Qui sont
les rois
de la sneaker
à Lyon ?

L'enquête du Progrès Economie

Stan Smith, Vans Old School, Nike Air Max, Reebok Pump… La basket n’est plus réservée aux sportifs, au contraire. Au bureau, en soirée, à l’école : zoom sur cette tendance planétaire qui pèse 80 milliards d’euros, et sur laquelle surfent des revendeurs lyonnais pour avancer à grandes foulées vers le succès.

Peu importe la catégorie socioprofessionnelle, l’âge, le sexe… Les baskets ont séduit tout le monde. En quelques années, les chaussures de sport ont investi nos placards, laissant peu de chance aux chaussures classiques. Initialement destinée aux sportifs, la basket est devenue “sneaker” depuis son usage citadin, notamment grâce à son aspect confort.

La basket longtemps opposée à la chaussure


« Avant, les baskets avaient une mauvaise image auprès du public. Elles avaient la réputation de faire mal aux pieds. Pendant longtemps, on a opposé la basket destinée à la pratique du sport et la chaussure de ville plus rigide. Aujourd’hui, les consommateurs veulent simplement trouver du confort dans leurs chaussures, d’où cet engouement pour la sneaker.

Au CTC, nos clients, qui étaient uniquement positionnés sur les chaussures à talons, nous ont demandé conseils pour faire des sneakers. C’est une preuve du dynamisme de ce marché », confirme Christophe Cumin, responsable du département chaussures au CTC (centre technique du cuir, Lyon 7e), leader international en contrôle qualité et développement durable pour le cuir, la chaussure, la maroquinerie et l’habillement.

Démocratisées grâce au mouvement hip-hop dans les années 1970, mais aussi au travers de stars mondiales telles que Michael Jordan et sa “Air Jordan One” de Nike, (plus de 100 millions de paires vendues), les baskets sont devenues plus cools que jamais, écrasant tout sur leur passage.

Les sneakers sont reines à Lyon

Championnes des ventes en France (plus d’une chaussure neuve vendue sur deux est une basket), elles représentent un marché de 3,9 milliards d’euros et ont augmenté leur vente de 5 % par an entre 2014 et 2018. Cette croissance fait le bonheur de mastodontes Nike (36,6 milliards de dollars en 2018) et Adidas (21,2 milliards de dollars en 2017), mais pas uniquement.

Rien qu’en France, plus d’une centaine de marques ont investi le marché ces dix dernières années. On les trouve partout : dans les grandes enseignes de chaussures à petits prix, jusqu’aux boutiques spécialisées. Même le luxe s’y est mis, faisant de la basket un accessoire indispensable des podiums.

À Lyon, les enseignes telles Citadium, Offshoes, Addicted, Street Connexion, Sneakers Chic… sont nombreuses à se partager ce marché. Grandes enseignes, boutiques spécialisées, réparation, customisation et même associations… Cette semaine, Le Progrès Économie s’intéresse à ces Lyonnais bien dans leurs baskets.

En entreprise,
on met
des baskets propres

Grâce à leur présence sur les podiums, les baskets se sont aussi fait une place dans les bureaux lyonnais.
Exit le “casual friday”, on peut désormais les porter tous les jours, sauf bien sûr, dans certains secteurs où le costume est toujours de rigueur.


Des baskets oui, mais avec une tenue correcte


Chez Boiron, « un modèle sobre, classique ou plus original peut être porté, à condition d’être propre (type Stan Smith) bien lacé et associé à une tenue correcte », explique Isabel, ancienne chef de projet au siège de Messimy et aujourd’hui déléguée pharmaceutique pour le laboratoire.
En revanche, elle précise que « pour les métiers de représentation, comme les commerciaux : la basket est proscrite ». Dans d’autres secteurs comme la restauration, la basket est à l’inverse, fortement conseillée.

