A Vénissieux
La guerre des stups devient mortelle

Deux morts et plusieurs suspects arrêtés : depuis 15 jours, Vénissieux cristallise violences et inquiétudes. Le meurtre de Hicham, 19 ans, abattu en pleine rue devant une résidence du boulevard Ambroise-Croizat, a embrasé un secteur sous tension, qui renferme une violente guerre des stups. Entre bandes rivales, les règlements de comptes s'intensifient, en dépit de riverains inquiets et de plusieurs victimes. Récit.
Mercredi 11 décembre
15 heures
Un homme tué par balles à Vénissieux

Un jeune homme du quartier Max-Barel est abattu en pleine rue, devant une résidence du boulevard Ambroise-Croizat. Ce garçon de 19 ans, Hicham K., inconnu de la justice, aurait eu une altercation avec un individu, puis des détonations ont été entendues par les riverains.
Atteint par plusieurs coups de feu dans le dos, il s’effondre et, profitant de la confusion, le tireur prend alors la fuite.
Des habitants affirment que la résidence était agitée depuis quelques jours. De probables violences entre bandes rivales sur fonds de trafic de stupéfiants. Dans ce même quartier, une enquête du groupe de lutte contre les stupéfiants et l’économie souterraine de la division Centre avait débouché sur l’interpellation de trois vendeurs de stupéfiants et d’une nourrice au 51, boulevard Ambroise-Croizat.

Selon les premières constatations, Hicham K. aurait succombé à des tirs de fusil à pompe.
Mais à quelques mètres de la scène de crime, une habitante des Minguettes tape avec son pied dans un pistolet qu’elle croyait factice. Il était caché sous une voiture. « J’ai donné un coup de pied, je croyais qu’il était faux, mais je l’ai trouvé lourd », confie-t-elle.
Jeudi 12 décembre
16 heures
« Personne ne dit où se trouve le tireur, tout le monde sait, mais tout le monde a peur »

Après l’homicide du jeune Hicham K., le tireur est toujours recherché par la police. Il semblerait que des jeunes du quartier le pistent aussi. Ce jeudi, quelques habitants osent témoigner, dans un climat de peur.
« J’ai dit à mon mari : un jour, soit il va se faire tuer, soit il tuera. Il ne se passe pas un jour sans qu’il ne menace quelqu’un », confie une habitante de la résidence, boulevard Ambroise-Croizat à Vénissieux. Elle fait référence au meurtrier-présumé du jeune Hicham K., 21 abattu mercredi, et toujours recherché par la police jeudi après-midi.

« Ici c’est la guerre, c’est la drogue »
Cette habitante ose décrire l’atmosphère délétère qui règne dans le quartier. A priori, les jeunes pistent aussi l’auteur présumé des tirs, ils le connaissent. Certains redoutent des représailles, une escalade dans la violence tandis que la police judiciaire mène son enquête dans un secteur gangrené par le trafic de stupéfiants et l’omerta. « Personne ne dit où se trouve le tireur, tout le monde sait, mais tout le monde a peur ».
Et pour cause, dès qu’on pointe le nez à l’angle de la rue Paul-Bert et du boulevard Croizat, des guetteurs nous suivent. Nous sommes sous surveillance permanente. L’un d’eux, la main sur l’objectif de l’appareil photo, d’un ton peu affable, nous ordonne de quitter les lieux. « Ici c’est la guerre, c’est la drogue. Il y a une sale ambiance depuis quelque temps. Ils se battent entre eux, mais c’est discrètement », remarque un chibani.
Lundi 16 décembre
16 heures
Le principal suspect déféré devant un juge

L’homme suspecté d’avoir tiré sur Hicham K, 19 ans, doit être déféré mardi 17 décembre au palais de justice de Lyon, pour être présenté à un juge d’instruction, en vue d’une mise en examen.
Âgé d’une trentaine d’années, il aurait reconnu les faits, en expliquant avoir agi dans un contexte d’extrême confusion. Les coups de feu ont éclaté lors d’un affrontement entre deux bandes rivales, sur fond de trafic de stupéfiants.
Un complice présumé doit être déféré aussi. Selon nos informations, les deux hommes, qui avaient été identifiés par les enquêteurs de la brigade criminelle, se sont spontanément rendus à l’hôtel de police ce week-end.
Un troisième protagoniste a été placé en garde à vue lundi matin. Les investigations sont toujours en cours.
Vendredi 20 décembre
12 heures
Une marche contre la violence bientôt organisée

Le Nid du Charréard qui organise la Marche contre la violence le jeudi 26 décembre à 14 heures, à l'angle du boulevard Croizat et de la rue Paul-Bert, indique qu’elle devient interlocuteur unique pour l’événement et privilégie aujourd’hui les termes de Rassemblement symbolique pour qualifier sa manifestation tenue en réaction à la mort d’un jeune sur fond de trafic de drogue.
L’association estime que les termes Marche contre la violence créent des confusions en période d’élection.

