Un an après l'incendie de la préfecture du Puy-en-Velay

Ce 1er décembre 2018 restera dans les mémoires : incendie de la préfecture, manifestants bléssés, puis la visite du Président de la République trois jours plus tard...

Photo Rémy Perrin

Photo Rémy Perrin

« Les grilles étaient prêtes à céder, c’était la guerre »

Lors de l’acte III de la manifestation des Gilets jaunes, Le Puy-en-Velay fait face à une violence inouïe. Beaucoup retiendront les images de la préfecture en feu. Notre confrère, Christophe Bouyer, est sur le terrain ce jour-là. Il raconte cette journée… qu’il aurait pourtant voulu oublier.

Beaucoup voudraient que cette journée du 1er décembre n’ait jamais existé. Pour preuve : de nombreux témoins n’ont pas souhaité s’exprimer. Trop difficile pour eux de revenir sur cet épisode inouï. La réalité est que la - d’habitude - paisible ville du Puy-en-Velay s’est retrouvée, lors de l’Acte III du mouvement des Gilets jaunes, au cœur de la colère mais surtout de la violence. Christophe Bouyer, journaliste au sein de notre rédaction, couvrait l’événement.

Un début de manifestation classique

Lui aussi aurait voulu effacer cette terrible journée de sa mémoire. Pourtant, il raconte. « Ce jour-là, j’étais de permanence de fait divers. Le week-end avait mal commencé puisque j’avais eu deux accidents mortels de la circulation. Ce sont des drames humains à gérer… » Il enchaîne avec la manifestation. « Le matin, je suis allé au point de départ, le parking d’Aiguille. J’ai été impressionné par le monde déjà rassemblé ici. » Le cortège se met en branle. Il suit le mouvement, « un peu déboussolé » devant la foule présente. « Oui, il y avait des revendications mais le climat était celui d’une manifestation classique. » Pourtant, au fur et à mesure de l’avancée du cortège, il commence à avoir des « doutes sur la suite ». Des tensions et des crispations commencent à se faire sentir. « Il y avait peu de forces de l’ordre. Le dispositif était celui d’une manifestation normale. » Il remarque très vite que plusieurs personnes sont là pour « exciter et haranguer ». Il les reverra plus tard quitter les lieux, « dans une sorte de fourgon »…

Il est à peine 13 heures, la situation vient de basculer

« Ça a explosé devant les grilles de la préfecture. Bon nombre de Gilets jaunes se sont engouffrés dans un déferlement de haine… » La manifestation devient incontrôlable. « C’était surréaliste ! », se remémore notre confrère. Certains rentrent des pneus dans la cour de la préfecture. D’autres se battent avec les forces de l’ordre. Des groupes arrachent les poteaux sur lesquels sont accrochées les décorations de Noël, pour s’en servir de bélier contre les grilles. « L’ambiance était de plus en plus virulente. Ça a commencé à vraiment dégénérer. On voyait des gens appeler les autres à mettre le feu et à enfoncer les portes de la préfecture. Le “troupeau” a suivi. Les policiers tentaient comme ils pouvaient de repousser la foule. » Notre journaliste se retrouve dans la cour. « Je ne pensais qu’à faire mon boulot, qui est d’informer. Mais je voyais bien que la violence montait crescendo. »

« Ça a explosé devant les grilles de la préfecture. Bon nombre de Gilets jaunes se sont engouffrés dans un déferlement de haine. » Photo archives Le ProgrèsRémy PERRIN

« Ça a explosé devant les grilles de la préfecture. Bon nombre de Gilets jaunes se sont engouffrés dans un déferlement de haine. » Photo archives Le ProgrèsRémy PERRIN

Dans le cortège. Photo Rémy PERRIN

Dans le cortège. Photo Rémy PERRIN

En milieu de matinée, près de 4 000 Gilets jaunes remontent le boulevard de Saint-Laurent. Photo archives Le ProgrèsNicolas DEFAY

En milieu de matinée, près de 4 000 Gilets jaunes remontent le boulevard de Saint-Laurent. Photo archives Le ProgrèsNicolas DEFAY