Au restaurant Fuxia à Lyon Confluence, les baskets sont même recommandées. Photo Progrès Marion MOUGET

« Quand j’embauche une personne, je lui recommande de porter des baskets, pour être à l’aise », insiste Frédérique, directrice du restaurant Fuxia à Confluence.
« Ici, on aime bien que nos employés aient du style, tout en respectant notre dress code tee-shirt blanc ou noir. »


En vogue dans les start-up

Dans les start-up aussi, la basket est de rigueur, comme le détaille Jade Le Maître, directrice associée chez Hease Robotics (Villeurbanne) : « Chez Hease, la règle est simple et s’applique à tous, qu’importe la paire de chaussure : la propreté et l’entretien. Que nous parlions de chaussures de ville, plates ou à talons, de baskets ou même de chaussures de sécurité, je préfère avoir mon équipe à l’aise dans ses (belles) baskets, plutôt qu’engoncée dans une paire de chaussures de ville non entretenue ».

Sur le créneau
du luxe, Lyon est un marché fermé

En créant des lignes de baskets, les grands couturiers veulent aussi croquer dans le gâteau de la sneaker de luxe. D’après une étude des Échos, ce segment représente 18 % du marché mondial des chaussures de luxe et affiche une croissance trois fois supérieure à ces dernières. En les invitant dans leurs défilés, Louis Vuitton, Chanel, Weston, Balenciaga, Fendi (entre autres) ont lancé les tendances mondiales des grandes chaînes de prêt-à-porter.

À l’image de la fameuse basket chaussette de Balenciaga, copiée partout et vendue 585 €. Cette démocratisation, leur permet aussi de séduire une nouvelle clientèle, plus jeune et moins habituée à pousser la porte de leurs boutiques. À Lyon, outre les boutiques officielles des grandes marques, d’autres ont misé sur ce créneau. « Les grandes maisons de luxe ont fait de la basket un accessoire indispensable », explique Foued Benattou, créateur il y a sept ans, d’Evok Shop, magasin spécialisé dans la basket de luxe.

Les 600 000 euros de CA visés

Au total, la boutique propose une centaine de références, « uniquement réalisées par des grands créateurs ». Sans clientèle type, « ça va de 18 à 30 ans », Foued Benattou explique que « les baskets sont des achats coup de cœur, peu importe le prix (de 250 à 1 000 €) ».

Côté concurrence, le jeune patron – qui compte atteindre les 600 000 € de chiffre d’affaires – est plutôt serein. « Lyon est un marché assez fermé. Lorsqu’une grande marque a signé un contrat avec une boutique, elle ne veut pas de sur-distribution ».

Shoez Gallery : l'enseigne
que les marques convoitent

Lyon 1er. En découvrant, un matin, plus de 200 personnes faire la queue devant son magasin le jour du lancement d’une toute nouvelle basket, Florent Altounian s’est dit que cela n’avait plus grand-chose à voir avec ce qu’il imaginait au départ. C’est d’abord parce que c’est un passionné de sneakers que Florent Altounian se lance, en 2003, dans le business de la basket. « Je voulais porter des chaussures différentes, alors j’ai commencé à proposer des choses que l’on ne trouvait pas ailleurs ». Le concept est né. Dans son magasin Shoez Gallery, on fait dans l’édition limitée.

Et le magasin – complété en 2006 par un point de vente pour la sneaker féminine, et en 2010 par un point de vente pour les vêtements streetwear – trouve très vite son public. Avec l’arrivée en puissance des réseaux sociaux, on parle même de communauté. Shoez Gallery compte 50 000 abonnés sur Instagram et l’enseigne est vite repérée par les marques comme Nike ou Adidas. « Pour les marques, nous étions devenus le point de vente cool, nous étions des “fashion business influenceurs” et elles nous choisissaient pour lancer certains de leurs produits », explique Florent Altounian.

Shoez Gallery réalise un chiffre d’affaires de 1,4 million. Photo Progrès Maxime JEGAT

Cette exclusivité, si elle est excellente pour le business, a quelque peu dépassé le gérant. « Nous voulions, au départ, proposer à nos clients des choses inédites que personne n’aurait et nous nous retrouvions à vendre la paire que tout le monde voulait ». Il a donc fallu trouver un équilibre. Et celui-ci se fait lorsqu’à côté de la paire à la mode, Shoez Gallery décide de vendre des marques peu connues comme la marque finlandaise Karhu ou des modèles que l’on ne trouve nulle part ailleurs. Ce modèle permet à l’enseigne de réaliser un chiffre d’affaires de 1,4 million d’euros par an.