Pour le Nid du Charréard, le défilé doit avant tout être une action citoyenne. À l’origine, la Marche était co-organisée avec France Banlieues de Mokrane Kessi. Un premier communiqué commun avait été diffusé. L’engagement de son président dans la liste d’Yves Blein pourrait semble-t-il être mal interprété.
Quoi qu’il en soit, le but de la manifestation, qui ira au Musée de la Résistance et devant la mairie, est de dire « stop à la violence. Nous en avons assez des scènes de violence qui nous affectent toutes et tous. Les lois de la République doivent s’appliquer sur l’ensemble du territoire. Nous ne sommes pas des habitants de seconde zone, nous avons le droit à la sécurité comme tous nos compatriotes français ».
Dimanche 22 décembre
12 heures
Nouveaux coups de feu

Dimanche 22 septembre aux alentours de 15 heures, la police a fermé le boulevard Ambroise-Croizat sur environ 200 mètres à la suite de coups de feu. À quelques mètres du lieu où le jeune Hicham a été abattu mercredi 11 décembre , trois coups de feu ont de nouveau retenti, selon les riverains.
Les forces de l’ordre sont intervenues pour sécuriser la zone. Vers 17 heures, à la tombée de la nuit, la circulation avait repris. Du côté des policiers, on confirme qu’une enquête est ouverte. Elle devrait être confiée à la police judiciaire.

«Si ça continue, on va fermer entre Noël et le jour de l'An, au moins on sera vivant l'an prochain»
Visiblement énervé par les événements, Choukri, le propriétaire du bureau de tabac précise: « On ne devait pas fermer prochainement et bah, si ça continue, on va fermer entre Noël et le premier de l’An. Au moins, on sera vivant l’année prochaine. »
Si l’activité a repris peu après les faits dans son commerce, le buraliste nourrissait un espoir : « On espère vraiment que ça va se calmer, on n’a pas envie que ça devienne Marseille. C’est dommage qu’on en arrive là. »
Lundi 23 décembre
12 heures
La famille opposée à la marche contre la violence

Par la voix de son avocat, la famille du jeune Hicham, tué par balles le 11 décembre à Vénissieux, a fait savoir qu’elle n’est pas favorable à la marche blanche prévue le 26 décembre.
« La famille a vu un appel au rassemblement, elle aimerait qu’il ne se tienne pas car elle besoin de sérénité, d’apaisement et de discrétion pendant cette période de deuil », indique Me David Letiévant.
À cette date, la famille sera en Algérie où doit être inhumé Hicham et, si un rassemblement devait se tenir, « elle aimerait y être associée ».
Selon leur avocat, les proches de Hicham souhaitent qu’on « respecte leur temps de deuil » et que « l’enquête puisse mettre en lumière ce qui s’est passé ».
Mercredi 25 décembre
15 heures
Poignardé à mort : la piste du règlement de comptes

Deux hommes, dont l’un n’a pas survécu, ont été blessés à coups de couteau mercredi après-midi à Vénissieux et, selon les premières informations, les affaires seraient liées sur fond de conflit entre bandes rivales.
Peu avant quinze heures ce mercredi, deux individus déposent un homme grièvement blessé aux urgences de l’hôpital privé Jean Mermoz à Lyon (8e).
La victime présente plusieurs plaies par arme blanche et se trouve dans un état critique puisqu’elle succombe à ses blessures moins d’une heure après son arrivée à l’hôpital.
Un autre blessé
Les hommes qui l’accompagnaient, et qui ont refusé de donner leur identité, sont interpellés dans la foulée et placés en garde à vue.
À quelque distance de là, une scène comparable se déroule à la clinique des Portes du Sud à Vénissieux. Autour de quinze heures, un homme est conduit aux urgences par deux individus, qui le déposent et quittent rapidement les lieux. Il souffre d’une profonde blessure à la cuisse, provoquée par une arme blanche.
Après avoir reçu des soins, il est hors de danger.
Jeudi 26 décembre
21 heures
Une pétition pour dire stop

La marche contre la violence ne s’est pas tenue jeudi 26 décembre. Pour autant, dans un contexte de guerre liée aux stupéfiants, les habitants exigent des actes de la part des pouvoirs publics.
Le Nid du Charréard demande une audience à la maire Michèle Picard. Dans un premier communiqué annonçant la marche, ses membres disaient « stop au silence de nos élus ».

Les habitants ont le sentiment que les édiles « ne se sentent pas concernés par nos craintes, nos angoisses et par cette peur qui hante notre quotidien ». Ce jeudi, des effectifs de CRS étaient déployés dans le quartier.
« Nous souhaitons pouvoir être reçus par les pouvoirs publics de la ville de Vénissieux ou de Lyon, afin d’échanger sur ce qu’il se passe dans notre ville ces dernières semaines en lien avec la violence des quartiers. Il serait important de trouver des solutions avec les habitants touchés de près par ce problème. Il faudrait échanger, voir ce qu’il est possible de mettre en place pour nos quartiers », écrivent-ils.