Exfiltrés par les forces de l’ordre

Sur le coup des 16 heures, une délégation de Gilets jaunes est reçue par le préfet de l’époque, Yves Rousset. « J’ai suivi les porte-parole. J’ai pu assister aux échanges, rudes mais cordiaux. En plein milieu de la réunion, la sirène incendie s’est déclenchée. On entendait que, dehors, la situation se dégradait encore un peu plus. C’était la jungle. » Deux heures plus tard, c’est le moment de partir. « Nous nous sommes retrouvés dans une petite cour. Les forces de l’ordre s’agitaient. On voyait que les grilles de la préfecture étaient prêtes à céder, on entendait des cris. Des parpaings étaient lancés, des jets de flamme… On était coincés dans un lieu fermé », décrit Christophe Bouyer, marquant une pause dans son récit. Un an après, l’émotion est toujours là.

« Vous allez griller comme des poulets »

« À ce moment-là, on s’est dit que si les portes lâchaient, on était pris comme des animaux, les manifestants allaient tuer… Je ne pensais plus au boulot, je me demandais comment nous allions nous en sortir. Je me souviens qu’un policier s’est approché de nous. Je me souviens de son regard. Il nous souriait pour nous dire que tout était sous contrôle mais il y avait une panique dans son regard. » Le policier leur explique qu’une diversion sera faite par les forces de l’ordre pour exfiltrer la délégation. Une fois dehors, notre confrère se rapproche de la place Michelet. « J’étais liquéfié. J’avais besoin de prendre le temps de me remettre. Puis je suis retourné travailler. Place du Breuil, c’était l’apocalypse… » Une aile de la préfecture est en feu. Des femmes et des hommes sont à l’intérieur. Des manifestants leur hurlent qu’ils vont « griller comme des poulets… »

Karine WIERZBA

Des barrières et des palettes entassés devant les grilles. Photo Rémy PERRIN

Des barrières et des palettes entassés devant les grilles. Photo Rémy PERRIN

Des pneus en feu dans la cour. Photo Rémy PERRIN

Des pneus en feu dans la cour. Photo Rémy PERRIN

Éborgné par un projectile :
« Mourir aurait été plus confortable »

Entre 13 h 30 et 13 h 45, alors qu’il participait à la manifestation devant la préfecture du Puy-en-Velay, Michel (*) n’a pas vu arriver la grenade de désencerclement lancée par les forces de l’ordre. Un traumatisme dont il ne se remet pas.

« J’ai eu plusieurs fractures et l’œil qui s’est rompu. Des personnes m’ont fait un bandage et m’ont conduit jusque vers l’ambulance des pompiers ». Photo archives Le ProgrèsNicolas DEFAY

« J’ai eu plusieurs fractures et l’œil qui s’est rompu. Des personnes m’ont fait un bandage et m’ont conduit jusque vers l’ambulance des pompiers ». Photo archives Le ProgrèsNicolas DEFAY

Il a fallu maintes relances pour vous convaincre de témoigner. Pourquoi une telle réticence ?

« Je ne tiens pas à être une figure des évènements du 1er décembre 2018. Me remémorer ce qui s’est passé est très difficile. C’est plutôt une journée que je voudrais oublier. »

Ce jour-là, c’était la première fois que vous revêtiez le gilet jaune pour manifester ?

« Oui. Je n’ai jamais été un militant. Mais j’ai été sensible à la souffrance que certains avaient exprimé en occupant des ronds-points. Je me suis rendu seul au lieu de ralliement sur le parking d’Aiguilhe. Je ne suis pas parti pour me battre, mais pour rencontrer des gens, échanger, comprendre pourquoi ils manifestaient. Le cortège est parti vers la préfecture et j’ai suivi. Le seul mouvement auquel j’ai assisté est quand la préfecture a été évacuée puis refermée avec des chaînes. Les manifestants y étaient entrés très facilement car la cour était vide. »

Une enquête est en cours et devra déterminer, notamment, s’il y a eu des sommations et si le tir était justifié. Quel est votre avis ?