Cinq commerces
où la sneaker
est reine

Sneakers & chill mise sur le relooking

Lyon 2e. C’est parce que son fondateur cherchait un jour à faire enlever une tâche sur une de ses baskets et qu’il n’a vu aucune solution s’offrir à lui que Sneakers & chill est née, il y a trois ans à Paris. Sa petite sœur ouvre un an et demi plus tard à Lyon, tout comme une franchise à Aix-en-Provence.
Entre Rhône et Saône, Sneakers & chill s’installe rue Laurencin, dans le 2e arrondissement. « Nous sommes une entreprise de services, nos clients viennent grâce au bouche-à-oreille », raconte Jean De la Vaissiere. « Nous avons été le premier magasin en France à proposer trois services à la fois : le nettoyage, la restauration et la personnalisation de baskets ».

Sneakers & chill est également présent à Paris et Aix-en-Provence. Photo Sneakers&chill

Si, en boutique, c’est la partie nettoyage qui est la plus importante, l’entreprise réalise 70 % de ses revenus grâce à la partie événementielle. Car Sneakers & chill, ce ne sont pas seulement des “ateliers à tout faire” de la basket. C’est aussi une entreprise qui loue ses services pour des marques comme Lacoste, les Galeries Lafayette, la Halle aux chaussures ou auprès d’entreprises, ou qui anime des ateliers, en France et même à l’étranger, comme récemment à Osaka, au Japon.

Sneakers & chill prend de l’ampleur. Son chiffre d’affaires a atteint en 2018, 400000 euros et il devrait doubler pour l’exercice 2019. « Nous connaissons une croissance à deux chiffres tous les mois », note Jean De la Vaissiere. L’enseigne a de beaux jours devant elle.

La basket, fer de lance de la société
de communication Ninki Agency

Lyon 9e. C’est ce qu’on appelle une reconversion réussie. Karim Bah, ancien joueur de football professionnel, a fondé, en 2017, son agence de communication, une agence spécialisée dans la “street culture”, qui se nomme Ninki Agency. En plus de proposer un magazine sur la culture urbaine et de gérer la communication de ses différents clients, l’agence organise, deux fois par an à Lyon, la Ligue, un événement consacré à la sneaker.

Karim Bah a lancé la Ligue, un événement dédié à la basket, en 2016. Photo Progrès/Jennifer MILLET

« L’idée est de réunir des personnes qui veulent vendre leurs baskets, des vendeurs pros et des particuliers. Il y avait des choses de ce genre à Paris et j’en avais marre d’entendre dire que tout se passe à Paris. Je suis de Lyon et je ne voyais pas pourquoi on ne pouvait pas avoir quelque chose comme ça ici », raconte Karim Bah. La première édition de la Ligue est organisée en 2016 et sert dans un premier temps de vitrine à l’agence de communication du jeune chef d’entreprise de 33 ans. Pour la première, une centaine de personnes sont présentes, pour la dernière en date, plus de 1 600 personnes sont venues.
« Ça commence à nous permettre de gagner de l’argent », continue Karim Bah. La réussite de l’événement lyonnais encourage Karim Bah à lancer la Ligue à Marseille : « Nous avons organisé la première édition en mars dernier », se réjouit l’ancien footballeur, qui a vu la basket devenir « la locomotive » de son activité.

Street Connexion boucle près de 2,7 millions d’euros de chiffre d’affaires

Lyon 2e. « Lorsque nous avons ouvert le magasin en 2002, nous étions trois enseignes positionnées sur le marché de la basket, aujourd’hui, rien qu’en Presqu’île, je dirais que nous sommes au moins une vingtaine », remarque Yohann Alzraa, gérant de Street Connexion. C’est dire l’importance qu’a pris le marché en un peu plus de quinze ans, suscitant forcément de la concurrence. L’ouverture de sa boutique, Yohann Alzraa la doit à un constat : « Pour acheter des baskets, il fallait forcément aller dans une chaîne et nous avons eu l’idée de proposer un magasin mêlant baskets et mode ».

