyage. Photo Progrès/Marie-Pierre Chanut

Côté finance, si Loire Forez Agglo alloue un budget
de 200 000 euros par an aux aires, elle touche en contrepartie, entre 30 000 et 35 000 euros de la part des gens du voyage et en moyenne 90 000 euros d’aide de l’État, « en fonction du taux d’occupation ».

Cécile VERRIER

À Saint-Chamond, « le site est bien entretenu. Il n’y a pas de dégradation »

Les gens du voyage qui se sont arrêtés il y a quelques années, ne sont pas repartis. Ils se sont sédentarisés, intégrés à la vie de la commune. La création d’une nouvelle aire pour gens de passage est envisagée.

L’aire couramiaude d’accueil pour les gens du voyage a été une des premières aménagées. Elle a été ouverte en 2006 sous le statut de « terrain familial public ». Elle propose quinze  places toutes raccordées aux différents réseaux.

Mais, depuis 2012, c’est Saint-Étienne Métropole (SEM) qui la gère. « Tout se passe au niveau de SEM qui a la compétence en matière d’habitat maintenant. De plus, les décisions concernant ces terrains sont prises dans le cadre du schéma départemental d’accueil piloté par le sous-préfet de Roanne, qui est notre interlocuteur. Le dernier schéma couvrait la période 2013-2018. Le prochain est en discussion. Toutes les aires ne sont pas occupées. Il faut faire des adaptations », précise le maire Hervé Reynaud qui avoue avoir formulé des demandes spécifiques pour Saint-Chamond parce que « notre aire présente quelques particularités. »

Hervé Reynaud, maire de Saint-Chamond, explique : « Les occupants paient un loyer, comme tout un locataire ».
Photo Progrès/Frédéric CHAMBERT

Première originalité, le terrain appartient à Saint-Chamond mais est situé dans la commune voisine de Saint-Paul-en-Jarez qui doit donc être consultée avant d’engager des travaux. Pas de désaccord entre les deux localités, la mairie couramiaude a pu aménager le terrain comme elle l’entendait.

Deuxième particularité, les gens du voyage Saint-Chamonais sont pratiquement tous sédentarisés. Les enfants sont scolarisés dans les établissements de la ville et les parents ont une activité professionnelle.

Les travaux d’aménagement pourraient alors commencer début 2020

« Les occupants paient un loyer, comme tout un locataire, à la société Soliha mais ils n’ont pas droit à certaines aides comme les APL (Aide personnalisée au logement) », précise l’édile qui souligne « le site est bien entretenu. Il n’y a pas de dégradation. Nous n’avons pas de problème. »

Pour les voyageurs, qui ne feront que passer par Saint Chamond, le maire envisage donc de créer six  places sur le terrain voisin. Saint-Étienne Métropole a accepté l’idée à condition que ce soit un « terrain familial public. » Reste à obtenir l’accord définitif. L’édile l’espère pour la fin de l’année.

Les travaux d’aménagement pourraient alors commencer début 2020 et s’étaleraient sur trois  mois. Coût estimé : 135 000 euros pour lesquels une subvention serait possible.

Françoise SUTOUR