« Lorsque j’ai été blessé, tout était calme, sinon je ne serais pas resté. Les forces de l’ordre étaient dans la cour de la préfecture et les gens à l’extérieur. Moi j’étais de l’autre côté de la route. Une grenade de désencerclement a été jetée. Je ne l’ai pas vue venir. J’ai entendu une explosion accompagnée d’un flash à hauteur de mon visage. J’ai senti une douleur intense. J’ai mis ma main sur mon œil ; il a coulé entre mes doigts. Je me suis retourné vers des gens et j’ai demandé : “Qu’est-ce que j’ai ?” Leur visage était horrifié. Mon gilet n’était plus jaune mais rouge. Imaginez un galet en caoutchouc qui vous frappe l’arcade sourcilière à près de 150 mètres par seconde. J’étais sonné. »

En début d’après-midi, une poubelle est incendiée devant la grille de la préfecture. Photo archives Le ProgrèsRémy PERRIN

En début d’après-midi, une poubelle est incendiée devant la grille de la préfecture. Photo archives Le ProgrèsRémy PERRIN

Quelques heures plus tard, la manifestation a dégénéré et la préfecture a brûlé.

« À ce moment-là, j’étais sur la table d’opération. Ça a duré quatre heures pour tenter de sauver ce qui pouvait l’être. Mais j’ai perdu mon œil gauche. Je suis resté quatre jours à l’hôpital. Et l’enfer a continué. Mourir aurait été plus confortable. »

Pourquoi refusez-vous le mot « accident » pour décrire ce qui est arrivé ?

« Parce que ce n’est pas un accident. C’est une agression. La grenade est une arme de guerre. On m’a mutilé. Certains me disent que j’étais au mauvais endroit au mauvais moment, mais je ne le conçois pas. J’ai été blessé dans ma chair. J’ai tout perdu : mon permis de conduire et mon emploi. Pendant dix mois j’ai enduré la douleur. J’avais des soins matin, midi et soir pour éviter l’infection. J’ai dû porter une coque, afin de protéger l’œil meurtri, et affronter le regard des autres. Depuis le printemps, j’ai une prothèse oculaire. Elle m’aide à accepter ce nouveau visage que je n’ai pas voulu. »

Comment s’est passée cette année ?

« J’ai sombré. Je ne pouvais plus me regarder dans le miroir. Je ne dormais plus, je ne mangeais plus. Je suis une nouvelle personne et ça prend du temps pour l’accepter. Je ressens de la colère, de la peur et de la tristesse. »

Aujourd’hui, comment allez-vous ?

« J’essaie de reprendre pied. Mon espoir c’est que l’Inspection générale de la gendarmerie nationale termine l’enquête et que le parquet ne classe pas l’affaire sans suite. Je n’ai pas repris d’activité professionnelle. J’ai beaucoup de mal à avancer parce que j’ai besoin de comprendre ce qui s’est passé, pourquoi c’est arrivé. Je n’étais pas agressif. J’étais juste présent à une manifestation. En France, vingt-six personnes ont perdu un œil dans un rassemblement de Gilets jaunes. Vingt-six vies détruites. ».

Propos recueillis par Isabelle DEVOOS

(*) Michel est un prénom d’emprunt à la demande de l’intéressé. L’enquête étant en cours, Me Schott, son avocat, n’a pas souhaité s’exprimer.