En 2005, le magasin, situé rue de Brest dans le 2e arrondissement de Lyon, gagne un étage. En 2014, il est totalement rénové et un magasin pour les enfants ouvre en avril 2018. Pour se démarquer, Yohann Alzraa mise sur sa gamme, des produits tendance « que l’on ne trouve pas dans les grandes chaînes ». La partie sneakers représente 70 % de son chiffre d’affaires, un CA proche de 2,7 millions.

Il y a deux magasins Street Connexion à Lyon. Photo Progrès/Jennifer MILLET

« Jusqu’en 2016-2017, cela augmentait, mais depuis deux ou trois ans, c’est plus compliqué, estime le gérant. Le marché est toujours aussi grand, mais c’est plus compliqué qu’avant ». En cause notamment Internet qui prend une part toujours plus grande du gâteau. Alors le développement de Street Connexion passe peut-être par le Net. « Bien sûr, nous sommes présents sur Internet, c’est un impératif et nous travaillons même à développer cette partie-là », reconnaît Yohann Alzraa.

Offshoes, success-story lyonnaise puissance cinq

Lyon. Offshoes, c’est une histoire de famille, une famille qui s’est lancée il y a une trentaine d’années maintenant dans le commerce de la téléphonie, puis du textile et de la chaussure. Le premier magasin de la famille Taboul se situait rue de Brest à Lyon. Suivront ceux de la rue Victor-Hugo, du centre commercial de la Part Dieu, de celui de Confluence et de la rue de la République.

Anthony Teboul, gérant de Offshoes. Photo DR

« Ce sont à chaque fois des opportunités qui se sont présentées à nous », explique Anthony Teboul, gérant. Aujourd’hui, le développement de la société passe, selon son dirigeant, par le Net.
« Développer la partie internet est une nécessité, il y a une forte demande et la guerre des prix est grande ». Du côté des magasins, c’est celui de la Part Dieu qui fonctionne le plus : « Il fonctionne toute l’année, il est moins dépendant de la météo que ceux du centre-ville », raconte Anthony Teboul.
Pour lui, le plus important pour une boutique vendant des baskets c’est « d’être à la page » : « Il faut avoir les bonnes marques, suivre les tendances, c’est pour cela que nous écoutons beaucoup nos clients ». Si Anthony Teboul se refuse à communiquer un chiffre d’affaires, il avoue qu’il n’est pas question pour le moment d’une implantation hors de la ville de Lyon.

Citadium veut conquérir les habitants
de la Métropole et au-delà

Lyon 2e. C’est certainement l’un des derniers acteurs arrivés sur le marché de la sneaker à Lyon. Citadium a ouvert ses portes dans le nouvel Hôtel-Dieu en mai 2018, mais la marque, elle, n’a rien d’une débutante. L’enseigne du groupe Printemps existe depuis 18 ans et possède aujourd’hui huit magasins à travers la France. Si à Lyon on préfère rester silencieux sur le chiffre d’affaires réalisé lors du premier exercice du magasin, Pierre Pelarrey, président, annonçait en 2017 un chiffre d’affaires global de l’enseigne de plus de 100 millions d’euros. Le point de vente lyonnais devrait profiter de son magnifique emplacement sur trois niveaux en presqu’île pour venir gonfler les chiffres.

Citadium mise sur son ambiance. Photo Progrès/Jennifer MILLET

Ici, les sneakers occupent une place de choix, un étage entier leur est réservé. Il faut dire que dans ce magasin qui a tout du concept6store et qui vend aussi de l’habillement, la basket représente 40 à 45 % des volumes de vente.
« Nous avons plus de 800 paires de baskets à la vente, nous avons vraiment une très grosse gamme de produits qui s’adresse à tout le monde avec les grandes tendances et de gros stocks. C’est notre force de vente », explique Alex Djifetdjian, manager sneakers du magasin.

Lors d’une grosse journée, plus de 100 paires de baskets peuvent être vendues et la tendance n’est pas à la baisse.
« Il y a un vrai engouement pour la basket, les marques investissent beaucoup. Pour nous démarquer de nos concurrents nous proposons un vrai service client, une expérience client. Nos clients viennent pour l’ambiance du magasin ».