Il est 19h20 le 1er décembre. Deux fenêtres sont en feux au rez-de-chaussé de la préfecture. Photo Michel TAFFIN

Il est 19h20 le 1er décembre. Deux fenêtres sont en feux au rez-de-chaussé de la préfecture. Photo Michel TAFFIN

Photo archives Le ProgrèsMichel TAFFIN

Photo archives Le ProgrèsMichel TAFFIN

« On a tous eu peur. Peur qu’il y ait un mort. Et d’être lynchés »

Jérôme Batret et Sébastien Béraud sont sur le parking d’Aiguilhe ce matin du 1er décembre 2018. Le premier est considéré comme l’un des porte-parole du mouvement en Haute-Loire. Ce qui frappe immédiatement les deux hommes, c’est la présence d’un groupe « de gens que nous ne connaissions pas. Ils étaient en train de taguer. On a prévenu les forces de l’ordre. Nous n’avons pas été écoutés ». Avec un service d’ordre de Gilets jaunes, trente-deux personnes en tout, les manifestants se mettent en marche. « On est au moins 4 000, se remémore Sébastien Beraud, qui ouvre le cortège dans un tracteur. C’est grandiose. Les commerçants sortent, les gens nous applaudissent et nous acclament. On a l’impression d’être une armée qui va libérer quelque chose. L’ambiance est particulière… »

Pourtant, ils sentent qu’il « va se passer quelque chose. Sans savoir quoi ». En arrivant place du Breuil, les manifestants retrouvent les syndicalistes. « J’ai pris la parole pour faire un discours. Je leur ai dit que nous étions apolitiques. Certains ont baissé les drapeaux. D’autres ont mal pris la remarque. »

« J’essaie de trouver un abri pour me protéger »

Tout d’un coup, un premier feu de bengale éclate. « Là, nous avons pris la décision d’enlever les tracteurs. On est partis en direction de la rue de la République en passant devant le commissariat. On pensait que tout le monde suivrait le mouvement… » Ce n’est pas le cas. Beaucoup restent devant la préfecture où les premiers heurts éclatent. « On est retourné sur la place du Breuil pour essayer de s’interposer et de dire aux gens de partir. » Dans l’après-midi, Jérôme Batret reçoit un coup de téléphone du préfet. « Il souhaite recevoir une délégation de six Gilets jaunes à 16 heures. » Pendant qu’il se rend à l’entrevue avec le représentant de l’État, Sébastien Béraud, lui, reste devant la préfecture. « J’essaie de trouver un abri pour me protéger. C’est Bagdad, ça n’arrête pas une seconde ! C’est impressionnant, on se dit que ce n’est pas possible que ça se passe au Puy. J’en suis malade voir ça. »

À l’intérieur de la préfecture, Jérôme Batret entend « claquer de partout, des vitres qui se brisent… Le préfet nous reproche d’avoir mis le feu aux poudres et ce qu’il se passe dehors. » Lorsque la délégation est exfiltrée, il sent « une odeur de chaud ». Dans la cour intérieure, le Gilet jaune est « surpris de voir les forces de l’ordre agglutinées contre un mur pour essayer de se protéger. On a tous eu peur. Peur qu’il y ait un mort. Peur d’être lynchés. Il y a des policiers et des gendarmes blessés, en sang… Ceux qui sont en préfecture sont des cibles. » Quand les deux hommes se retrouvent, il est 19 heures. Ils quittent les lieux. Ils regrettent « la violence et les blessés dans les deux camps ».

Karine WIERZBA

L’air grave, le président de la République sort de la gendarmerie nationale pour se rendre, sous bonne escorte, à l’aérodrome de Loudes. Photo archives Le ProgrèsMichel TAFFIN

L’air grave, le président de la République sort de la gendarmerie nationale pour se rendre, sous bonne escorte, à l’aérodrome de Loudes. Photo archives Le ProgrèsMichel TAFFIN

Trois jours après l’incendie, Emmanuel Macron vient au Puy-en-Velay… en catimini

Mardi 4 décembre. Le Puy-en-Velay et la Haute-Loire pansent leurs plaies. La violence et l’incendie de la préfecture, trois jours auparavant, lors de l’Acte III de la manifestation des Gilets jaunes sont dans toutes les têtes. Pourtant, en fin de journée, un nouvel événement inattendu se produit.

Une rumeur, qui se fait de plus en plus persistante, se propage à vitesse grand V : le chef de l’État, Emmanuel Macron, serait en Haute-Loire. Personne n’a eu l’information officielle. Les gendarmes, policiers et pompiers qui vont être reçus par le chef de l’État apprennent à la dernière minute cette visite. Les journalistes, qui habituellement sont prévenus tôt lors de visites ministérielles ou présidentielles, n’en savent pas plus.

Alors que l’avion présidentiel a déjà atterri  à Loudes

Des personnes travaillant à proximité l’ont vu et font fuiter l’information… notamment auprès des Gilets jaunes : « Un salarié de la tour de contrôle de l’aérodrome a appelé pour donner l’information », confirme Jérôme Batret. La presse apprend enfin que le chef de l’État va se rendre dans un premier temps en préfecture, puis au groupement de gendarmerie de la Haute-Loire.

Emmanuel Macron dans son véhicule à la sortie de la préfecture du Puy-en-Velay, alors qu'il s'apprête à se rendre au groupement départemental de gendarmerie de la Haute-Loire. Photo Remy BARBE

Emmanuel Macron dans son véhicule à la sortie de la préfecture du Puy-en-Velay, alors qu'il s'apprête à se rendre au groupement départemental de gendarmerie de la Haute-Loire. Photo Remy BARBE

17 heures : il arrive en préfecture et visite les locaux incendiés

 Emmanuel Macron pénètre dans les locaux de la préfecture par l’entrée principale, face à la place du Breuil. Déjà quelques personnes se trouvent devant les grilles. L’information selon laquelle le chef de l’État est au Puy-en-Velay se propage à vitesse grand V sur les réseaux sociaux. Le président de la République visite d’abord les locaux de l’aile droite de la préfecture incendiée, et qui abrite entre autres la Direccte (Direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi).

Il découvre des dégâts considérables

Il rencontre des agents afin de les assurer de son soutien : « Vous avez vécu quelque chose de terrible, samedi. Rien ne justifie cette violence. À travers vous c’est l’État qui a été attaqué. Mais qui d’autre que l’État répond à la colère de chacun ? Qui éduque ? Qui soigne ? Qui aide ? C’est vous. Je ne laisserai jamais attaquer l’État pour cette raison. Votre tristesse, je la partage. Je suis fier de vous. »

Sur le Breuil, des manifestants ont brandi leurs gilets jaunes, d'autres ont hurlé Macron démission et certains (nos photos) ont tenté de se jeter en travers du cortège. Photo Rémy BARBE

Sur le Breuil, des manifestants ont brandi leurs gilets jaunes, d'autres ont hurlé Macron démission et certains (nos photos) ont tenté de se jeter en travers du cortège. Photo Rémy BARBE

Dehors, un comité d’accueil l’attend de pied ferme : huées, cris, insultes...

Lorsqu’il s’engouffre dans un véhicule, Emmanuel Macron entend la colère. Huées, cris, insultes… accompagnent sa sortie. Les mots sont violents. La haine à l’encontre du chef de l’État est palpable. Il ouvre sa fenêtre quelques instants. Seul son regard dans le vide est immortalisé. Il ne dit pas un mot. La traversée du Puy-en-Velay est compliquée. Les Gilets jaunes suivent le cortège. Un manifestant se jette sous les roues du véhicule d’Emmanuel Macron.

18 heures : il est accueilli au groupement de gendarmerie

 Le cortège présidentiel arrive au groupement de gendarmerie, place de la Libération, et s’engouffre sur le parking. Les grilles se referment. À son arrivée, le président de la République est à nouveau interpellé. Par des Gilets jaunes d’abord. Par les journalistes ensuite, à qui il promet de revenir à sa sortie pour dire quelques mots. Il ne le fera pas. Là, il rencontre les forces de l’ordre et de secours, durement touché le 1er décembre. « Il a réaffirmé la volonté de maintenir l’ordre républicain et de faire en sorte que la police et la gendarmerie soient respectées car leur mission est de sécuriser les concitoyens », confiera plus tard le préfet Yves Rousset. Devant la gendarmerie, la colère gronde plus fort. Des centaines de manifestants, particulièrement énervés, ont convergé ici. Les insultes et les hostilités se poursuivent contre le président Macron.

19 heures : des manifestants stoppent le convoi

Un cordon de gendarmes sort enfin. Chacun s’attend à voir passer le chef de l’État. Devant le climat hostile, il est exfiltré par l’arrière du bâtiment. Des manifestants parviennent à faire stopper le convoi quelques instants. Il repart tambour battant en direction de l’aérodrome. Les opposants, qui veulent se poster sur le rond-point de Loudes, sont maintenus à l’écart par les forces de l’ordre. Ils sont amers : « Pour que Macron nous entende, il faut faire brûler la préfecture… » De ne pas avoir pu rencontrer ou être entendu par le chef de l’État attise les virulences. Ils promettent de manifester à nouveau le 8 décembre.

Emmanuel Macron (premier à droite) traverse la cour de la préfecture et s'apprête à rentrer dans l'aile de la préfecture incendiée samedi. Photo Remy BARBE

Emmanuel Macron (premier à droite) traverse la cour de la préfecture et s'apprête à rentrer dans l'aile de la préfecture incendiée samedi. Photo Remy BARBE

Dimanche 2 décembre, le préfet de la Haute-Loire Yves Rousset, Montre aux média les anciens appartements du concierge dévastés par les flammes. Photo Michel TAFFIN

Dimanche 2 décembre, le préfet de la Haute-Loire Yves Rousset, Montre aux média les anciens appartements du concierge dévastés par les flammes. Photo Michel TAFFIN

Une visite ministérielle en prélude de celle du président de la République

Dimanche 2 décembre, dans la soirée, la ministre de la Cohésion des territoires et des Relations avec les collectivités territoriales, Jacqueline Gourault, est au Puy-en-Velay. Une visite décidée à la dernière minute lors d’une réunion de crise à l’Élysée par Emmanuel Macron, Édouard Philippe, le Premier ministre, Christophe Castaner, ministre de l’Intérieur, et François de Rugy, ministre de la Transition écologique. Jacqueline Gourault vient pour saluer les forces de l’ordre qui ont eu la lourde tâche de protéger la préfecture la veille. « Je condamne sans réserve ce qui s’est passé au Puy-en-Velay. Quand certains viennent manifester avec de l’acide, de l’ammoniac et de l’acétone, ils ne viennent pas porter des revendications. » La ministre demande à « tous les Républicains du département d’être unis autour de l’État pour défendre la République ».

Sur le Breuil, des manifestants ont brandi leurs gilets jaunes, d'autres ont hurlé Macron démission et certains (nos photos) ont tenté de se jeter en travers du cortège. Photo Rémy BARBE

Sur le Breuil, des manifestants ont brandi leurs gilets jaunes, d'autres ont hurlé Macron démission et certains (nos photos) ont tenté de se jeter en travers du cortège. Photo Rémy BARBE

Du côté des services préfectoraux, des gendarmes, des policiers et des pompiers : c'est l'omerta

La rédaction de La Tribune - Le Progrès Haute-Loire, soucieuse de donner la parole à chacun des protagonistes ayant vécu ces événements exceptionnels, a cherché à collecter les témoignages des membres des services préfectoraux, de sécurité et de secours. Ceux-ci pouvaient apporter un regard différent de celui porté par les Gilets jaunes, respectant ainsi le principe du contradictoire, fondamental au journalisme. Hélas, ces témoignages ne seront pas dans nos pages. Les directions respectives de ces services ont catégoriquement refusé d’évoquer la journée du 1er décembre 2018, interdisant à leurs équipes de se confier. Nos journalistes ont pourtant eu plus d’une fois l’opportunité de recueillir la parole des hommes et des femmes présents ce jour-là. Ces derniers ont puisé dans des souvenirs traumatisants pour raconter cette montée de la violence, à une condition : que nous obtenions l’aval de leur direction. Cela n’a pas été le cas.  Sans autorisation, nous ne pouvions trahir ces sources qui nous ont accordé leur confiance. Nous ne publierons donc pas ces témoignages.

La rédaction de La Tribune - Le Progrès Haute-Loire